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Michel Oldenburg : Certaines de nos entreprises réfléchissent à faire du Caire une plateforme régionale

Marwa Hussein , Mercredi, 06 juillet 2022

Michel Oldenburg, chef du Service économique de l’ambassade de France en Egypte, parle de la présence économique française en Egypte.

Michel Oldenburg
(Photo : Ahmed Aref)

Al-Ahram Hebdo : Quelle est la place de la présence économique française en Egypte ?

Michel Oldenburg: La France est présente dans tous les secteurs structurels de l’économie égyptienne avec une présence diversifiée. Nous avons plus de 200 filiales qui emploient 50 000 personnes, avec 5 milliards d’euros de stock d’investissement et à peu près 4500 entreprises qui commercent régulièrement avec l’Egypte. Nous avons un commerce bilatéral dynamique de 3 milliards d’euros d’échanges croisés. Nos exportations ont un tout petit peu baissé parce qu’on est arrivé à la fin de la livraison d’Airbus mais nous avons plus que rattrapé par des exportations dans le domaine pharmaceutique et de l’automobile. Les chiffres changent d’une année à l’autre mais on reste effectivement dans les dix premiers partenaires commerciaux de l’Egypte.

 Quels sont les secteurs où la France est plus présente en Egypte ?

— On est très présent dans le secteur des transports avec une présence historique, notamment le métro du Caire. Cela fait 40 ans qu’on travaille main dans la main avec nos amis égyptiens pour développer la mobilité urbaine, un domaine très important, notamment dans cette optique de la COP27 et de décarbonation de l’industrie et du monde global. On est également présent dans d’autres secteurs comme la santé avec Sanofi, Aventis et Servier qui produisent localement ; dans les biens de consommation on a Seb pour les équipements électroménagers, L’Oréal pour les produits de beauté, on est très présent dans tout ce qui est agroalimentaire avec Bel, Lactalis et Danone, dans le numérique, dans le secteur numérique automobile nous avons une très belle histoire de réussite qui est Valéo à Smart Village, qui produit de la matière grise et développe des applications informatiques employant des milliers d’ingénieurs égyptiens. Ce centre est devenu le premier centre de Valéo en matière de développement d’applications informatiques dans le monde. On essaye d’avancer dans l’intelligence artificielle, notamment dans les smart cities, on a beaucoup d’entreprises qui s’intéressent à ces marchés, notamment dans le cadre de développement de nouvelles villes égyptiennes où nous travaillons avec le ministère des Télécommunications et de la Technologie de l’information.

Quelles sont les opportunités de nouveaux investissements dans la situation économique actuelle ?

— Avec tout ce qui se passe actuellement, le Covid puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, je pense qu’on s’achemine vers des chaînes de valeur, en termes de production et de logistiques, qui vont être bien plus courtes quand on voit les problèmes logistiques sur le plan portuaire avec notamment les ports de Shenzhen et de Shanghai qui étaient bloqués, les problèmes de conteneurs et d’approvisionnement en semi-conducteurs pour le secteur automobile. Je pense que les entreprises vont de plus en plus réfléchir à raccourcir les chaînes de valeur, et c’est là où l’Egypte a certainement un rôle à jouer vu que c’est un pays central, un point d’accroche entre l’Europe, le Proche et le Moyen-Orient et l’Afrique. Et avec le Canal de Suez, l’opportunité est réelle pour qu’on voie une certaine localisation de chaînes de valeur ici en Egypte. Je pense que cela peut être une opportunité si l’Egypte arrive à vendre correctement la zone économique du Canal de Suez et arrive à mettre en avant les atouts qu’elle a. Il faut qu’à un moment donné, l’Egypte arrive à montrer aux investisseurs qu’elle réunit toutes les conditions pour que les investisseurs viennent investir ici plutôt qu’ailleurs. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, les autres pays dans le monde ont exactement la même philosophie, les mêmes orientations stratégiques, tout le monde veut attirer les investisseurs pour créer des emplois, de la richesse et de la valeur.

Quels sont les autres atouts de l’Egypte et ce qui reste à faire pour attirer davantage d’investisseurs ?

— Je pense qu’effectivement la position géographique est importante, ensuite, on voit bien qu’il y a la volonté politique de créer les conditions pour que les investisseurs viennent s’installer en Egypte. Un autre fer de lance est la zone de développement économique du Canal de Suez qui va être le bras armé pour l’attractivité de l’Egypte. Ce qui manque encore c’est vraiment un environnement des affaires qui soit moins complexe pour les entreprises, c’est là où il y a vraiment beaucoup de progrès à faire pour que les investisseurs aient le sentiment que le cadre législatif, réglementaire soit posé et surtout stable sur le long terme, parce que ce que les investisseurs redoutent le plus c’est l’incertitude.

Existe-t-il de nouveaux investissements d’entreprises françaises ?

— Certaines entreprises présentes en Egypte ont des plans d’expansion. On a des entreprises qui sont très focalisées sur des projets en relation avec la COP27, où beaucoup de mémorandums d’entente (MOU) ont été signés dans le domaine de l’hydrogène vert, notamment avec deux grands groupes français, Total et EDF énergie renouvelable. Ces MOU seront matérialisés en marge de la COP27.

Comment l’inflation au niveau mondial, qui a affecté l’Egypte et le taux de change local, a-t-elle eu un impact sur les investisseurs français ?

— C’est un choc externe de court terme. Tout le monde sait que les autorités égyptiennes ont démarré les négociations avec le Fonds monétaire international, ce qui va certainement redonner de la crédibilité à la politique économique égyptienne. Aucune de nos entreprises ne nous a jamais mentionné qu’elle souhaitait désinvestir ou se désengager du marché égyptien. Cela veut dire que les investisseurs ont confiance dans le marché égyptien et voient qu’il y a une dynamique de progression et de développement à moyen et long termes.

L’Egypte a récemment imposé aux entreprises des lettres de crédits pour pouvoir importer, ce qui a ralenti les procédures d’importation. Quel était l’effet sur les entreprises françaises en Egypte ?

— Nous n’avons pas encore de chiffres. Mais cela va très clairement avoir un impact sur le commerce bilatéral, notamment les exportations de la France vers l’Egypte. Nous avons énormément de demandes d’entreprises qui sont présentes ici ou des 4500 qui exportent régulièrement vers l’Egypte dont beaucoup de PME qui nous disent soit que leur conteneurs sont bloqués, soit qu’elles n’arrivent pas à obtenir les lettres de crédits correspondantes pour financer les importations. On ne peut pas faire grand-chose parce que tout est géré par la Banque Centrale. On fait remonter la question à la délégation de l’Union européenne, car on a une approche collective du dossier puisque ce n’est pas uniquement la France qui est concernée. C’est un processus très compliqué à gérer pour lequel on a très peu de levier et qui aura fatalement un impact sur le commerce bilatéral. On aurait souhaité que la décision égyptienne soit mieux ciblée pour que les flux commerciaux ne soient pas interrompus. Mais on espère que cette mesure prendra fin assez rapidement.

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