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Hisham Kharma : Une musique qui rend heureux

Névine Lameï, Lundi, 16 juillet 2018

Pianiste, compositeur et producteur, Hisham Kharma vit par la musique. Il prépare actuellement plusieurs « live shows », mettant en avant des mélanges de styles à portée universelle.

Hisham Kharma
(Photo:Mohamad Adel)

Sa musique se range sous l’étiquette « musique du monde », mêlant sonorités funk électriques et airs ethniques, que l’on joue à l’aide d’instruments orientaux. Elle est du genre à briser les barrières culturelles entre les diverses régions du monde. Compositeur, producteur et pianiste égyptien autodidacte de renommée internationale, Hisham Kharma est également un publicitaire et entrepreneur social. Il figure parmi les grands noms de l’industrie musicale en Egypte. Et le nombre de ses fans, ici comme ailleurs, est en augmentation, attendant impatiemment ses prochains concerts, prévus le 18 juillet à l’Opéra du Caire, et le 28 juillet à la Bibliothèque d’Alexandrie.

D’origine turque et libanaise, né au Caire, dans le quartier de Monhandessine, Kharma a passé une grande partie de sa vie à Miami, Hambourg et Dubaï. C’est donc un vrai citoyen du monde, un exemple concret de diversité. Son père est commerçant et propriétaire des célèbres magasins de bijoux en argent Kharma, répandus dans pas mal de centres commerciaux en Egypte. « C’est à l’âge de 9 ans qu’est née ma passion pour la musique. J’aimais rester des heures et des heures à côté de ma grand-mère paternelle, une passionnée de violon, et la regarder jouer », se souvient Hisham Kharma, ancien élève du lycée Al-Alsun. Le musicien inné n’a jamais eu de vocation pour le commerce, comme son père. « C’est mon professeur de musique à l’école qui a découvert mon talent. Pour le développer, mes parents m’ont acheté un petit orgue. Ils ne voulaient cependant pas que ce soit ma profession. Je passais 12 heures d’affilée à jouer, tout seul », raconte Kharma, qui entraîne actuellement plusieurs jeunes talents qu’il invite à chacun de ses concerts à jouer avec lui à tour de rôle. Et ce, après avoir répété longuement dans son studio convivial, situé dans un coin silencieux de Maadi. Ce dernier est décoré dans un style africain, avec, aux murs, des tableaux de l’épouse de Kharma, qui est peintre.

Le musicien-compositeur, très actif sur les réseaux sociaux, n’hésite pas à diffuser ses nouvelles oeuvres et à partager avec le public les vidéos de ses concerts sur Internet ainsi que les épisodes entiers de son émission The Fusion Room, diffusés sur Youtube. Entouré de ses amis musiciens, Kharma aime de temps à autre s’isoler dans son monde privé, soit musical, soit sportif. Il nourrit également une grande passion pour la nouvelle technologie, ayant fait des études en sciences informatiques à l’Université américaine du Caire, en 1997. « Les études académiques, au Conservatoire du Caire ou autres, m’étouffent. Je m’épanouis sur scène. Je ne suis pas du genre à passer de longues heures derrière mon bureau », indique Hisham Kharma.

Travailler en équipe est un autre plaisir de Kharma, qui aime toujours être bien entouré. En 2001, il a participé avec ses collègues au projet de fin d’études universitaires « Femto », portant sur le sujet de la réalité virtuelle et donc des télé-conférences. « A cette époque, je rêvais de faire des films d’animation, à la Hollywood. Shrek est pour moi une fiction exemplaire, en prise de vue réelle », souligne Kharma. En 2001, fraîchement diplômé, il rejoint l’entreprise égyptienne Raya en tant que développeurbusiness en programmation informatique. Puis, en 2002, il travaille à l’entreprise de publicité égyptienne Animation d’Ihab Gohar et Mohamed Al-Saadi. Puis, en 2004, dans des multinationales spécialisées en publicité d’animation : Leo Burnett et BBDO en Egypte et Jung von Matt à Hambourg (Allemagne).

Ses idées créatives l’ont emmené en voyage, entre 2005 et 2007, à Miami (Etats-Unis), où il est admis à la prestigieuse école de publicité, de design et de technologie Miami Ad School. C’est là qu’il a eu la chance de bâtir un portfolio professionnel en travaillant dans l’un des grands hôtels, le Pelican. « Miami est une ville cosmopolite, avec différentes cultures et religions, où tout le monde vit ensemble. Là-bas c’est l’humain qui prévaut », dit Kharma. Il est de retour en Egypte en 2009 pour diriger la boîte publicitaire Promo Seven. « Entre mon expertise en création publicitaire et ma passion pour la musique, je me demandais jusqu’à quand je pourrais vivre avec conflit intérieur. Serais-je un musicien frustré, comme Ziryab, le personnage du film Ice Cream fi Gleem de Khaïri Béchara ? ». Ou serait-il comme Ziryab, le vrai musicien andalou qui a fait parvenir son art au monde entier ? Cela étant, Kharma décide de produire son premier album First Voyage (premier voyage) en 2010, en collaboration avec le Virgin Mega Store et Hybrid Records. « Mon savoir-faire en technologie et en industrie publicitaire m’a aidé à promouvoir mon premier album. Dans First Voyage, je m’imaginais en tant que voyageur itinérant, faisant le tour du monde, en portant dans mes bagages une musique à la fois universelle et égyptienne. L’album constitue une parfaite fusion multiculturelle, du genre musique chill-out (genre de musique électronique à la mélodie reposante et au tempo modéré, ndlr) », explique Kharma. Une musique axée autour de l’échange, de l’électro, avec des sonorités funk, groovy, new age et chillout … « C’est rare de trouver en Egypte des boîtes de production qui encouragent ce genre de musique, de fusion instrumentale, sans paroles », précise Kharma. Et d’ajouter : « La musique de fusion me donne plus d’espace pour de nouvelles idées, sans restrictions, ni barrières. Je n’aime pas être coincé dans un style musical particulier. Ma musique est universelle, facile à comprendre et à partager. Elle n’est pas destinée à une élite. C’est une musique émotionnelle et très humaine, qui nous laisse la liberté d’imaginer, de rêver, d’espérer ». Après la révolution du 25 janvier 2011, Kharma a senti quelque chose bouger en lui, d’autant plus qu’on a assisté à la profusion de groupes indépendants. « Tout était plus clair et net. J’ai préféré être franc avec moi-même et choisir ce qui pouvait me rendre vraiment heureux : la musique, une vraie thérapie pour moi, ma joie de vivre. Elle est à même de faire tomber les barrières entre les peuples, de rendre les gens heureux », déclare Kharma. C’était une décision difficile de quitter définitivement, en 2013, son travail de directeur exécutif en marketing dans l’une des plus grandes boîtes publicitaires à Dubai pour faire carrière en musique, surtout en étant le père de trois enfants. « Vendeur de rêves, j’ai constaté que c’était juste une illusion et qu’il fallait faire un choix. J’ai tant voyagé et vécu à l’étranger, mais il y avait toujours quelque chose qui manquait. Mon travail dans le domaine de la publicité ne me donnait pas la satisfaction totale », analyse le musicien.

Un soir, le fait d’assister à un concert du célèbre pianiste grec Yanni, à Dubaï, a bouleversé la vie de Kharma. Il lui était d’un coup plus facile de décider. « Qu’un musicien étranger de renommée mondiale vienne d’un autre pays et d’une autre culture pour être accueilli admirablement par un public différent m’éblouit. J’admire la musique universelle de Yanni, une musique humaine », souligne Kharma, qui a fini par rencontrer Yanni lors d’une visite de ce dernier en Egypte en 2015. Tous les médias ont parlé de cette rencontre, qui a placé Kharma sous le feu des projecteurs. Il a d’ailleurs accroché au mur de son studio une photo avec Yanni, sur laquelle ils tiennent en main leur album commun Arabesque, produit en 2016, par la compagnie Sony Music. « A mon retour définitif en Egypte en 2015, la compagnie Sony Music m’a choisi pour collaborer avec les Grammy Award, Yanni et le musicien compositeur turc de la musique électro Can Atilla, dans la série d’albums intitulée Arabesque, à laquelle j’ai participé avec un album intitulé Sunset on the Nile incluant sept compositions », raconte le pianiste. En 2016, Kharma produit et lance son album phare Al-Yaqine (la certitude), une fusion de musique orchestrale, de solos beats et d’électro. « Al-Yaqine m’a classé dans la catégorie des artistes de live shows. En partenariat avec le Virgin Mega Store et le Cairo Festival City, j’ai joué cet album partout en Egypte », se réjouit Kharma. En février 2018 est venue la collaboration de Kharma avec le pianiste Omar Khaïrat en l’honneur du défunt Cheikh Zayed, qui avait fait de nombreux dons à l’hôpital 57357 pour les enfants atteints du cancer. Il s’agissait d’arranger deux compositions à installations sonores, capables d’aller de pair avec l’installation mobile conçue par la designer Shosha Kamal, avec 57 colombes blanches sculptées, formant le visage du cheikh Zayed, à savoir Lahn Al-Chorouq (la mélodie de l’aurore) de Omar Khaïrat, symbolisant la naissance d’un leader (cheikh Zayed), et Lahn Al-Ghoroub (la mélodie du crépuscule) de Hisham Kharma, donnant espoir quant à l’avenir et ouvrant sur de nouveaux horizons.

Ce n’était pas la première oeuvre caritative entreprise par Kharma, qui a créé, en 2011, le site www.law3andakdam.com (si tu as du sang), pour les donateurs de sang, reliant volontaires et familles de patients. Et ce, en coordination avec la Banque du sang égyptien. « J’ai eu l’idée du site pendant la révolution du 25 janvier, lorsqu’on était dans le besoin de secourir les blessés. Comme j’avais de l’expérience en publicité et en informatique, j’ai voulu aider, d’autant plus qu’on était très actif sur les réseaux sociaux à l’époque », conclut Kharma.

Jalons

1979 : Naissance au Caire.

2010 : Lancement de First Voyage,best-seller au Virgin Mega Store.

2014 : Entrepreneur social àl’ONG internationale Ashoka,Egypte.

2016 : Ambassadeur de l’hôpital Ahl Misr, pour le traitement des accidents et des brûlures, via ses publicités, Insaniya Bela Horouq (humanité sans brûlure).

2017 : Participation à la sélection officielle de la 4e édition de Visa For Music (VFM), sur la musique alternative, à Rabat.

2018 : Spectacle à la Mansion House à Londres, avec le soutien de l’ambassade d’Egypte à Londres.

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