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L’ambassadeur de Russie: « Seul le peuple syrien peut décider du départ d’Al-Assad »

Propos recueillis par Magda Barsoum, Lundi, 08 octobre 2012

L’ambassadeur de Russie au Caire, Sergueï Kirpitchenko, évoque plusieurs dossiers régionaux, comme le rôle de l’Iran, la crise syrienne et les relations russo-américaines.

Sergueï Kirpitchenko

Al-Ahram Hebdo : Moscou a suspendu les travaux de l’USAID en Russie et accuse les Etats-Unis d’ingérence. Qu’en est-il exactement ?

Sergueï Kirpitchenko : Nous avons fermé le bureau de l’USAID, il s’agit d’une partie du programme américain relatif à la présentation de projets de développement à l’étranger. Moscou a réalisé qu’elle n’avait pas besoin de tel projets sur ses territoires. Quant aux autres aspects de coopération avec les Etats-Unis, ils sont nombreux et existent toujours. Pour ce qui est des tentatives d’ingérence, elles sont catégoriquement refusées, notamment celles qui portent sur les relations russes avec certains pays étrangers. Nous sommes tout à fait capables de gérer nos affaires internes sans l’influence de quiconque.

— Certains parlent déjà de « néo-guerre froide », notamment la presse russe. Cet incident en est-il la preuve, d’autant plus que la Russie et les Etats-Unis ne sont pas d’accord sur certaines questions comme la Syrie ?

— Je refuse catégoriquement l’emploi de ce terme. Il ne reflète nullement la nature des relations entre la Russie et les Etats-Unis. L’administration américaine elle-même place sa politique envers la Russie dans le cadre du réengagement des relations. De notre part, nous recherchons avec insistance les moyens d’augmenter la coopération et le partenariat avec Washington, malgré les différends naturels des points de vue. Quant à la position russe envers la Syrie, elle n’influence nullement la nature des relations entre Moscou et Washington. Il existe d’ailleurs des points d’accords dans la position des deux pays envers la Syrie comme il existe des points de différends.

— A propos de la Syrie justement, comment la Russie voit-elle une solution sans le départ de Bachar Al-Assad ?

— Seul le peuple syrien peut décider du départ de Bachar Al-Assad. Aucun pays étranger ne l’a nommé président. Par conséquent, ces pays n’ont pas le droit de lui demander de partir comme condition sine qua non à trouver une solution à la crise que vit ce pays. La Russie n’est pas le tuteur du pouvoir de Bachar Al-Assad.

— Mais tout le monde sait que la Russie soutient avec force le pouvoir de Bachar Al-Assad. Qu’en dites-vous ?

— Nous soutenons tout pouvoir légitime en Syrie. Il serait aussi préférable qu’il soit démocratique. Cependant, cette démocratie ne pourra jamais commencer avec la persistance des bains de sang. Elle ne pourra commencer que par l’engagement d’un dialogue pour parvenir à un accord sur l’avenir du pays avec la participation de toutes les forces politiques effectives sur la scène syrienne.

— Moscou a dit qu’elle allait bloquer toutes les tentatives au Conseil de sécurité de l’Onu d’adopter une résolution sur la Syrie faisant référence au chapitre 7. N’est-ce pas là une aggravation de la crise ?

— Nous continuons à coopérer avec le Conseil de sécurité. Nous avons d’ailleurs contribué à promulguer deux décisions du Conseil de sécurité concernant la Syrie. La Russie a également avancé l’initiative de la réunion de Genève l’été dernier, où certains participants ont adopté plusieurs points relatifs au règlement en Syrie. Nous sommes prêts à transformer ses principes en résolutions du Conseil de sécurité. En ce qui concerne le chapitre 7 de la charte des Nations-Unies, nous refusons catégoriquement l’emploi de ce chapitre pour couvrir une éventuelle intervention étrangère en Syrie ou un éventuel recours à la force. Il s’agit d’une position catégorique.

— Comment la Russie voit-elle la décision de certains pays occidentaux d’armer la rébellion syrienne ?

— L’armement de la rébellion, notamment les factions extrémistes qui commettent des actes criminels, ne contribue ni à calmer la situation, ni à instaurer la paix en Syrie.

— Certains pays, comme la Russie, estiment qu’il faut inclure l’Iran comme partenaire dans la résolution de la crise syrienne. Est-ce la clé de la solution ?

— Il ne s’agit pas seulement de la Russie. L’Egypte a aussi proposé la participation de l’Iran aux efforts conjoints pour parvenir à un règlement en Syrie. L’initiative régionale égyptienne comprend, en effet, l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Iran. Pour notre part, nous sommes prêts à présenter notre aide à cette initiative si jamais on nous le demande.

— Concernant le nucléaire iranien, le groupe 5+1 doit avoir des discussions avec Téhéran en marge de l’assemblée générale de l’Onu. Quels espoirs, alors que les discussions sur ce sujet n’avancent pas ?

— Nous comptons beaucoup sur la persistance de la coopération entre l’Iran et les six pays. En effet, les négociations représentent le meilleur, voire même le seul moyen de réaliser nos objectifs. L’alternative serait un affrontement militaire. Nous devons reconnaître que les négociations sont extrêmement lentes non seulement à cause de l’intransigeance des participants, mais il faut reconnaître que le dossier est épineux. Seulement la Russie espère toujours réaliser un rapprochement des points de vue pour parvenir à une formule qui réconforte la communauté internationale et qui permette à l’Iran de poursuivre l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.

— Israël menace d’une frappe militaire contre l’Iran, quelle est la position russe à ce sujet ?

— Les conséquences d’une telle frappe seront catastrophiques et également imprévisibles pour la région et pour le monde entier. Elle déclenchera un conflit interminable dans la région et fera d’innombrables victimes.

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