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Amani Al-Taweel : Le manque d’approvisionnement en eau est une grande menace pour la stabilité régionale

Ghada Ismaïl, Mardi, 08 octobre 2019

Amani Al-Taweel, cheffe du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, revient sur les négociations de Khartoum relatives aux modalités de remplissage du barrage de la Renaissance. Entretien.

Amani Al-Taweel

Al-Ahram Hebdo : Comment voyez-vous la situation après l'échec des négociations de Khartoum ?

Amani Al-Taweel : Je crois que la voie des négociations ne donnera aucun résultat. Des divergences de fond persistent entre les deux côtés, égyptien et éthiopien, alors que la position du Soudan n’est pas encore claire et qu’il n’y a toujours pas de médiation internationale. L’Ethiopie insiste sur une durée de remplissage du barrage ne dépassant pas 5 ans, alors que l’Egypte veut une durée de remplissage entre 7 et 10 ans. L’Egypte craint que la première phase de remplissage du réservoir, si elle devait s’accompagner d’une grave sécheresse dans le Nil bleu en Ethiopie, n'entraîne une baisse importante du niveau des eaux du Haut-Barrage à Assouan. Un remplissage rapide pourrait priver l’Egypte de plus de 15 milliards de m3 par an d’eau nécessaire à sa population, son agriculture et son industrie. Il faut souligner que le barrage de la Renaissance est construit sur le Nil bleu, un affluent du Nil qui prend sa source en Ethiopie et qui est à l’origine de plus de 75 % des eaux du Nil qui alimentent l’Egypte. Le manque d’approvisionnement en eau est une menace pour la sécurité régionale et pour l’Egypte, puisque cela pourrait accélérer la migration des agriculteurs en destination des villes ou même hors d’Egypte.

— Comment concevez-vous la position soudanaise à propos de ce différend qui oppose l’Egypte et l’Ethiopie ? Et vers quel côté penchera-t-elle en fin de compte ?

— Le Soudan, à l’époque de Béchir, a proposé que le barrage soit rempli en 5 ans, mais je pense qu’il tentera de trouver une solution à la situation et de conserver son rôle de médiateur entre les deux pays. D’ailleurs, la médiation éthiopienne dans la crise soudanaise a été motivée en premier lieu par la dépendance de l’Ethiopie à l’égard des ports soudanais et de l’importation de près de 80 % du carburant du Soudan.

Le président Abdel-Fatah Al-Sissi a récemment déclaré que le barrage de la Renaissance n’entrerait pas en fonction « en imposant un fait accompli ». Quelles seraient les options de l’Egypte si les négociations techniques devaient échouer ?

— Sur l’estrade de l’Onu, le président a déclaré que la question de l’eau était une question de survie, en appelant la communauté internationale à jouer un rôle constructif. Face au blocage des négociations, je pense que le président optera aujourd’hui pour l’internationalisation du différend sur le barrage. Et ce, en intensifiant les efforts au niveau international et en scellant des alliances arabes et africaines pour faire pression sur l’Ethiopie.

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