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Magda Amer : Spiritualité, science et médecine alternative

Rania Hassanein, Mercredi, 10 février 2021

Issue d’une famille attachée aux valeurs de l’islam, docteure Magda Amer a réussi à mêler science et religion. Ayant étudié plusieurs branches de la médecine alternative, elle en a fait un outil de prédication et de vulgarisation.

Magda Amer

Son appartement du quartier d’Héliopolis, au premier étage, est assez tranquille et relaxant. Les meubles et le décor de style oriental, les couleurs douces respirent la sérénité. Le son du Coran venant d’un poste radio, au coin de la pièce, accentue cette atmosphère reposante. Notre hôte, une femme souriante et voilée, docteure Magda Amer, est une spécialiste en biochimie, en homéopathie, en immunologie et en naturopathie. Agée de 69 ans, elle maîtrise plusieurs branches de la médecine douce. C’est-à-dire une médecine naturelle, traditionnelle, alternative et complémentaire.

Après de nombreuses années d’expertise, elle a surtout réussi à concilier la science et la religion. Elle a commencé par étudier la charia islamique à l’Université d’Al-Azhar (la plus haute instance sunnite) et a obtenu, en 2019, un doctorat en législation islamique de l’Arab Open University aux Etats-Unis. Puis, elle s’est mise à interpréter certains versets du Coran et à commenter les dires du prophète selon le prisme d’une spécialiste en médecine alternative.

D’une famille pieuse, ses grands-parents maternels étaient d’origine marocaine, essentiellement d’éminents cheikhs d’Al-Azhar. Son grand-père, cheikh Abd Al-Rahman Eleich, était un éminent savant qui avait une très grande influence sur son disciple français René Guénon. Et son père, cheikh Muhammad Eleich, a été un ancien mufti d’Egypte ; il appartenait lui aussi à l’école malikite. Cette école diffère des trois autres du fait qu’elle est plus structurée et hiérarchisée avec un primat à sa tête et par les sources qu’elle utilise pour déterminer la jurisprudence, accordant une plus grande place aux pratiques des premiers musulmans de La Médine, à la tradition de Mohamad et aux considérations de l’intérêt général.

« Durant mon année de baccalauréat, ma mère a été atteinte d’un cancer. La famille a décidé de m’envoyer en pensionnat », se souvient l’ancienne élève du Sacré-Coeur d’Héliopolis. L’expérience était très utile pour la jeune Magda, très proche des religieuses. Elle a appris de ces dernières comment devenir indépendante et ne compter que sur soi-même. Assidue, du signe Lion, elle a toujours fait preuve de persévérance. Dans le pensionnat, elle passait 7 heures chaque jour à lire et à étudier, créant son propre dictionnaire de langue française, de quoi lui avoir permis d’enrichir son vocabulaire. Elle fut ensuite admise à la faculté des sciences de l’Université de Aïn-Chams, au département de biochimie, avant de se marier avec un homme d’affaires, de voyager avec lui et de s’installer pendant 7 ans à Paris. Là-bas, elle a eu un garçon et une fille et a fait une année d’études en cytologie (étude des cellules isolées). « En France, l’une de mes amies françaises a voulu se convertir à l’islam. Elle me demandait souvent, en même temps que d’autres étrangers, des explications concernant ma religion. J’étais incapable de lui répondre, car je n’avais que très peu d’informations. A partir de là, j’ai commencé à m’instruire et j’ai fini par porter le voile ». Opter pour le voile n’était pas très apprécié par sa famille, ni par son mari qui assistait tout le temps à des soirées et des rencontres d’affaires. Il ne voulait pas que son épouse ait une tenue « différente », surtout dans les milieux mondains de Paris.

De retour en Egypte, un événement s’est produit et a constitué un tournant dans sa vie. Un accident affreux est arrivé à son fils, âgé de 6 ans, alors qu’il jouait au ballon avec un ami devant leur immeuble. Le petit a été renversé par une voiture. « J’avais 29 ans quand j’ai perdu mon enfant. J’ai compris que la vie est très courte et qu’il ne faut pas trop s’y attacher », dit-elle sur un ton triste. « Plus tard, Dieu m’a donné deux autres garçons, mais je n’oublierai jamais l’aîné ».

Après avoir obtenu un doctorat en biochimie, elle se joint à l’Institut des Waqfs (biens de mainmorte) pendant 2 ans, pour se spécialiser en prédication islamique. Elle avait obtenu un congé maternité de l’hôpital de Aïn-Chams où elle travaillait pour s’inscrire à Al-Azhar et faire des études en charia pendant 4 ans. « C’était très difficile pour moi, étant donné que mon niveau d’arabe était médiocre. De plus, on me prenait pour une étrangère dans ce genre d’institution. Parfois, j’étais debout tout au long du cours, car il n’y avait pas suffisamment de places. Je n’hésitais pas à poser plein de questions pour mieux comprendre », se souvient-elle.

Cela dit, Magda Amer a tout le temps reçu des doubles diplômes, sa vie étant partagée entre le scientifique et le religieux. « J’aspirais à pratiquer la naturopathie. Dès mon jeune âge, je refusais le traitement par la médecine traditionnelle, et plus tard, je n’ai pas voulu que les membres de ma petite famille prennent des médicaments », assure-t-elle.

Du coup, elle a entamé 5 ans d’études en homéopathie à l’Université de Londres (LICH), avec l’aide d’un groupe d’enseignants qui venaient régulièrement au Caire. Ces études ont été suivies de deux ans d’études spécialisées dans le domaine de la programmation des nerfs, couronnées par un certificat de « formatrice en entreprise » et de Programmation Neuro-Linguistique (PNL) à l’institut de l’expert en développement humain Ibrahim Al-Fiky.

Dr Magda Amer a réussi à ouvrir ensuite son premier laboratoire et sa première clinique, après avoir enseigné pendant 2 ans à des étudiants étrangers, venus en Egypte pour se ressourcer en homéopathie. « Pendant ce temps, j’ai eu des problèmes administratifs, car en Egypte, des spécialistes comme moi en médecine complémentaire ne sont pas autorisés à pratiquer. Le pays ignorait encore les bases de ce genre de médecine, et j’ai dû fermer la clinique et abandonner le laboratoire ».

Elle a ouvert ensuite l’un des premiers magasins de produits homéopathiques en Egypte, à savoir Al-Madina Al-Monawara (La Médine), où elle vendait des produits à base d’herbes, des orges, etc. qu’elle préparait elle-même. « J’ai amélioré les produits à base de riz complet égyptien », précise-t-elle. Au bout de 7 ans, elle s’est forgé une bonne réputation sur le marché, mais les concurrents essayaient de lui couper l’herbe sous les pieds et ont été jusqu’à lui voler ses collaborateurs. Ils ont même fait circuler des rumeurs qu’elle avait des difficultés et qu’elle allait fermer son magasin. « J’étais très mal à l’aise, et j’ai décidé de changer d’activité et de me lancer davantage dans le domaine de la prédication religieuse et de faire le lien entre religion et médecine douce ».

Elle a commencé alors à présenter une émission de religion intitulée Rawaë (des merveilles) à la chaîne de télévision Al-Nas. Et ce, outre les programmes en langues française et anglaise à la Nile TV. Magda Amer a aussi écrit plusieurs livres en ces langues étrangères pour aider à répandre les valeurs de l’islam et faire face aux idées erronées. « Ces ouvrages sont très bien distribués à l’étranger ; il y a plein de gens qui se sont convertis à l’islam après les avoir lus ». Actuellement, elle prépare un nouveau programme de télévision à la chaîne islamique Iqraa, portant sur la dignité des femmes.

Fascinée également par la science de l’énergie, elle a écrit des livres en français, dont Les Secrets des Ablutions ; Adieu au stress … Bienvenue à la tranquillité ; La Pensée positive et les clés du bonheur (éditions New Vision). Dans ce dernier, elle traite, à titre d’exemple, des quatorze méridiens du corps (canaux interconnectés par lesquels circule l’énergie vitale), expliquant que « n’importe quelle perturbation de l’électricité du cerveau provoquera une perturbation de l’équilibre coulant à travers ces méridiens ». De même, elle parle des 7 centres d’énergie, les « chakras », qui sont les générateurs de l’énergie du corps. Traitant aussi du subconscient, elle montre dans cet ouvrage comment le champ bioénergétique de l’homme est stocké dans son subconscient et quel est l’effet de chaque mot enregistré dans celui-ci. Egalement intéressée par les préceptes chinois du Feng Shui, elle s’est lancée dans le domaine des couleurs et de la décoration ainsi que leurs effets sur les habitants d’un lieu donné. De même, elle s’est spécialisée dans la thérapie par les couleurs.

Dr Magda vit en harmonie, dans son propre monde, avec son deuxième mari, l’orthopédiste Hussein Sonbol. Entourée de ses disciples, elle partage ses conseils pour une vie équilibrée à 7 niveaux : spirituel, physique, familial, personnel, social, professionnel et ludique. Elle conclut : « Il faut que chacun crée son propre jardin secret avec le peu de choses dont il dispose ».

Jalons

1951 : Naissance au Caire, dans le quartier de Héliopolis.

1973 : Diplôme en biochimie de la faculté des sciences de l’Université de Aïn-Chams.

1987 : Doctorat en biochimie de l’Université de Aïn-Chams.

1999 : Certificat d’homéopathie de London International College of Homeopathy (LICH).

2000 : Ouverture de sa clinique et magasin de produits naturels.

2001 : Diplôme en législation islamique de l’Université Al-Azhar.

2019 : Doctorat en législation islamique de l’Arab Open University aux Etats-Unis.

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