Jeudi, 25 avril 2024
Al-Ahram Hebdo > L'invité >

Steven A. Cook : Ce putsch manqué marque la fin de l’armée turque en tant que force politique

Samar Al-Gamal, Jeudi, 21 juillet 2016

Steven A. Cook, chercheur principal pour les études du Moyen-Orient et de l’Afrique au Council on Foreign Relations à New York (Conseil des relations étrangères), estime que le putsch manqué dirigera la Turquie vers plus d’autocratie.

Steven A. Cook : Ce putsch manqué marque la fin de l’armée turque en tant que force politique
Steven A. Cook

Al-Ahram Hebdo : Pourquoi une faction dans l’armée cherchait-elle à mener cette action contre Erdogan ?

Steven A. Cook : Il y a quelques raisons derrière cette tentative de coup d’Etat. D’un côté, il y a cette crainte que les politiques d’Erdogan concernant la Syrie n'ont laissé le pays vulnérable à la violence extrémiste. Et d’un autre côté, Erdogan est devenu la figure la plus puissante en Turquie, ce qui signifie qu’il a supplanté le militaire comme point pivot du pouvoir et de l’autorité.

— Les politologues proches d’Erdogan disent que ce putsch manqué était une dernière tentative de couper l’herbe sous le pied du Conseil suprême militaire, qui prévoit un remaniement majeur dans l’armée en août. A quel point ce raisonnement est-il valable ?

— Cette interprétation des choses ne me paraît absolument pas fidèle.

— Le coup a échoué, et Erdogan est encore populaire, cela signifie-t-il qu’il a dompté avec succès l’armée ?

— Oui l’armée est aujourd’hui « à l’Erdogan », en dépit des divisions évidentes que la tentative du coup d’Etat a révélées, et de certains rapports laissant prévoir un chaos dans les rangs, alors que les chefs militaires essayent de restaurer l’unité de commandement.

— Qu’est-ce qu'Erdogan a gagné, et qu’est-ce qu’il a perdu ?

— Cet événement marque la fin de l’armée turque en tant que force politique, ce qui est dans l’intérêt d’Erdogan. Ce coup manqué lui donnera libre main pour chasser les Gülenistes. il lui accordera un avantage politique alors qu’il cherche à rédiger une nouvelle Constitution qui permet officiellement de renforcer les pouvoirs de la présidence.

— Se dirige-t-on vers plus de répression ?

— Erdogan a déjà dépeint l’opération comme une atteinte à la démocratie turque. Pourtant, il semble avoir quelque chose d’autre que la politique démocratique à l’esprit. Les répercussions sont claires : l’AKP va maintenant traquer les opposants — réels ou imaginaires — en toute impunité, en consolidant le pouvoir personnel déjà important d’Erdogan et en alimentant son ambition de transformer encore la Turquie. Plus qu’une chance pour la démocratie, le coup d’Etat manqué consolidera plutôt l’autocratie élue de la Turquie.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique