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Ethiopie : Regain de tension au Tigré

Sabah Sabet , (avec Agences) , Mercredi, 31 août 2022

Après cinq mois de trêve, les combats ont repris entre les rebelles tigréens et le gouvernement fédéral éthiopien. Les chances d’une solution pacifique au conflit s’éloignent de plus en plus.

Ethiopie : Regain de tension au Tigré

Malgré la trêve actée le 24 mars dernier, les rebelles du Tigré et le gouvernement fédéral éthiopien s’accusent mutuellement de la reprise des combats, depuis la semaine dernière. Samedi 27 août, trois jours après la reprise des combats, le gouvernement a accusé les rebelles « d’intensifier leurs attaques ». Les rebelles, eux, ont affirmé « être passés à la contre-offensive » depuis vendredi soir et avoir pris plusieurs localités situées dans les régions de l’Amhara et de l’Afar et bordant la pointe sud-est du Tigré, autour de laquelle les combats se sont concentrés jusqu’ici. Mais le Tigré étant largement coupé du reste du pays, ces accusations n’ont pour l’instant pas pu être vérifiées de source indépendante. Cela n’empêche pas que ce regain de tension suscite l’inquiétude de la communauté internationale, qui craint une reprise du conflit à grande échelle et la fin des maigres espoirs suscités en juin par des perspectives de négociations jamais concrétisées. « Les informations sur une reprise du conflit dans le nord de l’Ethiopie assombrissent les perspectives de paix », a estimé le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, appelant « toutes les parties à désamorcer la situation avant qu’elle ne dégénère à nouveau en guerre à part entière ».

Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a, de son côté, invité les deux parties « à mettre une fin définitive au conflit ». C’est en 2020 que la guerre a commencé au Tigré, lorsque le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, y a envoyé l’armée pour déloger les autorités régionales, les accusant d’avoir attaqué des bases militaires après avoir contesté son autorité durant des mois. L’armée fédérale a reçu l’appui des forces régionales et de milices amhara, ainsi que de soldats de l’Erythrée voisine, des troupes toujours présentes dans l’ouest du Tigré. Après avoir initialement battu en retraite, les rebelles tigréens ont repris le contrôle de l’essentiel de la région lors d’une contre-offensive, mi-2021, au cours de laquelle ils sont entrés en Amhara et Afar.

Mais s’agit-il de combats sporadiques ou d’une reprise du conflit qui ramène à zéro les efforts de paix ? « Le feu est encore sous les cendres et la guerre peut reprendre de plus belle à tout moment », répond Mohamad Abdel-Wahed, expert sécuritaire et spécialiste des affaires africaines, expliquant que le conflit en Ethiopie est particulièrement complexe, vu la nature du pays, composé de 83 ethnies. L’analyste se dit sceptique : « Cette guerre risque de se prolonger et ne se terminera pas facilement pour de nombreuses raisons. La première étant que chaque partie ne fait pas confiance à l’autre. Les Tigréens considèrent Abiy Ahmed comme un usurpateur du pouvoir qui les a expulsés des positions qu’ils occupaient depuis 30 ans, les a isolés et les a remplacés par d’autres. Quant à Abiy Ahmed, il les considère comme une faction rebelle qui doit se soumettre au pouvoir central, c’est pourquoi il rejette toute condition préalable à la négociation ».

« Après avoir été à la tête du pouvoir pour plus de 30 ans, les Tigréens se sentent humiliés, leur région est assiégée et souffre de famine. Donc, ils ne resteront pas les bras croisés, surtout qu’ils possèdent une expérience politique, sécuritaire et militaire, ainsi que des parties qui les soutiennent dans plusieurs régions du pays », conclut l’expert, qui ne s’attend pas à une solution prochaine au conflit au Tigré, qui a déjà fait plus de 2 millions de déplacés et plongé des centaines de milliers d’Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon les Nations-Unies.

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