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Sameh Al-Dahan : Le cavalier virtuose

Doaa Badr, Mardi, 24 juillet 2018

En décrochant la médaille d’or au Grand Prix du Longines Paris Eiffel Jumping, le cavalier égyptien Sameh Al-Dahan réalise sa première grande victoire en équitation. Un exploit.

Sameh Al-Dahan

Sameh Al-Dahan et sa jument « Suma’s Zorro » sont devenus des célébrités dans l’univers de l’équitation. Le cavalier égyptien, âgé de 33 ans, est le premier Egyptien à remporter une épreuve du Global Champions Tour, la majeure compétition en équitation. Al-Dahan a décroché, il y a une semaine à Paris, la médaille d’or au Grand Prix du Longines Paris Eiffel Jumping, la 10e étape du Global Champions Tour, le circuit majeur de saut d’obstacles.

Dans un barrage à 11 (sur 35 partants), Al-Dahan a été le plus rapide des six doubles sans faute. Le cavalier égyptien a devancé l’Irlandais Bertram Allen, parti en numéro 1 et donc sans référence lors de la manche décisive, et le Néerlandais Harrie Smolders, numéro 1 mondial au classement de la Fédération équestre internationale (FIE). « Je suis envahi par un mélange d’émotions. A chaque compétition, je crois pouvoir réaliser un exploit, mais remporter le Grand Prix sous la Tour Eiffel est incroyable ! J’ai battu les meilleurs cavaliers du monde. En global, j’avais l’habitude d’obtenir de bons classements, autour de la 10e place. Cependant, je ne m’attendais pas à devancer les tops cavaliers. En réalisant cet exploit, je me sens sur un nuage », confie Al-Dahan, d’une voix chargée d’émotions. « C’est ma troisième victoire dans une compétition cinq étoiles (du plus haut niveau), après Calgary (Canada) l’an dernier et La Corogne (Espagne/indoor) cet hiver, chaque fois avec ma jument, Suma’s Zorro que je monte depuis le début de mon parcours sportif », explique Al-Dahan, installé en Irlande du Nord depuis sept ans.

En fait, il a fait le choix d’Irlande, pour pouvoir s’entraîner et progresser, et a été la meilleure surprise de cette compétition. Avec sa jument « Suma’s Zorro », il a laissé derrière lui de grosses pointures du circuit : Bertram Allen, Harrie Smolders, le numéro 1 mondial, Ben Maher, l’homme en forme de l’Eiffel Jumping. « Ce barrage était d’un haut niveau. Je suis fier parce que c’était un Grand Prix difficile à gagner. C’est l’une de plus belles victoires de ma vie, avec tous ces cavaliers de classe mondiale autour de moi ».

Al-Dahan pointait jusque-là à la 38e place du ranking du Global Champions Tour. « Cette médaille est très précieuse. Grâce à cette victoire, mon classement sera amélioré et je me suis qualifié pour le Play off qui regroupe les 16 vainqueurs des 16 étapes du Global Champions Tour », affirme le cavalier égyptien.

Après avoir passé la ligne d’arrivée, Al-Dahan avait embrassé l’encolure de sa jument avec une tendresse infinie. « Cela fait sept ans que je monte cette jument et elle m’a toujours donné le meilleur », confie-t-il.

En fait, il existe un lien assez particulier entre le chevalier et sa jument. Pour bien s’accorder avec le cheval, le contact est important, faire corps avec sa monture est un gage de succès. Le cheval sent très bien qui le monte, le degré de respect tout autant que la patience sont l’apanage d’un bon cavalier. « Il existe une sorte d’harmonie entre moi et ma jument. Je m’entends parfaitement bien avec elle. Le matin, en entrant dans l’étable et en regardant ses yeux, je comprends tout de suite si elle est de bonne ou de mauvaise humeur. Je parle toujours avec elle pour la calmer durant le concours. En fait, l’équitation c’est vivre des instants d’émotion et de déconnexion avec le cheval. En équitation, le vainqueur n’est pas le cavalier seulement, mais le duo du cavalier avec son cheval et le nom du cheval se prononce avec le nom de son cavalier pour déclarer la victoire », dit Al-Dahan qui nourrit une véritable passion pour les chevaux. D’ailleurs, il monte plusieurs chevaux, dont Suma’s Zorro, Amigo Cascada M et Bernini GP, mais sa jument principale c’est Suma’s Zorro.

Sa passion pour l’équitation a commencé à son enfance. A l’instar de son frère aîné Mohamad, il a démarré l’équitation à cinq ans au Caire, précisément à Al-Zahraa, au club des Forces armées, avec son premier entraîneur, le général Youssef Ghorab. Après avoir pratiqué l’équitation pendant 4 ans, il rejoint le club Ittihad Al-Chorta sous la houlette du général Ayman Fahmi. Sameh Al-Dahan était très spécial dès le début de son parcours. Lors de sa première compétition dans la catégorie des moins de 9 ans, il a remporté la médaille d’or.

A l’âge de 11 ans, il intègre la sélection égyptienne junior pour disputer un tournoi international en France où il termine à la 5e place. « Ma passion pour l’équitation a incité mes parents (Dr Magda et Ing. Salah, ndlr) à m’envoyer en Europe pour effectuer des stages d’entraînement durant les vacances. Mon niveau a nettement progressé, mais comme je n’avais pas de cheval de haut niveau, je n’ai pas intégré la sélection nationale », raconte le jeune homme qui a vécu des moments difficiles. « En 2009, après avoir remporté le Championnat national, j’ai été sélectionné pour disputer les Jeux méditerranéens de Pescara en Italie, mais avant les Jeux, mon cheval est mort et j’étais obligé de renoncer aux Jeux. Entre 1999 et 2007, j’ai acheté 4 chevaux différents », dit le jeune homme. Et d’ajouter : « L’équitation est un sport très coûteux et très difficile en même temps ».

Après avoir obtenu son bac, il a intégré la faculté de médecine. « En 2e année, j’ai annoncé à mes parents que je ne voulais pas travailler en tant que médecin et que je voulais me consacrer plutôt à l’équitation. Au départ, mes parents ont été choqués, mais ils ont fini par respecter ma décision », se souvient Al-Dahan, qui a commencé sa carrière professionnelle en 2011. « Après la révolution de 2011, le cavalier olympique irlandais Cian O Connor m’a dit qu’une famille irlandaise me proposait de monter leurs chevaux durant les compétitions. Ainsi, j’ai voyagé en Espagne, afin de disputer un concours de 3 étoiles. Après avoir travaillé avec cette famille pendant trois mois, elle m’a offert de continuer mon travail à plein temps. J’ai accepté et j’ai décidé de m’installer en Irlande et de vivre avec Joe, Pat et Joanne Sloan. Cette famille devient ma 2e famille », dit le cavalier égyptien qui réside en Irlande sous la houlette de la famille Sloan. « Joanne Sloan Allen, je la considère comme une femme de fer. Il aurait été impossible que je réalise de bonnes performances sans elle. Joanne s’occupe de tous les détails qui sont très nombreux. Je remercie tous ces gens qui me soutiennent, qui m’encouragent et qui s’occupent de mes chevaux ».

Depuis sa sélection au sein de l’équipe nationale en 2010, il a participé à toutes les compétitions individuelles sous les couleurs de l’Egypte. De plus, il a fait partie de l’équipe égyptienne dans les Jeux équestres mondiaux. En 2014, avec la sélection nationale, il a réalisé la meilleure performance égyptienne aux Mondiaux, en terminant à la 11e place en concours par équipes, c’était quand même la première participation d’une équipe égyptienne complète aux Mondiaux. Cette année, il participera avec ses coéquipiers aux Jeux équestres mondiaux qui auront lieu du 11 au 23 septembre prochain, aux Etats-Unis, avec l’intention de réaliser une meilleure performance. « Aujourd’hui, l’Egypte possède plusieurs chevaliers d’un très haut niveau, dont 2 figurent dans le top 100 du ranking (moi à la 70e place Mondiaux et Abdel-Qader Saïd à la 78e place. Et deux autres dans le top 200, dont Naël Nassar et Karim Al-Zoghbi. Je crois que nous pourrons réaliser un bon résultat aux Mondiaux », souligne Al-Dahan, avant d’affirmer : « En individuel, je vise un classement dans les 5 premiers ».

Le rêve de notre star est une qualification pour les Jeux Olympiques (JO). Il a échoué à réaliser cet objectif deux fois : la première en 2011 en terminant 2e des éliminatoires régionales qualificatives pour les JO, et seul le champion décroche le ticket olympique. Et le second échec était en 2015, lorsque l’équipe égyptienne a terminé une autre fois 2e de la compétition. « Je veux concrétiser mon rêve et me qualifier pour les JO, je veux disputer les JO de Tokyo 2020 et je rêve de réaliser un exploit », conclut Al-Dahan .

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