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Abdel-Sattar Heteta : Les réunions du Comité militaire libyen au Caire constituent un pas en avant

Racha Darwich , Mercredi, 15 février 2023

Abdel-Sattar Heteta, spécialiste des affaires libyennes, revient sur l’importance du rôle du Caire dans le dossier libyen et la préservation de son unité, alors que Le Caire vient d’accueillir des réunions du Comité militaire conjoint 5+5.

Abdel-Sattar Heteta

Al-Ahram Hebdo : Quelle est l’importance des réunions du Comité militaire libyen 5+5 qui ont achevé leurs travaux mercredi dernier au Caire ?

Abdel-Sattar Heteta : Ces réunions interviennent au moment où la communauté internationale et les pays voisins de la Libye, dont l’Egypte, ainsi que de nombreuses forces actives en Libye insistent sur la nécessité d’organiser des élections dans ce pays avant la fin de cette année et de parvenir à un gouvernement unifié. Ce qui exige un effort au niveau de la sécurité. Tout le monde est conscient de l’importance de l’unification des institutions militaires et des autres institutions étatiques pour faire réussir les efforts politiques, avec en premier lieu l’organisation des élections.

— Les réunions du Comité 5+5 au Caire ont abouti à l’adoption d’un mécanisme pour faciliter le départ des mercenaires et des combattants étrangers. Quelle est la possibilité de la mise en oeuvre de ce mécanisme sur le terrain ?

— Les choses sont compliquées. Nous avons des mercenaires, des combattants étrangers et des milices. En ce qui concerne les mercenaires, par exemple, il en existe plusieurs types. Certains viennent de pays africains, beaucoup du sud de la Libye et d’autres d’ailleurs, de l’autre côté de la Méditerranée. Ils sont concentrés dans le nord-ouest de la Libye. Les mercenaires africains sont les plus faciles à contrôler. Ils peuvent être facilement expulsés de la Libye car ils n’ont aucune ambition politique. Le deuxième type qui comprend les Syriens, les Tchétchènes et d’autres nationalités est composé d’un mélange d’extrémistes et d’aspirants à la collecte de fonds, qui suivent les ordres des pays qui ont des intérêts politiques en Libye. Quant aux forces étrangères, elles appartiennent aux pays qui ont mis le pied militairement en Libye. Elles se trouvent dans des bases dans le nord-ouest de la Libye. Je pense qu’il n’y en a pas d’autres dans le reste de la Libye.

— Pensez-vous donc que l’accord du Caire soit une étape importante pour instaurer la stabilité en Libye ?

— L’accord du Caire relève d’une grande importance. Il est le fruit d’un long parcours de diplomatie égyptienne sérieuse et convaincante pour la communauté internationale, d’autant plus qu’elle n’a aucune avidité comme d’autres pays concernés par le dossier libyen. Au cours des dernières années, l’Egypte a pu communiquer avec les différentes parties sécuritaires et militaires dans l’est, l’ouest et le sud de la Libye. Ce qu’aucun autre pays n’a réussi à faire. D’où l’intérêt de Abdoulaye Bathily, envoyé de l’Onu pour la Libye, de tenir de telles réunions au Caire. L’Egypte dispose d’un parterre réaliste pour instaurer la stabilité en Libye.

— L’Egypte embrasse toutes les voies de solution, qu’elles soient constitutionnelles ou sécuritaires, comment voyez-vous le rôle égyptien dans la sortie de l’impasse politique et l’unification de l’armée ?

— Depuis la grande division politique et sécuritaire en Libye fin 2014, l’Egypte tente d’aider les frères libyens à développer une solution, à parvenir à l’unité et à la stabilité. Tout le monde connaît le coût élevé pour l’Etat égyptien pour préserver ses frontières avec la Libye. L’Egypte est également un membre actif de l’ordre international. En conséquence, elle cherche à trouver une solution équilibrée qui satisfait les Libyens, préserve leur Etat et ne contredit pas les lois et conventions internationales. Au cours des dernières années, l’Egypte a déployé des efforts considérables pour écouter toutes les parties libyennes, de l’est, de l’ouest et du sud. L’Egypte est le seul pays qui a accueilli tout l’éventail de la société libyenne : des forces militaires et civiles, en plus des chefs de tribus, des activistes et d’autres, afin de les aider à sauver leur pays des avidités et des ingérences étrangères. Après avoir écouté les Libyens, elle a présenté des cartes politiques et militaires pour parvenir à une solution. Des cartes qui étaient acceptables pour la plupart des parties en Libye, mais n’oubliez pas qu’il existe d’autres puissances régionales qui ne veulent pas la stabilité et l’unité de la Libye, afin de continuer à piller ses richesses et à s’immiscer dans ses affaires. Ces puissances ont oeuvré à bloquer les solutions égyptiennes. Par exemple, l’Egypte a pu rédiger un document pour unifier l’armée libyenne à la fin de 2018. Cependant, lors de la conférence de Palerme en Italie sur la Libye en novembre de la même année, certaines puissances régionales sont intervenues et ont tenté de s’emparer du dossier de l’unification de l’institution militaire et de le retirer d’Egypte. Mais l’Egypte a réussi à renvoyer le dossier aux Nations-Unies, et c’est ainsi que s’est formé le Comité 5+5.

— Quelles sont les principales tâches de ce Comité militaire 5+5 et quels sont les obstacles qui entravent son travail ?

— Les divergences au sein du comité militaire se limitent à plusieurs points, et certaines puissances régionales tentent de préserver ces divergences qui servent leurs propres intérêts, sans aucune vision réaliste d’une solution en Libye. Le premier est la question des forces étrangères et des mercenaires. Des pays prétendent avoir fait venir des mercenaires et des forces étrangères sur la base d’accords avec des gouvernements libyens, oubliant que ces gouvernements ne sont pas autorisés à conclure de tels accords, et encore moins à ne pas présenter de tels accords au parlement libyen élu. Certains pays souhaitent également garder les milices en Libye, même si l’armée est unifiée. Il s’agit d’une question sérieuse et il y a de nombreuses discussions à ce sujet. Le commandement général de l’armée libyenne (dirigé par le maréchal Haftar) veut inclure les membres de la milice dans l’armée de manière professionnelle, c’est-à-dire inclure ces éléments en tant qu’individus après un examen médical et sécuritaire de chacun d’eux, pour que chacun rejoigne l’arme dans laquelle il peut servir. Par contre, d’autres pays qui sponsorisent les mercenaires et les milices veulent inclure les milices, en tant que blocs, au sein de l’armée, pour rester ainsi sous le commandement de leurs chefs, sans que le commandement général de l’armée libyenne ait un contrôle sur elles. Ce qui créera une armée au sein de l’armée.

— Quelle est la situation en Libye après les réunions du Caire et le récent amendement constitutionnel ?

— Il ne fait aucun doute que les nombreux dilemmes dont souffre la Libye ne peuvent être résolus en une ou deux réunions. Il faut beaucoup de patience et de dialogue. Il faut essayer de persuader et de donner la priorité au langage de la diplomatie et non pas au langage de la guerre. Les réunions du Comité militaire libyen au Caire sont un pas en avant, mais cette étape nécessitera plus de travail de la part de l’envoyé de l’Onu et des principales parties concernées par le dossier libyen, comme les Etats-Unis. Si tous ces efforts sont combinés avec détermination, le retrait des mercenaires de toute la Libye peut commencer, et ainsi, un message peut être envoyé, qu’il est temps de régler leurs différends.

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