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Monica Georges : Chanter pour aimer la terre

Névine Lameï, Mardi, 03 janvier 2017

La mezzo-soprano, Monica Georges, présente les psaumes et hymnes coptes et les mêle à des airs contemporains, avec sa chorale David Junior. Elle donne un concert le 15 janvier à l’église Mar Morcos d’Héliopolis, pour célébrer le Noël copte.

Monica Georges
(Photo : Mohamad Moustapha)

Monica Georges rêve de faire parvenir les hymnes coptes qu’elle psalmodie avec douceur, à tout type de publics. Des hymnes qui touchent les coeurs, peu importe la religion. Pour elle, changer le monde est simple, il suffit d’un peu de volonté et de beaucoup d’amour, loin de toute injustice ou de tensions confessionnelles. La chanteuse et compositrice principale de la chorale David Junior, qu’elle a elle-même fondée il y a quelques années, est aussi présentatrice de l’émission Hanranem Tani (psalmodier encore et toujours), diffusée tous les mardis, à 20h, sur la chaîne satellite chrétienne Sat7.

Née en 1988, à Maadi, Monica Georges se rend régulièrement à l’église Mar Morcos (Saint-Marc) dans le même quartier résidentiel où elle habite. Elle participe aux messes et aux réunions de prière. Son père est l’historien copte, mais aussi diacre, ingénieur, musicologue et compositeur, Georges Kyrillos qui a fondé en 1975 l’ensemble David, spécialisé dans les hymnes coptes. Ceux-ci sont à la base de la prière liturgique depuis des millénaires et permettent de préserver le patrimoine de la musique copte qui remonte à plus de 3 000 ans av. J.-C. « L’ensemble David ressuscite le temps du prophète David, réputé pour être accompagné de sa lyre et entouré de 120 choristes selon l’Ancien Testament. Fils de Jessé, roi-poète et souverain du royaume de Juda et d’Israël au Xe siècle av. J.-C., David veut dire l’aimé en hébreu. Il est reconnu comme étant le maître créateur de la grande partie du livre des psaumes qui porte aux coeurs joie et consolation », explique Monica Georges. La mezzo-soprano a étudié la théorie musicale et la composition, au Trinity College de l’Université de Cambridge. « Pour obtenir mon diplôme en théorie musicale et composition depuis l’Egypte, sans m’installer à Londres, j’ai assisté à des cours d’études musicales à l’école Sacré-Coeur Ghamra, puis j’ai présenté le résultat et les performances au Trinity College », explique Monica Georges. Disciple de plusieurs musicologues étrangers, elle a toujours été encouragée par son père et mentor qui lui a transmis l’amour des hymnes coptes.

Dès l’âge de 4 ans, Monica s’est montrée assidue et assistait à toutes les répétitions de l’ensemble David, partout où il se produisait. « Mon père, qui a fait des études musicologiques auprès du compositeur Aziz Al-Shawan et du maestro Youssef Al-Sissi, à l’Institut de la musique arabe et à l’Académie des arts, a été le premier à avoir l’idée d’écrire des partitions et d’enregistrer les hymnes coptes traditionnels. Ils peuvent ainsi être présentés en dehors de la liturgie copte, sous une forme plus contemporaine. Ils peuvent par exemple être interprétés par un orchestre complet », déclare Monica Georges. Auparavant, les hymnes coptes étaient transmis oralement de génération en génération ; rien n’était ni écrit ni enregistré. « La plupart des anciens choristes et chanteurs religieux ont été formés par des non-voyants dont la cécité permettait une aptitude exceptionnelle à mémoriser un grand nombre de textes, retenant parfois jusqu’à 575 hymnes. Pour mon père, l’étude des mesures, rythmes, gammes, cadences et proportions de la phrase musicale, était une démarche essentielle pour mettre en valeur les hymnes coptes. Sa référence était l’Institut des études coptes de la cathédrale de Abbassiya et les garants de la tradition musicale copte : Mikhaïl Guirguis Al-Batanuni (1873-1957) et son successeur Gad Geris », précise Monica. Et d’ajouter : « Malheureusement, aujourd’hui, bien que la musique sacrée copte constitue un patrimoine ancestral riche, elle reste méconnue. Sur la toile, on trouve tout genre de musiques, mais pas de musique copte. Même au sein de l’Eglise copte, très peu de jeunes diacres maîtrisent la langue liturgique copte laquelle mérite une attention particulière pour être sauvegardée ». Fière de cette langue qu’elle maîtrise très bien, Monica souligne son origine pharaonique. « Des hymnes coptes comme l’Eb-Ouro (roi de la paix), Erof (gloire à Dieu, chanté pour Noël), Atay Barsinoss (psalmodié en célébration de la Sainte Vierge), Genaynan (Dieu prend pitié de nous) sont issus de la musique pharaonique sacrée. Les prières et les psaumes sont complétés par de longues et savantes vocalises, elles-mêmes accompagnées par la pulsation d’un triangle et les frottements alternés d’une paire de cymbales qui galvanise les chanteurs », poursuit Monica. Sa passion remonte à ses premières années et alors qu’elle était encore très jeune, elle a rapidement choisi son chemin qui semblait tout tracé. « Mes parents me racontaient que toute petite j’arrêtais de pleurer, à l’écoute de l’album La Vierge Marie, chanté par l’ensemble David. Selon eux, cette cassette avait été enregistrée dans le studio de notre maison familiale à Maadi, alors que ma mère était enceinte de moi. Des études scientifiques confirment que le foetus perçoit les sons produits à l’intérieur du corps de la mère. On aurait dû m’appeler Marie », plaisante Monica.

La soliste voyage régulièrement avec les autres membres de l’ensemble David, pour animer des concerts à l’étranger, en Russie, en Grèce, en Italie, en Suède et surtout en France où ils bénéficient du soutien de plusieurs associations et centres culturels. Monica Georges a d’ailleurs été choisie par le directeur et producteur français, Hughes de Courson, pour participer en 1999, au CD « Mozart l’Egyptien », produit par Virgin Classics Ltd. Ce projet, qui a connu un énorme succès, est une rencontre entre Mozart et des musiciens égyptiens, juxtaposant des airs locaux (soufi, copte, populaire …) et des mélodies classiques. « Hughes de Courson m’a entendu chanter l’hymne Golgotha, lors d’une répétition avec l’ensemble David. Il a été ému en voyant une enfant interpréter un hymne si difficile », se souvient la mezzo-soprano. Et d’ajouter : « L’hymne de Golgotha nous fait partager la douleur de Marie face à la crucifixion de son fils, Jésus-Christ ».

Le CD Mozart l’Egyptien a offert à Monica d’être reconnue mondialement. Presque à la même époque, elle a été invitée à chanter Golgotha, à l’Opéra de Marseille et dans la Cathédrale St. Denis de Paris, accompagnée par l’orchestre philharmonique de Sofia et du choeur de Venise. « Au début, j’avais peur de chanter en solo sur les planches de l’Opéra de Marseille, accompagnée du somptueux orchestre de Sofia. Petit à petit, j’ai vaincu ma peur et j’ai communiqué mon message de paix, au monde entier ».

En 2000, elle s’est rendue en France pour enregistrer les chansons de la bande originale du film français Belphégor, Le fantôme du Louvre, de Jean-Paul Salomé, composée par Bruno Coulais. « Comme dans le film, il était question de momie égyptienne, Bruno Coulais, est venu en Egypte, à la recherche de quelques références musicales. La musique la plus proche était l’hymne copte et avec l’ensemble David, il a trouvé ce qu’il cherchait ».

Modestie, discipline, ponctualité, paix intérieure, respect et acceptation de l’autre, ce sont les mots-clés qui qualifient la personnalité de Monica Georges. « Ce sont des qualités que j’ai acquises chez les religieuses de l’école La Mère de Dieu, à Garden City. Soeur Marie-Jésus, ma mère spirituelle, m’encourageait et me conseillait souvent de remercier Dieu de m’avoir accordé le don de chanter ». Néanmoins, Monica ne manque pas de révéler une part cachée de son caractère. « Je ne suis pas sage comme une image. J’aime sortir avec les amies, sortir de mon cocon de spiritualité, pour aller vers un monde plus distrayant. Rire, badiner et jouer », lance la mezzo-soprano qui a fait des études en beaux-arts, à l’Université de Hélouan, section design.

En 2007, alors en première année, elle a fondé sa chorale David Junior, afin de poursuivre la tradition familiale et former d’autres chanteurs religieux, interprétant des hymnes mais aussi des cantiques. « Mettre en musique des psaumes écrits dans une langue poétique et les mettre dans un style égyptien contemporain est un travail immense qui demande beaucoup d’études et de recherches », indique Monica.

En 2014, elle a invité la chanteuse libanaise Manal Neema, à célébrer Noël avec la chorale David Junior, créant une fusion extraordinaire des genres copte et maronite. Monica Georges se dit pour l’unité et le rejet de « toute sédition confessionnelle ». Lors de son dernier concert à l’Opéra du Caire, en décembre, elle a célébré avec le groupe Cairo Steps, la naissance du prophète Mohamad en même temps que le Noël catholique, le tout sur un ton plutôt jazzy. « Marier les chants religieux est un gage de réussite. On parvient ainsi à toucher les coeurs d’un public plus large, appartenant à des cultures et des religions différentes », dit Monica Georges, ajoutant : « Durant le concert de Cairo Steps, j’ai souligné que l’attentat de l’église Al-Botrossiya ne nous empêchera jamais de célébrer la naissance de Jésus, le roi de la paix et de la tolérance ».

Actuellement, elle prépare le concert de Noël, prévu le 15 janvier, à l’église Mar Morcos d’Héliopolis, avec au programme 14 cantiques, diffusés sur Youtube, grâce au soutien de la chaîne Sat7.

Jalons :

Mars 1988 : Naissance au Caire.

1998 : Elle a été classée septième au 1er Festival international de la chanson du Nil, au Caire.

Décembre 1995 : Participation au Festival arts sacrés, en France.

Mai 2000 : Participation à l’évènement Voyage de la Sainte famille en Egypte, organisé à l’église de la Sainte Vierge, à Maadi.

2009 : Présentation de la chanson Mariam, à l’Opéra du Caire, dans le cadre d’une soirée musicale dédiée à Jérusalem, dirigée par le violoniste Attiya Charara.

2010 : Lancement de son CD Enaya Ilayka (les yeux rivés vers vous).

Juin 2017 : Célébration du Nouvel An à l’église copte orthodoxe de Brooklyn, Etats-Unis.

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