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Mohamed Abdelwahed : Il faut une vraie coopération internationale pour une lutte antiterroriste efficace

Sabah Sabet , Mercredi, 10 août 2022

Le général Mohamed Abdelwahed, expert sécuritaire, revient sur l’impact de l’élimination du chef d’Al-Qaëda Ayman Al-Zawahri sur l’organisation, ainsi que le terrorisme mondial. Entretien.

Mohamed Abdelwahed

Al-Ahram Hebdo : Quel sera l’impact de l’élimination d’Ayman Al-Zawahri sur la capacité de ce mouvement tentaculaire terroriste et sur la carte du terrorisme mondial ?

Mohamed Abdelwahed: Al-Qaëda n’est plus, depuis un bon moment, ce qu’elle était dans les années 1990 et lors des attaques du 11 Septembre 2001. L’organisation a été durement touchée par des frappes américaines qui ont ciblé ses leaders, ses lieux de refuge et ses sources de financement. Tout cela l’avait affaiblie, même avant la mort d’Al-Zawahri. A la tête de l’organisation depuis 2011, Ayman Al-Zawahri n’a pas réussi à rendre l’organisation comme elle était au début de sa création. D’un côté, il n’avait pas de compétences d’organisation. De l’autre, il a perdu contact avec certains éléments influents qui ont fui et qui lui apportaient autrefois un grand soutien dans ses guerres, et même au niveau idéologique. Et donc, je pense que la mort d’Al-Zawahri n’aura pas de grand effet sur l’organisation.

— Le terrorisme international renferme deux principales organisations. Où se positionne Daech de son grand rival Al-Qaëda ?

— En effet, dès son apparition en 2014, Daech a pu changer la carte des organisations terroristes en tirant le tapis sous les pieds d’Al-Qaëda. Plusieurs éléments qui ont fui des frappes américaines en Afghanistan ont rejoint Daech, parmi eux se trouvent les jeunes, attirés par cette nouvelle organisation qui a pu mener des opérations en Europe et dans la région arabe. Ensuite, le désaccord intense qui a eu lieu entre Abou-Bakr Al-Baghdadi, leader de Daech, et les dirigeants d’Al-Qaëda, l’annonce d’Abou-Mohamad Al-Joulani, fondateur du Front Al-Nosra, l’annulation de son allégeance à l’organisation, ainsi que la séparation de plusieurs autres branches en Afrique, ont affaibli la position de l’ancienne organisation devant son nouveau rival.

— Comment donc ces groupes ont-ils pu transférer leurs activités en Afrique ?

— Al-Qaëda est rentrée en Afrique à travers ses éléments qui sont implantés en Somalie et ont rejoint le groupe Shebab, à cause des frappes américaines intenses, d’autres éléments ont fui dans d’autres pays en Afrique de l’Ouest et ont rejoint des groupes djihadistes qui, à la suite, ont prêté allégeance à Al-Qaëda. Daech aussi, avec les pertes qu’il a subies dans plusieurs pays arabes, a transféré ses activités et ses éléments dans la région du Sahel via la Libye.

— Mais malgré les efforts de lutte antiterroriste, ces groupes restent très actifs en Afrique ...

— L’absence du rôle efficace des gouvernements sur plusieurs fronts, sécuritaire, social et économique, ont donné l’occasion à ces groupes de s’y implanter en offrant des services sociaux et financiers aux populations locales. J’ai vécu plus de 24 ans en Afrique, et je peux te dire que les peuples africains veulent vivre en paix et détestent la violence, mais les crises économiques et les conséquences du changement climatique qui ont privé des milliers de pêcheurs, d’agriculteurs et d’éleveurs de leur gagne-pain, ont poussé nombre de personnes à rejoindre les rangs de ces groupes terroristes.

— Pourquoi les efforts internationaux n’ont-ils pas pu éradiquer le terrorisme ?

— On doit noter qu’en Afrique, il existe plusieurs forces de lutte antiterroriste comme la force Barkhane, les forces américaines d’AFRICOM, des forces des Nations-Unies et d’autres, mais une vraie volonté de la communauté internationale d’éradiquer le terrorisme fait défaut. Par exemple, l’initiative africaine lancée en 2013 intitulée « Pour faire taire les armes » n’a pas pu réaliser ses objectifs, et son délai s’est prolongé jusqu’en 2030. En outre, la CEDEAO a demandé 2 milliards de dollars pour la lutte antiterroriste, et jusqu’à l’instant, elle n’a pas reçu les fonds nécessaires pour ce plan antiterroriste. En même temps, alors que l’Union africaine tire la moitié de son financement de l’Union européenne, elle ne possède pas d’indépendance dans ses décisions. Il faut avoir une vraie coopération internationale pour une lutte antiterroriste efficace, sans chercher des intérêts personnels. Un seul pays ne peut jamais affronter seul ce danger transnational.

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