Visages > Visages >

Raghda Abdel-Maksoud : Au royaume des arômes

May Sélim, Mardi, 11 juin 2019

Directrice régionale de l’Association américaine d’aromathérapie holistique (NAHA), l’Egypto-américaine Raghda Abdel-Maksoud revient aux sources de cette pratique en Egypte Ancienne. Installée aux Etats-Unis, elle cherche aussi à promouvoir l’aromathérapie dans son pays natal.

Raghda Abdel-Maksoud

Sa voix trahit une gaieté indéniable. Car cette femme d’Egypte a réussi à monter son propre business et à se spécialiser dans l’aromathérapie. Vivant aux Etats-Unis, elle a su se faire un nom dans ce domaine, mais oeuvre aussi corps et âme à promouvoir cette pratique dans son pays natal, l’Egypte. Fondatrice d’Ebers Consulting et directrice régionale de National Association for Holistic Aromatherapy (NAHA), (Association américaine d’aromathérapie holistique), Raghda Abdel-Maksoud a accumulé les expériences dans le domaine des arômes, des produits natu­rels et des huiles essentielles. Elle est également une experte des saveurs, des odeurs et de l’In­dustrie agro-alimentaire. « L’aromathérapie est un genre de médicine non conventionnelle. Elle est basée sur l’utilisation de composés aroma­tiques extraits de plantes et d’huiles essentielles à des fins médicales. Elle était souvent prati­quée dans les anciennes civilisations de l’Egypte, de la Chine et de l’Inde », explique l’aromathérapeute.

Fière d’évoquer les pratiques de cette science dans l’Egypte Ancienne, elle cherche aujourd’hui à les ressusciter. « Ces derniers temps, on revient aux produits naturels dans le domaine de la beauté, des odeurs parfumées et des huiles essentielles. Les gens s’intéressent de plus en plus à leur santé et cherchent à s’éloi­gner des produits chimiques néfastes ». Et d’ajouter : « Certaines entreprises égyptiennes ont réussi à fournir à leur clientèle des produits naturels, telles Néfertari, Arij et d’autres. Mais pour le consomma­teur, c’est plutôt question de suivre une mode, qui favo­rise en ce moment l’usage des produits naturels de beauté qui ne détruisent pas la peau. L’aromathérapie va encore plus loin et touche de près à une pratique clinique indéniable. Elle est mieux exercée en Allemagne et aux Etats-Unis. En France, c’est encore une pratique limitée. L’aromathérapie soulage les maux des patients atteints du cancer, les aide à contrôler l’insom­nie, les nausées et d’autres symptômes qui résultent du traitement », explique Maksoud. « On a besoin d’avoir un consommateur conscient des privilèges de l’usage des huiles essentielles, dans la thérapie physique et aussi psychique. Les anciens Egyptiens savaient trai­ter le corps et l’âme à la fois. C’est pourquoi l’aromathérapie était, pour eux, une pratique médicale importante », dit-elle encore, non sans laisser entendre une certaine fierté.

Raghda Abdel-Maksoud a fait la connais­sance du monde des arômes, il y a environ 20 ans. Elle était alors fraîchement diplômée de la faculté des lettres de l’Université du Caire, sec­tion anglaise. Elle a postulé pour un emploi à l’entreprise Fridal F. Tarek Abou Bakr & Co, qui recrutait alors de jeunes diplômés maîtrisant l’anglais. « J’aimais bien la langue de Shakespeare et je voulais devenir écrivaine, romancière. J’avais rejoint la faculté des lettres malgré l’opposition de mes parents qui vou­laient que je fasse des études en sciences poli­tiques ». Aujourd’hui, elle ne regrette pas son choix. Bien au contraire, elle le considère comme une véritable chance.

Embauchée au département des achats, elle a très vite gravi les échelons de cette entreprise, passant rapidement à la gestion. « L’entreprise possédait des fermes de fleurs dont elle expor­tait les essences et les huiles aromatiques. Je me rappelle la première visite dans un champ de fleurs. C’était inoubliable. C’était tôt le matin et j’ai été envahie par un parfum puissant. L’odeur m’a rappelé la cuisine de ma grand-mère, le vendredi soir, et notre jardin qui fleu­rissait au printemps. Cela a été mon premier vrai contact avec le monde des plantes aroma­tiques et des huiles essentielles », souligne-t-elle souvent dans les interviews accordées à la presse. Pour la jeune Raghda Maksoud, c’était une image concrète du paradis. Elle a jugé être sur le bon chemin.

Sa carrière professionnelle l’a fait voyager dans différents pays, à la recherche des essences d’huiles et de fleurs : la Chine, le Sri Lanka, les Etats-Unis, l’Espagne, l’Albanie, la Turquie, le Maroc et ailleurs. Chaque pays laissait dans sa mémoire le souvenir de beaux paysages parfu­més ainsi que de fleurs et d’odeurs, sans oublier les techniques de distillation d’huiles naturelles. Pendant 18 ans, Raghda Abdel-Maksoud a ainsi accumulé les expériences. Puis un jour, elle a décidé de quitter l’Egypte en direction des Etats-Unis. « Avec mon mari et mes deux enfants, nous nous sommes installés aux Etats-Unis en 2012, en tant que migrants. Au départ, je continuais à travailler avec la société Fridal. Mais plus tard, vu mon expérience dans le domaine des huiles naturelles, j’ai rejoint une compagnie américaine tra­vaillant dans le même domaine. J’étais fascinée par l’intérêt accordé à l’aromathérapie là-bas. J’ai voulu tout comprendre et j’ai effectué des études spécialisées pendant deux ans, à New York, à l’association NAHA ».

Son certificat d’aromathérapeute clinique en poche, Raghda Abdel-Maksoud décide de mon­ter son propre business. Elle crée son entreprise Ebers Consulting, empruntant ainsi le titre du papyrus Ebers, l’un des plus anciens traités médicaux, qui a été découvert par Edwin Smith à Louqsor en 1862. Il a été par la suite acheté par l’égyptologue allemand Georg Moritz Ebers, à qui il doit son nom et sa traduction.

Ce papyrus, qui mesure plus de 20 m de long, est aujourd’hui conservé à la bibliothèque uni­versitaire de Leipzig.

Avec son entreprise, Raghda Abdel-Maksoud aide des jeunes intéressés ou de nouvelles entre­prises travaillant dans le domaine des huiles naturelles à trouver leur chemin, à gérer leur business et à se faire une place sur le marché. Elle propose notamment des conférences et des cours spécialisés servant à mieux comprendre les techniques de l’aromathérapie. « D’une cer­taine manière, je renoue avec mon rêve d’autre­fois, celui d’écrire des livres, en rédigeant des essais sur l’aromathérapie », sourit-elle.

En avril dernier, Ebers Consulting, en coopé­ration avec la NAHA, a organisé un cycle d’étude sur les huiles naturelles en Egypte. « A travers les diverses conférences et rencontres internationales, j’évoque souvent la présence antique de l’industrie des arômes et de la dis­tillation des huiles, depuis l’ère pharaonique. Mes propos attirent souvent les gens et certains s’y intéressent davantage. Personne n’imagi­nait que l’Egypte connaissait déjà cette indus­trie des fleurs et de la distillation, il y a 7 000 ans. Aujourd’hui, diverses entreprises locales exportent les essences d’huiles aux célèbres maisons de parfums étrangères. J’organise également une visite dans les usines et les fermes égyptiennes », explique Raghda Abdel-Maksoud.

En décembre 2018, 20 membres de la NAHA se sont inscrits pour faire le voyage en Egypte et se rendre dans des fermes sur place : 15 Américains, 4 Coréens et un Libanais. Le voyage comprenait la visite de quatre grands producteurs d’huiles essentielles en Egypte : les fermes et les usines des Hashem Brothers dans le Delta, le groupe Al-Shabrawy, à Tanta, qui date des années 1960, les fermes d’A. Fakhry & Co et les fermes de Fridal F. Tarek Abou Bakr & Co, à Béni-Soueif. « L’objectif principal de ce voyage organisé était de visiter les diffé­rentes fermes, de présenter aux aromathéra­peutes les producteurs locaux, les distillateurs, les agriculteurs et les propriétaires d’usines, afin de se renseigner sur les plantations aroma­tiques égyptiennes et l’industrie des huiles essentielles. On découvre ainsi tout le travail acharné et les investissements nécessaires à la transformation d’une plante en une petite bou­teille d’arôme ou d’huile essentielle. Donc, on visite le pays autrement et on vit une expérience égyptienne », souligne Raghda Abdel-Maksoud. Et d’ajouter : « J’essaie d’organiser un autre voyage en février prochain, dans les provinces égyptiennes, où l’on pratique encore les tech­niques ancestrales de la distillation des herbes et des huiles. Je compte me promener en Nubie, dans le Sinaï et à Marsa Matrouh ».

Dans quelques mois, elle compte aussi animer un atelier de formation en aromathérapie en Egypte, afin de promouvoir cette pratique médicale. « Les séances de formation seront juste une introduction à ce domaine. Je vise à promouvoir l’aromathéra­pie en Egypte et à inviter le public à en profiter. Plus tard, si quelqu’un veut devenir aroma­thérapeute, je peux l’orienter pour les cours et les stages spé­cialisés et certifiés de la NAHA », indique l’aromathérapeute.

Par ailleurs, Raghda Abdel-Maksoud espère lancer une formation en ligne, pour fournir des cours et des stages aux navigateurs sur l’usage des huiles naturelles. « Mes enfants peuvent m’aider là-dessus. Ils ne s’intéressent pas trop à l’aromathérapie, mais y croient quand même. Quand ils souffrent de stress ou d’un mal de tête, ils me demandent de leur préparer une potion magique pour les soulager », dit-elle en riant. A peine a-t-elle mélangé quelques huiles aromatiques et semé l’odeur dans la pièce qu’ils se sentent déjà plus détendus. « Le sens olfactif est le sens le plus directement lié au cerveau humain. Donc, l’effet est rapide et direct », conclut celle qui possède le secret des parfums.

Jalons :

1998 : Licence ès Lettres anglaises à l’Université du Caire. Premier poste auprès de l’entreprise égyptienne Fridal F. Tarek Abou Bakr & Co.

1999 : Mariage.

2000 : Naissance de son fils aîné Ziyad.

2003 : Naissance de sa fille Malak.

2013 : Installation définitive aux Etats-Unis.

14 février 2018 : Fondation de l’entre­prise Ebers.

2019 : Lancement prévu d’une école en ligne et de certains de ses produits aro­matiques sur le marché égyptien.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique