Al-Ahram Hebdo : Au terme de la seconde révision du programme égyptien de réformes économiques, comment évaluez-vous les démarches entreprises par le gouvernement égyptien ?
Subir Lall: Le programme égyptien de réformes avance dans la bonne direction. Les mesures audacieuses adoptées par les autorités égyptiennes au niveau des politiques publiques continuent de générer des résultats positifs à de multiples niveaux: le marché égyptien a regagné confiance, la croissance s’est renforcée, le déficit budgétaire s’est rétréci et les réserves en devises étrangères ont atteint un niveau sans précédent depuis 2011. Ajoutons à cela la tendance à la baisse du taux d’inflation. Cependant, toute modification imprévisible des facteurs externes, comme les changements au niveau des marchés financiers internationaux, la hausse des cours du pétrole ou encore des secousses sécuritaires dans la région sont susceptibles d’avoir un impact sur ces mesures. Je dirais que les efforts permanents du gouvernement et de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) pour freiner l’inflation ont permis de réduire les dangers pouvant découler des pressions inflationnistes. De plus, les autres dangers liés à l’exécution du programme de réforme ont diminué grâce à la bonne performance des autorités et à l’enthousiasme du gouvernement.
— Le gouvernement a dernièrement tenté de combler le déficit financier à travers l’emprunt — avec succès. Mais en contrepartie, la facture des dettes extérieures a nettement augmenté. Etait-ce une bonne solution d’après vous ?
— Les mécanismes d’emprunt adoptés par le gouvernement égyptien s’accordent en grande partie avec les plans qu’il a lui-même présentés pour l’ajustement financier. Si le plan est suivi, les besoins en financement connaîtront un net recul. Nous prévoyons même que les dettes étrangères diminueront considérablement au cours des prochaines années.

L’influence de la hausse des cours du pétrole sur le déficit budgétaire dépend de l’ampleur de la hausse et de sa durée.
(Photo : Reuters)
— La hausse des cours du pétrole entraînera-t-elle l’augmentation du déficit budgétaire, sachant que le prix du baril dans le budget actuel est de 55 dollars? Comment remédier à ce problème ?
— L’influence de la hausse des cours du pétrole sur le déficit budgétaire dépend de l’ampleur de la hausse et de sa durée. Jusqu’à présent, les autorités sont restées fidèles aux objectifs fixés par leurs budgets. En cas de dangers susceptibles d’influencer le déficit budgétaire, elles adopteront les mesures appropriées, comme la révision du calendrier de certaines dépenses de moindre priorité.
— L’élection présidentielle retardera-t-elle certaines mesures du programme de réformes ?
— Nous n’avons constaté aucun retard dans l’exécution des réformes avec l’approche de l’élection présidentielle. Nous sommes confiants que les autorités continueront de mener le programme de réformes au même rythme.
— N’est-il pas temps de mettre en application le système des impôts progressifs, afin de réaliser une plus grande justice sociale ?
— De manière générale, les politiques de dépenses se distinguent par une grande efficacité en Egypte en matière de réalisation des objectifs sociaux. Ces objectifs sont exécutés à travers le programme d’aides sociales, dont les dépenses ont augmenté à raison de 1% du PNB dans le budget général, sans oublier les efforts déployés dans les politiques de ciblage des plus démunis, pour assurer que les aides sociales leur parviennent. L’un des exemples les plus manifestes est la mise en oeuvre élargie du programme de « cash transfer », appelé « Takafol wa Karama » (solidarité et dignité). Lorsque se réaliseront les objectifs de la stabilité macro-économique et lorsque nous pourrons voir l’impact de toutes les réformes fiscales et de solidarité sociale, nous pourrons prendre du recul pour évaluer objectivement la situation et voir s’il y a encore besoin de réformes pour développer davantage le réseau de la sécurité sociale.
— Le fait que le déficit préliminaire ait enregistré un niveau plus haut que prévu au cours du dernier trimestre 2017 est-il inquiétant ?
— Pour évaluer le déficit, il faut passer en revue les prévisions sur toute l’année, étant donné la possible existence de différences entre les trimestres en raison de nombreux facteurs. C’est une chose normale. Il est encore possible d’atteindre les objectifs en matière de finances publiques fixés pour cette année.
— Le rapport « l’Observateur financier », publié par le FMI en octobre dernier, a montré que l’Egypte est venue en fin de liste en ce qui concerne les dépenses sociales. Qu’en pensez-vous ?
— Le critère des dépenses sociales utilisé dans l’Observateur financier s’appuie sur une base de données unifiée à l’échelle de tous les pays. Les dernières données disponibles pour l’Egypte datent de 2012. De plus, les informations présentées par le rapport ne comprennent pas certains éléments spécifiques à l’Egypte, comme les subventions de l’énergie et de la nourriture ainsi que les pensions de retraite. Vu que les données remontent à 2012, elles ne reflètent pas les bénéfices enregistrés grâce à la restructuration des différents types de subventions et à l’élargissement des réseaux de bénéficiaires en matière de justice sociale réalisée via le programme de « solidarité et dignité ». Dans ce contexte, nous devons nous souvenir que les autorités égyptiennes visent à réviser les politiques de ciblage des personnes les plus défavorisées en matière de couverture sociale, afin qu’elles soient plus efficaces. D’ailleurs, les autorités ont réalisé des progrès notables dans ce domaine.
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