La faim, le froid, la peur et le manque de chauffage, tel est le lot quotidien des réfugiés dont la situation humanitaire s’est aggravée dans diverses régions du Moyen-Orient en raison de la faiblesse des infrastructures. Les camps de réfugiés, censés être des abris contre la mort, ressemblent désormais à des cimetières glacés.
Dans le nord de la Syrie, les conditions hivernales brutales ont provoqué des souffrances à grande échelle pour 2,8 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. La dernière tempête de glace a donné lieu à des scènes d’horreur. Au moins cinq enfants ont trouvé la mort gelés et environ 1 000 tentes se sont effondrées ou ont été très gravement endommagées à cause des fortes chutes de neige.
Les 13 millions de réfugiés syriens sont désormais vulnérables, affirme l’Onu. Environ 80% de ces réfugiés vivent en dessous du seuil de pauvreté, dans des camps temporaires et des installations informelles, sans protection adéquate dans des pays voisins: en Jordanie, au Liban et en Turquie. Ils n’ont ni emplois ni revenus. En Egypte en revanche, la majorité des réfugiés syriens sont parfaitement intégrés dans la vie économique et sociale.
Au Liban, des millions de réfugiés subissent les conséquences d’une crise économique sans précédent et n’ont aucun moyen de se protéger contre les tempêtes de neige attendues. Non loin des camps syriens, les camps palestiniens au Liban vivent dans des conditions insupportables. Selon les chiffres officiels, le Liban accueille plus de 175000 réfugiés palestiniens. D’autres estimations vont jusqu’à 500000. « Le problème des réfugiés palestiniens est la plus grande preuve de l’incapacité des pays arabes et de l’Onu à faire face à ce problème, qui est devenu l’une des caractéristiques du système international après la Seconde Guerre mondiale. Dans le contexte arabe, le problème s’est aggravé de manière triste et malheureuse au cours de la décennie du soi-disant Printemps arabe. Les réfugiés sont devenus les otages des calculs et des intérêts politiques. La situation en Afrique à ce niveau n’est pas la meilleure », indique l’ambassadeur Hussein Haridy, ancien assistant du ministre des Affaires étrangères. Les pays en développement accueillent plus de 85% des réfugiés dans le monde.
Plusieurs pays africains ont été touchés par les vagues de violence: la région soudanaise du Darfour a été témoin de violences tribales. En République centrafricaine, des combats ont éclaté au lendemain des élections présidentielles. Dans l’est de la République démocratique du Congo, des groupes armés ont commis des atrocités. Le Burkina Faso a connu une augmentation des violences et des attaques djihadistes. Tous ces événements ont entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes. L’escalade du conflit dans la région du Tigré en Ethiopie a également provoqué des déplacements massifs, notamment vers le Soudan. Les camps abritant des milliers de réfugiés érythréens, qui avaient cherché refuge en Ethiopie, avaient été complètement incendiés en mars 2021.
En Afghanistan, l’instabilité a forcé plus de 3,5 millions de personnes à quitter leurs foyers. Au Yémen, les conflits, la violence et la famine ont poussé des familles à fuir.
Une question plus politique qu’humanitaire
Fuir les violences est la première raison pour laquelle on quitte sa patrie et son foyer et se réfugier dans des abris. Mais, dans bien des cas, les abris ne valent pas mieux que la mort, ou sont parfois une mort plus lente et plus dure. Selon Hussein Haridy, le problème avec la crise des réfugiés est qu’elle est régie par des considérations politiques et non pas strictement humanitaires. « Ce phénomène des réfugiés est le résultat de la violence politique, ethnique et religieuse. Le système international, pour des raisons politiques, est encore incapable de s’attaquer aux causes du problème, exacerbé par la propagation du terrorisme. Les groupes terroristes contrôlent désormais de vastes zones géographiques. Aujourd’hui, la question des réfugiés n’est plus un problème temporaire, ni accessoire, car les habitants sont déracinés de leurs zones d’habitation », explique Haridy.
C’est dans ce contexte que la semaine dernière, la Turquie et la Grèce se sont mutuellement accusées d’avoir provoqué le décès tragique de 12 migrants morts de froid sur les frontières gréco-turques. L’année dernière, plus de 2500 personnes sont mortes ou sont disparues en mer, selon le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR).
84 millions de personnes (soit 1% de la population mondiale) sont aujourd’hui déracinées de leurs terres. Le nombre de réfugiés a doublé en l’espace de 10 ans! Selon le HCR, 1 personne sur 95 est désormais déplacée de force. Cela se compare à 1 sur 159 en 2010. Plus de la moitié de ces déplacés est composée d’enfants.
Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, prévoit, pour 2022, une forte augmentation du nombre de réfugiés et de migrants, en raison de la multiplication des conflits dans le monde. « Déjà, le nombre de réfugiés a atteint un niveau record. Un millier d’Afghans quittent leur pays, chaque jour, en raison de la dégradation de la situation sécuritaire et économique. 50% de la population (23 millions de personnes) souffrent de la faim. L’insécurité continue en Syrie, en Iraq, en Libye et au Yémen, poussant de nombreuses personnes à quitter leurs terres. La crise économique sans précédent qui sévit au Liban depuis 2019 devient endémique, et il faudra sans doute attendre cinq ans pour qu’elle prenne fin », affirme Soliman.
Le problème du Covid
Cette augmentation du nombre de personnes déplacées et de réfugiés est accompagnée d’un recul de la mobilité mondiale en raison des procédures de voyage strictes visant à lutter contre le Covid-19, ce qui a poussé le directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations, Antonio Vitorino, à déclarer que « le monde est témoin d’un paradoxe sans précédent dans l’histoire de l’humanité ». Pour les personnes contraintes de fuir la violence ou la persécution, rester chez soi pour s’isoler du virus n’est pas une option. « Les mesures anti-Covid ont eu un impact à la fois direct et indirect sur le dossier des réfugiés. De nombreux pays ont pris des mesures strictes pour contenir la propagation du virus, notamment en limitant les mouvements des populations, ce qui a mené à un déficit économique et à l’augmentation des prix; et par conséquent, au blocage de bon nombre de déplacés et à la difficulté à leur apporter de l’aide. D’ailleurs, le virus s’est propagé dans les camps de réfugiés. En l’absence de soins de santé primaires, le nombre de réfugiés qui sont infectés ou qui meurent du virus est encore inconnu. Le coronavirus a donc exacerbé la crise des réfugiés », explique Mona Soliman.
Si les conflits sont un moteur majeur du déplacement volontaire et forcé, les changements climatiques sont susceptibles dans les années à venir de jouer un rôle important (voir page 5). Selon le HCR, depuis 2010, les conditions météorologiques extrêmes forcent quelque 21,5 millions de personnes à se déplacer chaque année
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