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Les intérêts bien compris de Washington

Nada Al-Hagrassy , Mercredi, 10 août 2022

Le président américain, Joe Biden, a annoncé la liquidation en Afghanistan d’Ayman Al-Zawahri, chef d’Al-Qaëda et cerveau des attentats du 11 Septembre 2001. L’Administration démocrate, en pleine crise interne, entend mettre à profit cette opération. Décryptage.

Les intérêts bien compris de Washington

« Les Etats-Unis ont mené à bien une frappe aérienne sur Kaboul en Afghanistan, qui a tué le chef d’Al-Qaëda, Ayman Al-Zawahri. Justice a été rendue et ce dirigeant terroriste n’est plus », a déclaré le président américain, Joe Biden. Et d’ajouter que « la mort d’Al-Zawahri permettra aux familles des victimes tuées le 11 septembre 2001 de tourner la page ». La mort d’Ayman Al-Zawahri n’aura pas d’effet sur l’organisation terroriste d’Al-Qaëda. Cependant, l’opération américaine, qui intervient à trois mois des élections de mi-mandat aux Etats-Unis et un an après le retrait chaotique américain d’Afghanistan, répond aux intérêts politiques internes de l’Administration américaine. « Le timing de l’opération était tellement important pour le président américain, notamment après avoir été testé une deuxième fois positif au coronavirus, ce qui a ouvert le débat sur sa capacité à gérer l’Etat et à se présenter pour un deuxième mandat en 2024 », explique Amr Abdel-Atti, expert des affaires américaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Et d’ajouter: « En donnant l’ordre de mener cette opération depuis sa quarantaine à la Maison Blanche, le président a voulu envoyer un message aux Américains que malgré sa maladie, il est apte à remplir avec succès les fonctions de président ».

Elections de mi-mandat : Le vrai défi de Biden

Outre l’état de santé du président, le moment choisi pour mener cette opération intervient à moins de 100 jours des élections du mi-mandat qui s’annoncent difficiles pour le camp démocrate et au moment où les Etats-Unis viennent d’enregistrer un nouveau record d’inflation. A cela s’ajoute l’échec constant du président de faire passer son agenda sociopolitique. « Tous ces facteurs ont contribué à la chute de la popularité du président démocrate, pour atteindre environ 38% d’après les récents sondages », souligne Amr Abdel-Atti. En menant cette opération, Joe Biden a voulu imiter Barack Obama, dont la popularité était remontée après l’opération menée par les Navy Seals pour neutraliser Ossama bin Laden au Pakistan. Cependant, selon l’expert, « le résultat ne sera pas le même ici, parce qu’avant le meurtre d’Al-Zawahri, l’élimination du chef de Daech, Abou-Bakr Al-Baghdadi, et de son successeur Abou-Ibrahim Al-Hachimi Al-Qourachi par les Etats-Unis a été sans écho à l’intérieur des Etats-Unis », estime Abdel-Atti. Et d’ajouter que « le nom d’Al-Zawahri ne résonne pas aussi fort aux oreilles des Américains qu’Ossama bin Laden. La mort d’Al-Zawahri ne devrait pas changer la donne sécuritaire ».

Stratégie antiterroriste américaine

Par ailleurs, selon un rapport de l’Onu publié à la mi-juillet, « Al-Zawahri travaillait visiblement avec beaucoup d’aisance après la prise de contrôle de l’Afghanistan par les Talibans », affirme Abdel-Atti. Ce qui constitue, selon lui, une violation de l’accord de Doha signé entre les Talibans et les Etats-Unis. Cet accord interdit aux Talibans de transformer leur pays en un refuge aux organisations terroristes. Mais la présence d’Al-Zawahri affirme le contraire. « Les Etats-Unis ont saisi l’occasion et mené cette opération pour contourner les critiques qui leur ont été adressées après leur départ chaotique de l’Afghanistan il y a un an », explique Maha Allam, chercheuse au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). D’après elle, en menant cette opération, le président américain a voulu « affirmer la capacité de son administration à lutter contre le terrorisme en Afghanistan, même si ses troupes ne se trouvent pas sur le terrain ». En plus, selon la chercheuse, cette opération souligne l’engagement ferme des Etats-Unis de continuer à jouer leur rôle sur la scène internationale en tant que force de protection de la paix, de la sécurité et de lutte antiterroriste. « Ce qui a changé, ce sont les moyens que les Etats-Unis utilisent pour accomplir ce rôle. Dorénavant, les Etats-Unis offrent des aides sous forme de renseignements et d’entraînement aux forces de l’ordre locales pour lutter contre le terrorisme, sans être obligés d’envoyer leurs propres troupes », explique Amr Abdel-Atti. Et d’ajouter: « Ce qui ne change rien dans la stratégie de lutte antiterroriste qui demeure l’épicentre de la politique américaine ».

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