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Abdel Sadek El Shorbagui : L’exposition Fabricants de notre pays est le début d’une série d’autres événements

Névine Kamel, Mercredi, 06 juillet 2022

Dans un entretien accordé à Al-Ahram Hebdo, Abdel Sadek El Shorbagui, président de l’Organisme national de la presse, revient sur l’exposition « Fabricants de notre pays » et évoque les grands dossiers de la presse publique.

Abdel Sadek El Shorbagui

Al-Ahram Hebdo : Comment est venue l’idée de l’exposition « Fabricants de notre pays », organisée par l’Organisme national de la presse et les trois grandes fondations de presse publiques ?

Abdel Sadek El Shorbagui: L’Organisme national de la presse a voulu avoir un rôle dans l’essor industriel actuel. Pendant les 8 dernières années, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a inauguré un grand nombre de projets industriels et d’usines. Notre rôle en tant qu’Organisme national de la presse et en tant qu’entreprises de presse est de mettre la lumière sur les axes sur lesquels l’Etat travaille. Nous avons décidé de commencer par l’axe de l’industrie, à travers une exposition de produits fabriqués en Egypte. Au début, il était convenu que ce soit l’Organisme national de la presse qui organise l’exposition, puis j’ai eu l’idée d’inviter les grandes fondations de presse publiques, Al-Ahram, Al-Akhbar et Al-Gomhouriya à participer à l’exposition sous la supervision de l’organisme.

Les réunions de préparation ont commencé il y a 9 mois en présence des PDG et des rédacteurs en chef des trois fondations. Il a été convenu de tenir l’exposition au moment de la commémoration de la Révolution du 30 Juin, du 3 au 5 juillet, dans le Centre des expositions du Nouveau Caire. Il y a eu ensuite l’étape de coordination entre les trois fondations pour se mettre d’accord sur les industries qui prendront part à l’exposition : matériaux de construction, produits alimentaires, meubles, industries du secteur des affaires, textile, artisanat et autres. Signalons ici que l’uniformisation des objectifs et des efforts entre les trois fondations de presse n’était pas une chose facile, mais nous avons réussi. C’est la première fois qu’une exposition soit organisée communément par plusieurs fondations de presse. Etant donné les efforts déployés par l’Etat dans le domaine de l’industrie, il était impératif que nous jouions un rôle dans l’encouragement de la production locale et que nous mettions la lumière sur ces efforts non seulement en Egypte, mais aussi à l’étranger. C’est pourquoi nous avons invité à l’exposition les ambassadeurs des pays arabes et étrangers.

— Y a-t-il des participants non égyptiens à l’exposition ?

— Cette fois-ci non, mais l’idée sera valable à l’avenir. Pour la première fois, on a voulu faire une sorte de plateforme pour promouvoir les produits égyptiens et travailler parallèlement à l’Etat. C’est le rôle très important des fondations de presse.

— Qui a assumé les frais de l’exposition ? Les entreprises de presse ont-elles réalisé des gains ?

— L’Organisme national de la presse et les trois fondations de presse ont assumé les frais. Il est évident qu’il y a des revenus. En organisant un tel événement, nous pensons également aux entreprises de presse, je les soutiens, je voudrais qu’elles réalisent des bénéfices. On veut faire quelque chose pour l’Etat égyptien et en même temps réaliser des bénéfices. C’est ce que nous essayons de faire. Telle est notre vision. Il faut que les revenus soient supérieurs aux dépenses.

— Cette exposition sera-t-elle le début d’une série d’autres d’événements au cours de la période à venir ?

— Oui, c’est un début et nous avons choisi de commencer par l’axe de l’industrie. Il y a aussi la sécurité alimentaire, l’agriculture et de nombreux autres domaines. Nous allons étudier les avantages et les inconvénients de la première exposition, afin de mieux préparer les suivantes. Nous soutenons également les expositions organisées par chaque entreprise de presse, afin de compenser le recul des recettes publicitaires dans les publications en papier.

— Les journalistes souffrent de pressions au niveau des salaires. Quel est le rôle de l’Organisme national de la presse à ce niveau ?

— Prenons l’exemple de l’année en cours. Cette année, les journalistes ont obtenu pour la première fois une prime de 300 L.E., 3 mois plus tôt que prévu, c’est-à-dire le 1er avril au lieu du 1er juillet. Les journalistes ont obtenu une prime supérieure à celle octroyée par l’Etat. Même chose pour la prime de janvier. Je sais que les conditions sont difficiles à cause de la pandémie de Covid-19 et la guerre entre la Russie et l’Ukraine a aggravé la situation. Les frais d’impression ont triplé et des usines de papier ont fermé leurs portes à cause de la crise de l’énergie. Continuer à travailler dans de telles circonstances est en soi une réussite.

— Y a-t-il des négociations avec l’Etat concernant le statut salarial des journalistes ?

— Les entreprises de presse ont un statut particulier, elles ne suivent pas la loi du service civil. Si l’on compare les salaires des employés de l’Etat et ceux des journalistes, on constate que ces derniers sont plus élevés. Il n’empêche que nous aspirons à une hausse. L’Organisme national de la presse effectue en ce moment une étude approfondie des salaires avant de commencer à négocier avec l’Etat.

— Quels sont les prérogatives de l’Organisme national de la presse ?

— Le rôle de l’organisme conformément à la loi est de gérer les institutions de presse publiques. Nous travaillons avec elles main dans la main. Nous avons 22 prérogatives, la toute première est la gestion des institutions publiques de presse, ensuite le développement de leurs actifs et leurs ressources tout en garantissant leur modernisation. Par exemple, si elles lancent des projets, nous devons y apporter notre avis. Nous sommes également consultés au niveau de leurs statuts internes. Nous leur demandons des comptes sur leurs performances économiques. Nous nommons également les PDG et les rédacteurs en chef. Nous procédons à une évaluation globale du travail accompli tous les trois mois. Je souhaite qu’on réalise des gains, mais les pertes sont considérables et nous espérons les minimiser. Nous pouvons limoger les PDG en cas de contraventions flagrantes

— Au cours des derniers mois, plusieurs publications de la presse publique ont fusionné dans un format électronique. Un fait qui a soulevé des interrogations et des craintes. Quel est l’objectif de ces fusions ? Est-ce le prélude à une suppression des publications en papier ?

— La presse en papier ne peut pas disparaître. Mais quand on voit que la distribution d’un magazine est très faible, soit on ferme les yeux et on fait semblant que tout va bien, ou alors on essaye de trouver une solution, car il est dommage que le bon travail effectué par les journalistes ne trouve plus de lecteurs dans la version papier. Le prix de revient d’un magazine est de 15 ou 20 L.E., alors qu’il est vendu à 5 L.E. seulement. Cela veut dire que les pertes sont énormes. Il était donc impératif de trouver des solutions tout en naviguant de concert avec la technologie de pointe et les évolutions dans le monde.

 Nous avons commencé par les journaux du soir qui ont été créés dans des circonstances particulières pour couvrir l’actualité du soir à un moment où il n’y avait ni Internet, ni réseaux sociaux. Aujourd’hui, cette presse n’a plus de place, car les portails et les sites journalistiques rapportent les nouvelles minute par minute. Nous avons alors décidé de créer des sites électroniques. Au départ, les journalistes n’étaient pas contents de l’idée que leurs journaux ne soient plus imprimés, mais aujourd’hui, ces mêmes journalistes sont convaincus que nous avions raison, car ils ont découvert que leurs écrits ont des échos. Certains journaux qui ne vendaient que 300 exemplaires ont maintenant quelques 20 000 ou 30 000 followers. Les journalistes sont les principaux bénéficiaires de cette situation. Par ailleurs, la version papier ne parvient que rarement aux jeunes. Nous avons donc besoin d’une presse adaptée à cette large tranche de la société égyptienne.

— Comment est-il possible d’attirer les jeunes pour travailler dans les entreprises nationales de presse alors que ces entreprises n’engagent personne depuis des années ?

— Je ne suis pas contre les titularisations, mais les titularisations étaient déjà suspendues deux ans avant que je n’accède à mon poste. Après la Révolution du 25 Janvier, il y a eu un grand nombre de titularisations dans la presse nationale, parfois sans aucune qualification. Des employés dans des départements administratifs sont devenus journalistes, à tel point que nous avons maintenant 4 000 journalistes. J’ai alors pris la décision d’interdire catégoriquement aux employés administratifs et aux ouvriers de changer leur statut et de devenir journalistes, car ceci nuit à la profession. Je ne suis pas contre l’idée d’engager des jeunes, mais il faut d’abord mettre un peu d’ordre dans les entreprises de presse. La plupart des publications souffrent de sureffectif, alors que ceux qui travaillent vraiment sont peu nombreux. Nous avons vraiment besoin de jeunes car nous nous orientons de plus en plus vers les sites Internet et les portails électroniques qui ont besoin de jeunes. Nous avons recours à des jeunes qui travaillent comme pigistes, et j’espère pouvoir convaincre les responsables de les titulariser dans les plus brefs délais.

— Comment, selon vous, améliorer le contenu des journaux nationaux ?

 — Nous avons formé des comités pour soutenir, développer et observer le contenu. L’objectif est simplement de suivre tout ce qui est écrit dans la presse nationale. Nous n’intervenons pas dans le contenu, mais il est de notre devoir de soutenir les rédacteurs en chef. Les comités de soutien du contenu leur présentent des données et des informations provenant de l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS). Ils s’en servent pour faire ce qu’ils veulent : des enquêtes, des reportages ou autres. Toutes les fondations ne reçoivent pas les mêmes informations, cela dépend de leurs lignes éditoriales et aussi parce que nous ne voulons pas qu’il y ait des répétitions. Nous avons d’excellents rédacteurs en chef qui travaillent très bien, mais les conditions sont difficiles. Nous avons également de très bons journalistes aussi doués que les figures de proue du journalisme qui nous ont quittés.

— La censure existe-t-elle dans la presse publique ?

— Non pas du tout. Jamais nous n’intervenons dans le contenu. Aucun article n’a été censuré depuis que j’avais accédé à ce poste. Mais nous sommes respectueux de l’Etat égyptien. La presse nationale est une presse qui respecte son lecteur et lui présente une information fiable.

Les conditions économiques et l’essor des réseaux sociaux hâteront-ils le passage au numérique dans la presse ?

— Non. Les outils numériques sont là pour être au service de la presse. Les publications papier sont de plus en plus coûteuses, et par conséquent, les gens ne les lisent plus. Les lecteurs deviennent de plus en plus rarissimes. En tant qu’institutions de presse, nous avons une mission noble à accomplir, à savoir conscientiser et éclairer les esprits. Mais en même temps, nous voulons former des jeunes cultivés, conscients des données de l’époque et dévoués à l’Etat égyptien. Si nous travaillons uniquement sur le business, c’està- dire sur les revenus, la distribution et les publicités, nous devrons fermer nos portes.

— Vous travaillez en ce moment sur l’investissement dans les actifs des institutions de presse. Quel est votre objectif ?

— L’objectif essentiel de l’investissement dans les actifs des institutions de presse est de sauvegarder la presse publique. C’est un moyen d’augmenter le budget des institutions. Ce type d’investissement est très rentable. Nous avons mis en place, à l’intérieur de l’Organisme national de la presse, un département pour l’investissement à travers lequel nous avons réuni les actifs de toutes les institutions. J’ai été surpris, au cours des assemblées générales, par le fait que les institutions ignoraient tout de leurs actifs. Raison pour laquelle nous avons créé une base de données des actifs. Ensuite, je me suis adressé aux conseils d’administration et aux PDG et je leur ai demandé de préparer des plans d’investissement. Certains de ces actifs datent de plus de 40 ans et sont toujours inexploités. Nous avons contraint les institutions à travailler sur ce plan dont les contours commencent à devenir plus clairs.

— A votre avis, quel est le rôle que peut jouer l’Organisme national de la presse dans le dialogue national qui commence prochainement ?

— Nous avons présenté notre vision. En tant qu’organisme et institutions de presse, nous avons un rôle important à assumer. Le dialogue compte un coordinateur, un secrétaire général et un conseil des curateurs, et il y a aussi des représentants de la presse publique. Nous ne voulons pas que des divergences émergent au moment du dialogue, nous voulons parvenir à un consensus. Notre objectif est le bien de l’Etat égyptien. Nous voulons être constructifs, parce que nous n’avons plus le luxe du temps et il n’y a plus lieu de se livrer à des critiques destructives, surtout à l’heure des réformes qui sont engagées par l’Etat égyptien.

*Rédactrice en chef d’Al-Ahram Hebdo

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