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Samah Anouar : Rebelle devenue sage

Yasser Moheb, Dimanche, 08 mars 2020

Passionnée et connue autrefois pour son côté garçon manqué, la comédienne Samah Anouar fait son retour au cinéma comme tête d’affiche du film Esteddaa Waley Amr (convocation des parents). Mais aujourd’hui, cette femme assagie transmet aussi l’amour de son métier à travers des ateliers pour de jeunes talents.

Samah Anouar

Vêtue d’un tailleur noir, très simple, de lunettes d’intellos, elle s’exprime avec peu de mots, se contentant de quelques répliques concises. La cinquantaine, la comé­dienne Samah Anouar a pris de l’étoffe et a acquis de la sagesse. C’est enfin une dame posée, contrai­rement à la jeune fille rebelle qu’elle a été, ayant la réputation de garçon manqué, allant toujours à contre-courant. La nouvelle Samah Anouar revient donc au cinéma, plus sereine que jamais, comme tête d’affiche de la nouvelle comédie, Esteddaa Waley Amr (convocation des parents) du réalisateur Ahmad Al-Badri. Elle y fait son come-back dans le rôle d’une propriétaire d’école, qui prend son projet pédagogique à coeur et essaye d’influencer les nouvelles générations addictes des réseaux sociaux.

« Dès la première lecture du scé­nario, j’ai été intéressée par ce per­sonnage tout à fait nouveau pour moi », explique Samah Anouar. Et d’ajouter: « La pédagogue très idéaliste ne cesse de répéter dans le film qu’on doit accepter nos enfants avec leurs défauts et leurs contra­dictions, car ce sont des êtres humains. Les jeunes affrontent des défis qui nécessitent beaucoup plus de flexibilité et de compréhension de la part des parents. C’est peut-être ce qui m’a plu dans ce rôle ».

Dès son plus jeune âge, Samah a voulu renverser toutes les idées pré­fabriquées et franchir toutes sortes d’obstacles pour s’imposer comme l’une des jeunes comédiennes les plus courageuses de sa génération.

Enfant de la balle, elle entame sa carrière d’actrice très jeune. Nourrie artistique­ment par son père, l’écri­vain et scénariste Anouar Abdallah, et sa mère, la comédienne Souad Hussein, la jeune Samah décide de découvrir le théâtre où elle accompa­gnait ses parents, toute petite. Une fois sa licence des lettres décrochée, avec une spécialisation en français, elle a voulu étudier le cinéma. Toutefois, les conditions l’ont conduite à pratiquer le métier tout de suite.

« Tout est venu par hasard, lorsque mon père a décidé de recou­rir à moi dans l’une de ses pièces de théâtre, à cause de l’absence subite de l’une des comédiennes. Pour moi, ce fut le coup de foudre ! », se sou­vient-elle.

La nouvelle actrice n’a cessé ensuite de multiplier les apparitions dans des soirées télévisées, telles Rehlet Mataeb (voyage difficile) ou Haddoutet Al-Taléba Dalal (l’his­toire de l’étudiante Dalal). Se jetant à corps perdu dans l’art de l’inter­prétation, l’enfant unique et sérieuse qu’elle fut partage dès lors son temps entre les études, le monde du spectacle et celui de la télévision. Le conseil que lui accorde le comédien et metteur en scène Karam Motawie reste l’un des plus précieux à ses yeux, lui disant: « Tu dois faire ce que tu aimes et ce qui te va, sans chercher à plaire aux autres. Il faut être une artiste comblée pour pou­voir vaincre les personnages que tu présentes et rendre les autres satis­faits ».

L’année 1984 est celle de la consé­cration. Révélée au monde du ciné­ma par le personnage de Naïma, l’adolescente romantique qu’elle a jouée devant la star de l’époque Mahmoud Abdel-Aziz, dans Beit Al-Qassérat (maison de correction), elle connaît alors la notoriété.

« J’avais réussi à jouer différemment le rôle de la jeune fille, loin des stéréotypes qui régnaient dans les films de cette période, où les danses et les scènes de séduction excessive fai­saient monnaie courante. Mais j’ai dû en payer le prix plus tard, car certains producteurs n’essayaient pas de changer la recette et m’ont enfermée dans des rôles similaires », avoue-t-elle.

En 1985, la comédienne a décro­ché son premier grand rôle au théâtre dans la pièce Raqessa Qétaa Am (une danseuse du secteur public)devant le grand comédien Yéhia Al-Fakharani, devenu l’un de ses meilleurs amis. « C’était la première fois que je me suis vraiment sentie admirée des gens dans la rue. Le personnage de la danseuse, Sanniya Baazä, nécessitait beaucoup d’en­traînement pour faire la danse du ventre comme une professionnelle. C’était une belle expérience en fait ».

Et puisqu’un succès n’arrive pas seul, elle rencontre un autre succès théâtral deux ans plus tard, à travers son rôle dans la pièce Awlad Al-Chawarie (les enfants de la rue)avec son amie Hala Fouad et le chanteur Ali Al-Haggar. Un autre grand succès au rendez-vous.

Si aujourd’hui, Samah Anouar est connue pour son intérêt pour les défilés de mode, la star n’hésite pas à faire quelques confidences sur son passé. Car autrefois, elle avait la réputation d’un vrai garçon manqué. « Je voulais agir comme un garçon parce que j’avais compris que ma mère désirait avoir un garçon », affirme-t-elle en souriant. De plus, elle rêvait de devenir une star des films d’action et voulait donc avoir le look qu’il fallait pour ce genre de fiction. « J’étais super querelleuse et masculine entre 10 et 20 ans. Je n’ai appris à être cool et féminine que très tardivement », dit la comé­dienne au visage pâle, aux grands yeux profonds, qui est aujourd’hui également animatrice de radio et parolière.

« Le personnage de Ziba, la bédouine dans le feuilleton Réhlat Al-Million (le parcours du million), avec Mohamad Sobhi, a joué sur ce registre de la fille dure et tenace, malgré sa tendresse. On y tournait en dérision mon attitude person­nelle, en fait. Je me souviens que nous riions sans cesse, Mohamad Sobhi et moi, pendant le tournage. Car il me répétait que j’incarnais mon propre personnage ! ».

D’un film à l’autre, d’un feuille­ton en une pièce de théâtre, la comé­dienne s’impose davantage, jouant dans des fictions telles Al-Saguinatane (les deux prison­nières) avec Elham Chahine, Al-Essaba (le gang) de Hicham Aboul-Nasr, Leila Assal (une nuit douce) et Imraa Wahéda la Takfi (une seule femme ne suffit pas) avec Ahmad Zaki.

Durant cette période d’ascension, elle a été l’objet d’une dizaine de rumeurs. Des histoires d’amour avec Samir Sabri ou un mariage secret avec Yéhia Al-Fakharani, mais elle refusait de répondre ou de nier.

« J’ai aimé ces deux comédiens sans doute, mais comme des frères aînés qui me secondaient durant mes nombreuses crises de vie », affirme-t-elle tranquillement. Mais la polémique concernant son fils Adham reste l’une des questions les plus controversées qu’elle a dû affronter et qui a affecté son crédit auprès du public.

Celui-ci a été surpris par la pré­sence de ce fils « adoptif » du jour au lendemain, étant donné qu’elle n’avait pas annoncé son mariage. Cependant, quelques années plus tard, elle affirme que ce fils est le fruit d’un mariage secret qui n’a duré qu’un an et demi avec un pilote de l’air, mort quatre mois après la naissance d’Adham. Selon ses termes, elle a préféré cacher ce mariage par peur des médias, jugeant que c’est sa vie privée et qu’elle a tous les droits d’en garder les détails.

La vie de Samah Anouar ne se résume ni à ces années de succès, ni à celles consacrées à essayer de prouver son talent. On peut dire qu’elle est née deux fois. La seconde fois était en 1998, après avoir sur­vécu à un terrible accident de voi­ture. Celui-ci l’a forcée à se retirer de la scène artistique pendant à peu près une vingtaine d’années, où elle a fait le tour des hôpitaux et a subi 42 interventions chirurgicales pour pouvoir remarcher.

« C’était le jour le plus difficile de ma vie. Un soir, après avoir terminé mon travail au théâtre dans la pièce Ballo, je devais assister à l’anniver­saire d’un ami. J’ai demandé au chauffeur de rentrer et de me laisser la voiture, mais en chemin, un groupe de jeunes a essayé de me poursuivre avec leur voiture, ce qui m’a obligée à rouler à toute vitesse pour leur échapper. J’ai perdu le contrôle du volant et je me suis heurtée contre un poteau électrique. J’ai repris conscience trois jours plus tard à l’hôpital. C’est un cau­chemar qui me hante jusqu’à aujourd’hui ! », raconte Samah Anouar.

Gravement blessée à la jambe gauche et souffrant de plusieurs fractures et lacérations musculaires, elle fut obligée de rester au lit pen­dant de longs mois. Sans travail ni projets, elle n’avait qu’un seul espoir: « pouvoir me mettre debout. Le seul avantage de cet accident a été de changer de vie et de manière de voir. Car j’ai pu concevoir les choses autrement, ma relation avec mes parents s’est améliorée, tout a changé à partir de cette date, sauf mon amour pour l’art ».

Interventions chirurgicales, réédu­cations, soins médicaux et, entre-temps, un nouveau métier, celui d’animatrice de radio. « J’ai pré­senté une série d’émissions radio intitulée Essaal Samah (demande à Samah) durant lesquelles je recevais des appels téléphoniques de la part des jeunes me demandant conseil, notamment en ce qui concerne leurs pro­blèmes personnels. J’essayais de les aider, d’après mon expérience, afin de surmonter leurs histoires de coeur ou autres et de retrouver la joie de vivre », indique la comédienne.

De retour aux studios ces dernières années, ses apparitions ont été limitées à quelques oeuvres par-ci, par-là, à savoir les feuilletons Ragol fi Zaman Al-Awlama 2 (un homme à l’ère de la mondialisation 2), Wanis wa Ayyamo (les jours de Wanis), puis Wanis wa Ahwal Al-Ebad (Wanis et le sort de son peuple), etc.

Ce n’était qu’une manière de pré­parer son retour, d’éviter de trop s’éloigner des podiums, jusqu’à reprendre son activité de plus belle, en organisant des ateliers de forma­tion pour les talents en herbe. Une nouvelle activité qui s’ajoute à ses intérêts multiples.

Jalons :

22 avril 1965 : Naissance au Caire.
1980 : Première apparition dans la pièce Qanoun Al-Hob (la loi de l’amour).
1984 : Prix de la meilleure interprétation féminine au Festival d’Alexandrie pour son rôle dans le film Beit Al-Qassérat (maison de correction).
1998 : Accident de voiture qui l’a conduite à 16 ans de soins médicaux.
2020 : Come-back au cinéma avec le film Esteddaa Waley Amr (convocation des parents).

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