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Galal Zekri Chatila : L’aventurier à vélo

May Sélim, Mardi, 08 décembre 2015

Galal Zekri Chatila a fait 7 000 km à vélo, entre novembre 2014 et avril 2015. Cet étudiant de 22 ans, planificateur de voyages, s'est fait connaître en Egypte, après avoir effectué le tour du pays avec sa mascotte, Wilson, et sa bicyclette, Sophia, ses compagnons de route.

Galal Zekri Chatila
Galal Zekri Chatila. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Au téléphone, il précise qu’il arrive dans sept minutes. Il sait minutieusement calculer le trajet entre le quartier de Zamalek et Doqqi où il habite, surtout qu’il se sert tout le temps de son vélo, afin d’éviter les embou­teillages du Caire.

De la sorte, il parvient vraiment à faire vite et à tout calculer : la distance, le temps, la vitesse, etc. En t-shirt, avec son sac à dos et quelques autres petites sacoches sur sa bicy­clette, il a parfaitement le look de l’athlète bien équipé. L’aventurier, Galal Zekri Chatila, a pu ainsi faire le tour d’Egypte à vélo, parcou­rant 7 000 km entre novembre 2014 et avril 2015. De quoi l’avoir placé sous les feux de la rampe. Du jour au lendemain, il est devenu une star parmi les jeunes Egyptiens. « Je suis aujourd’hui le cycliste que toute l’Egypte connaît. J’ai intitulé mon voyage L’Egypte à deux roues, mais je ne compte pas me limiter uniquement au cyclisme. Mes prochaines aventures comporteront bien d’autres sur­prises. J’aime passer par des expériences uniques, prendre des risques, relever des défis en escaladant les montagnes, le mont Sainte- Catherine, etc. C’est tout à fait mon genre. Voyager à vélo n’est pas une aventure en soi, l’essentiel est de partir très loin. Le vélo est juste un moyen », lance Galal Chatila.

Le 22 novembre 2014, il a commencé son périple avec le Collège de la Salle à Daher, son ancien lycée, comme point de départ. Un clin d’oeil à l’établissement scolaire où il a pris goût à l’aventure. « Enfant, j’adorais les voyages en famille au bord de la mer, dans les différentes stations balnéaires, sur la Côte- Nord. Je passais des heures et des heures à faire des randonnées en vélo. Puis, avec mes camarades des Jésuites, j’ai participé à un premier voyage en vélo et j’ai campé aux alen­tours de Aïn Al-Sokhna ». Cette expérience lui a fait découvrir sa vraie passion, qu’il a pu cultiver au fur et à mesure. Aujourd’hui, étu­diant en communication à l’Université des arts et des sciences modernes (MSA), Galal Chatila est souvent encouragé par ses profes­seurs et est appelé à motiver d’autres jeunes collègues de l’université. « Le système pédagogique en Egypte n’a jamais été convaincant pour moi. Pourtant, je comprends que je dois finir mes études, obtenir un diplôme, pour ne pas décevoir mes parents. Mes études me laissent quand même le temps et la liberté de faire ce que je veux ».

Le tour de l’Egypte à deux roues nécessitait un vélo bien équipé. Galal l’a emprunté à son ami, le cycliste et voyageur Chérif Louis. « Mon ami nommait sa bicy­clette Fawziya. J’ai voulu lui attribuer un autre prénom plus moderne : Sophia ». Avec elle, il a sillonné l’Egypte en long et en large pendant plus d’un an. Le voyage comportait trois grands arrêts : le Sinaï, le Delta et la Haute-Egypte. « Je cherchais souvent à dor­mir auprès des points de contrôle policier ou des points de secours. Souvent, les gendarmes m’invitaient à passer la nuit chez eux. J’ai eu souvent affaire à des hôtes merveilleux », raconte-t-il. Accompagné de son jouet porte-bonheur : le petit Wilson, une peluche renard, Chatila se sentait bien à l’aise. « J’aime de temps en temps visiter les magasins de jouets. J’aime surtout les peluches renard ou chien. C’est ainsi que j’ai déniché Wilson, lequel n’a jamais quitté mon sac à dos », dit-il avec un grand sourire sur les lèvres.

Galal Chatila a dû sans doute subir toutes mesures bureaucratiques, l’obligeant à obtenir telle ou telle autorisation sécuritaire pour se rendre à un endroit ou à un autre. « A Siwa, j’ai passé presque un mois en attente, afin de recevoir une accréditation pour filmer et pho­tographier, en toute liberté, dans les oasis égyptiennes. J’avais des autorisations du ministère du Tourisme, mais il me fallait bien d’autres, pour se conformer aux lois et éviter tout problème. Pourtant, les documents du minis­tère de l’Intérieur ont traîné pen­dant longtemps. Pour se rendre à Halayeb, sur la frontière avec le Soudan, c’était encore plus difficile à obtenir des autorisations, vu l’état des lieux politique ».

Pour Chatila, ce voyage n’était pas une décision aléatoire. Bien au contraire, il a mis son temps à tout préparer pendant environ un an et demi. Il a dû consul­ter ses amis, étudier les cartes géographiques, déterminer les destinations, trouver des moyens de sauvetage et de survie, calculer son budget, chercher des sponsors, faire du marke­ting pour son voyage, etc. Tout s’est effectué avec le concours de ses 6 amis et collabora­teurs volontaires lesquels suivaient sa démarche, depuis Le Caire à travers des logi­ciels, derrière leurs écrans d’ordinateurs. Ce sont des amis-aventuriers qui ont voulu le soutenir et l’encourager durant son voyage. « Le membre le plus important de cette équipe était celui qui s’occupait des réponses d’ur­gence. C’est-à-dire il devait suivre le trajet à distance et intervenir en cas de danger. Un deuxième membre du groupe était chargé de la communication avec les sponsors, un desi­gner de mon site Web et un administrateur de mes pages sur les réseaux sociaux. Il y avait également quelqu’un qui s’occupait des achats et un autre qui devait faire le backup de mes photos et vidéos ».

Cette équipe s’est formée, au fur et à mesure, pendant les divers voyages de Chatila. En 2011, quelques mois après la révolution du 25 janvier, celui-ci s’est rendu tout seul à la station d’Aïn Al-Sokhna. « La révolution a constitué un point de départ pour plusieurs jeunes gens lesquels ont voulu persévérer, afin de concrétiser leurs rêves, le mien était de plonger encore plus dans le monde de l’aventure ».

L’année d’après, il a préparé un autre voyage pour le Sinaï. Une fois arrivé au village de Bassata, Galal Chatila fut bien accueilli par des amis et par d’autres inconnus qui avaient quand même suivi ses aventures sur Facebook. « Pour la première fois, ma mère m’a félicité, me disant : je découvre à travers tes yeux la beauté de l’Egypte ». Il en est fier évidemment.

L’année suivante le défi a été encore plus grand : la nouvelle destination de Chatila était à 1 600 km du Caire, partant à la découverte des oasis égyptiennes. « Je n’avais pas de vélo. Et à l’époque, les vélos de voyage n’étaient pas très répandus en Egypte, et il n’y avait que deux magasins spécialisés : Aboul- Goukh et Bicycletta. Mon père m’a donné une petite somme d’argent, afin de m’encourager. J’avais économisé 4 000 L.E. et je me suis alors rendu chez Bicycletta. Mais vu la montée du dollar et l’inflation des prix, les bicyclettes importées étaient excessivement chères. Par pur hasard, j’ai découvert à Maadi un petit atelier où j’ai trouvé un vélo d’occasion, de 2 000 L.E. Le comble de la joie. Enfin, mon propre vélo lequel portera mon nom de famille ».

En route, Galal Chatila a appris à se redé­couvrir et à méditer. « Tous mes voyages constituaient un défi personnel, mais il me fallait un plus long, afin de découvrir en pro­fondeur l’Egypte, ses habitants et ses pro­vinces. Sur la route et en plein désert, j’ai rencontré des gens ordinaires, simples et très hospitaliers. Les villageois, ceux du Nord comme ceux du Sud, ne sont pas du tout méfiants à l’égard des inconnus. La ville, de par son rythme accéléré et chaotique, impose aux gens un caractère plus soupçonneux, plus prudent. Et ce, contrairement aux villages où la vie est beaucoup plus simple. J’étais sou­vent très bien accueilli par les bédouins et les villageois ». Et d’ajouter : « Je trouve un peu bizarre que pas mal de jeunes Egyptiens aspi­rent à voyager en dehors de l’Egypte alors qu’ils ne connaissent pas vraiment leur propre pays ».

Ses voyages visent, en effet, à convaincre les gens que l’Egypte est belle, et que derrière les barrières d’une ville chaotique, il y a toujours quelque chose d’autre à découvrir, une splen­deur sauvage et réconfortante. Galal Chatila lorgne aussi le développement social ; il cherche à collecter des donations, durant ses voyages, afin d’effectuer des actes de charité.

Dans l’agence de tourisme Wild Guanabana, fondée et présidée par Omar Samra, un autre aventurier qui a défrayé la chronique, Chatila travaille comme planificateur de voyages depuis 2013. Son poste consiste à organiser des circuits réservés aux clients qui ont le goût de l’aventure et des voyages périlleux. « En cherchant des sponsors pour mon voyage vers les oasis, j’ai envoyé un courriel à cette agence. Avant mon départ, j’ai reçu un coup de fil de la part de l’un de ses responsables me proposant de suivre mon trajet ». Et de pour­suivre : « La plupart des Egyptiens appréhen­dent ce genre de voyage. La clientèle de notre agence provient essentiellement de l’étranger, pas mal de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe. Mais progressivement, les Egyptiens se lancent dans l’aventure, par curiosité au départ.

Mais les ambitions aventu­rières de Chatila dépassent les frontières de son pays. En jan­vier prochain, il s’apprête à effectuer un voyage de deux ans, qui est censé prendre fin dans la ville de Cape Town, en Afrique du Sud. « Les préparations sont en cours, ce sera toujours un voyage à vélo, mais beaucoup de choses restent encore à détermi­ner. Cette nouvelle aventure comporte six phases, à risques ». Durant le voyage, Chatila aura sans doute à escalader des mon­tagnes, à faire de longs trajets à pied, des ran­données seul dans le désert, ciblant encore des destinations plus lointaines. « Je veux rompre un peu avec l’image du cycliste, pour me pla­cer dans le cadre plus large des aventuriers qui diffusent leurs oeuvres sur la National Geographic Channel ». Car justement, son rêve est de tourner un jour des émissions pareilles et d’acquérir la renommée de « Adventure Traveller filmmaker » (cinéaste de voyages d’aventure). « C’est la description à laquelle j’aspire corps et âme », conclut-il. Un nouveau job à introduire en Egypte.

Jalons :

Juillet 1993 : Naissance au Caire.

2011 : Premier voyage à vélo pour Aïn Al-Sokhna, à 90 km du Caire.

2012 : Voyage dans le Sinaï.

2013 : Poste de voyagiste à l’agence Wild Guanabana.

2014-2015 : Le tour d’Egypte à vélo.

Janvier 2016 : Nouveau départ, pour un voyage de 2 ans.

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