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Amira Abdel-Halim : Une réforme structurelle et administrative de l’UA est indispensable

Sabah Sabet , Vendredi, 02 juin 2023

A l’occasion de la Journée mondiale de l’Afrique qui marque le 60e anniversaire de la fondation de l’OUA, ancêtre de l’UA, Amira Abdel-Halim, spécialiste des affaires africaines au CEPS d’Al-Ahram, revient sur les défis qu’affrontent le continent et son organisation.

Amira Abdel-Halim

Al-Ahram Hebdo : 60 ans après la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ancêtre de l’Union Africaine (UA), comment l’essence de l’organisation panafricaine a-t-elle changé ?

Amira Abdel-Halim : Dans le passé, les Africains s’unissaient pour lutter contre la colonisation et affronter le racisme. Actuellement, les défis sont différents et les conflits sont divers. Certes, on a une organisation panafricaine développée qui dispose d’un mécanisme sécuritaire, le Conseil de paix et de sécurité, qui la distingue d’autres organisations régionales, comme par exemple la Ligue arabe, on a aussi l’agenda 2063, plein d’aspirations et d’idées de développement. Il n’en demeure pas moins qu’avec les circonstances actuelles, ainsi que les changements internationaux et régionaux, on a besoin de réarranger les priorités et de redéfinir le concept de l’unité africaine du point de vue politique, sécuritaire et économique, surtout que l’UA est devenue incapable, seule, de résoudre les problèmes qu’elle affronte.

— Est-ce la raison pour laquelle l’ingérence des acteurs internationaux est de plus en plus grande ?

— C’est vrai, et on a l’exemple de la crise soudanaise, l’initiative de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis est la seule à être relativement respectée. Malheureusement, dans les conflits internes et avec la dimension tribale, la gestion des conflits est complexe. Au sein de l’UA, il existe 8 entités, mais leur rôle n’est pas toujours efficace. Parfois, elles sont accusées de partialité. Parfois, certaines parties oeuvrent à ce que les crises traînent. Cela donne l’occasion aux grandes puissances d’entrer en jeu, c’est le cas des Etats-Unis qui, après des années de négligence, tentent actuellement de se rapprocher du continent et d’obtenir la confiance des Africains en gérant les différentes crises et en tentant de trouver des solutions.

— Et pourquoi cet intérêt des Etats-Unis et d’autres puissances ?

— La géopolitique mondiale passe par l’Afrique. C’est pourquoi chacune des puissances y cherche une place. On l’a vu avec la crise ukrainienne, les grandes puissances ont voulu se rapprocher des Africains pour qu’ils prennent leur parti. De plus, avec la crise économique, l’Afrique, avec ses ressources naturelles et sa situation géographique stratégique, est devenue le point de mire. Par exemple, les Etats-Unis ont les yeux tournés vers le pétrole du Nigeria, vu sa qualité et aussi pour la situation géographique du pays sur l’Atlantique, qui facilite le processus de transfert. Tous cherchent à gérer les conflits pour leurs propres intérêts.

— Au-delà des intérêts des uns et des autres, comment le continent peut-il en tirer profit ?

— L’intérêt des grands pays les pousse à investir en Afrique, ce qui donne lieu au développement. Or, certains pays ont besoin d’une infrastructure de qualité, ce qui nécessite de grands financements. Et certains pays s’endettent excessivement pour mettre en place cette infrastructure.

— Comment, aujourd’hui, 60 ans après la naissance de l’organisation panafricaine et alors que l’Afrique souffre encore de nombreux maux, la rendre plus efficace ?

— Une réforme administrative et structurelle de l’UA est indispensable pour lui donner plus d’efficacité. Il existe tant de procédures qui entravent l’action rapide des organes de l’UA, comme le Conseil de paix et de sécurité qui doit passer par plusieurs procédures avant d’intervenir dans un conflit, ce qui donne occasion à l’aggravation des crises. Il est aussi nécessaire de régler les problèmes de financement qui constituent un frein à l’action de l’organisation. Il faut savoir que seuls 5 des 55 pays membres de l’UA contribuent au financement. Il faut donc des règlements qui obligent les membres à verser leurs contributions. Je me demande aussi pourquoi l’UA ne cherche pas de sources d’autofinancement à travers la mise en place des projets. Le président rwandais, Paul Kagamé, avait proposé, lors de sa présidence de l’UA en 2018, de lever une taxe sur les importations, à hauteur de 0,2 %, auprès des pays membres de l’organisation pour subventionner l’UA. Cette mesure a été acceptée à ce stade par 22 pays seulement.

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