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Patrice Carteron : Le grand problème du foot égyptien en ce moment est de jouer à huis clos

Amr Moheb, Mardi, 23 février 2016

Après avoir remporté la Ligue des champions d'Afrique avec TP Mazembe, le coach français Patrice Carteron a préféré signer un contrat de 6 mois avec le club égyptien Wadi Degla. Entretien

Patrice Carteron
Patrice Carteron, a préféré signer un contrat de 6 mois avec le club égyptien Wadi Degla.

Al-Ahram Hebdo : Vous êtes champion d’Afrique avec TP Mazembe depuis quelques mois, et l’un des meilleurs entraîneurs en Afrique, selon le dernier sondage de la CAF. Comment avez-vous décidé d’en­traîner Wadi Degla ?

Patrice Carteron : J’ai toujours en tête l’idée de vivre une nouvelle aven­ture humaine et un nouveau défi per­sonnel. Déjà en France, j’étais l’en­traîneur de l’AS Cannes, puis en 2009, j’ai choisi de vivre une aventure et un défi personnel en entraînant le club Dijon FCO qui évoluait alors en Ligue 2 et le faire monter en Ligue 1 au terme de la saison 2010-2011. Puis j’ai décidé en juillet 2012 de vivre une nouvelle aventure dans un autre conti­nent en devenant le sélectionneur du Mali. Je l’ai conduit jusqu’à la troi­sième place de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2013. En mai 2013, au moment où la Fédération malienne de football essayait de me convaincre de rester avec l’équipe, j’ai décidé de commencer une nou­velle aventure, toujours en Afrique, mais avec le club congolais, le Tout Puissant Mazembe. Après deux ans et 7 mois de présence, j’ai remporté avec les Corbeaux de Lubumbashi la Ligue des champions d’Afrique en 2015. Nous avons aussi remporté 2 fois le titre national en 2013 et en 2014, la Supercoupe de la RDC en 2013 et 2014, et finalement, nous avons joué le Mondial des clubs. J’ai laissé le club après avoir tout remporté pour tenter une nouvelle aventure humaine, et cette fois mon choix est allé au pays du Nil avec le club Wadi Degla, et ce, malgré les tentatives des dirigeants du TP Mazembe de me convaincre de renouveler mon contrat avec l’équipe.

— Pourquoi ?

— Il faut savoir partir au bon moment. Avec TP Mazembe, nous avons remporté tous les titres. Pour moi, c’est mieux de chercher un nou­veau défi et une nouvelle aventure avec une nouvelle équipe et de nou­veaux joueurs. C’est pourquoi j’ai accepté la proposition de Wadi Degla, surtout que j’adore l’Afrique.

— Avant de venir en Egypte, aviez-vous une idée sur le Championnat égyptien et ses clubs ?

Oui, je connais bien le Championnat et le football égyptiens. Le Championnat égyptien est le plus grand en Afrique, et le niveau de ses clubs évolue vite. Avec Mazembe, j’ai eu la chance de jouer contre Zamalek et Smouha en Ligue des champions d’Afrique, et j’ai remar­qué le bon niveau des clubs égyp­tiens. Même si Mazembe avait gagné contre Zamalek et Smouha, ils ont laissé une bonne impression sur les clubs égyptiens. De même, j’ai vu beaucoup de matchs du Championnat égyptien, et j’ai su ses points forts et ses points faibles. Lorsque la direc­tion de Wadi Degla m’avait contacté pour entraîner le club, le club était dans une situation difficile. Il était reléguable, il était parmi les derniers clubs du classement du championnat.

— Mais certains voient qu’après avoir remporté une médaille de bronze avec le Mali à la CAN, rem­porté la Ligue des champions et participé au Mondial des clubs avec TP Mazembe, votre aventure suivante en Egypte devait être avec la sélection égyptienne ou les clubs Ahli ou Zamalek, et non avec un jeune club du milieu de tableau qui n’a jamais remporté de titre …

— J’ai 45 ans. J’ai débuté ma car­rière d’entraîneur il y a 7 ou 8 ans. Alors, je me considère comme un jeune entraîneur. En plus dans ma vie, je compte plus sur mes senti­ments et je n’aime pas beaucoup calculer. Mes sentiments étaient pour que j’accepte la proposition de Wadi Degla. C’est un club qui a beaucoup de potentiel et qui a un grand prési­dent et une direction de grande valeur. J’ai une confiance en la direc­tion du club et en ses joueurs. C’est un jeune club qui a besoin de grandir et d’atteindre le niveau qu’il mérite. Les joueurs doivent garder en eux le désir de gagner. Chaque match doit être pour eux un nouveau défi qu’ils doivent gagner et remporter ses 3 points.

— L’ancienne star française de Chelsea, Florent Malouda, vient de signer il y a deux semaines pour Wadi Degla

— Oui, c’est très bien pour l’équipe d’avoir un grand joueur comme Malouda dans son effectif. Pas seule­ment Malouda. Nous avons déjà la star Essam Al-Hadari. Evidemment, c’est un grand avantage pour le staff technique d’avoir de grands joueurs tels Malouda et Al-Hadari. Ils trans­mettront sans doute leur expérience au reste des joueurs et ils seront des idoles et des exemples à suivre pour les jeunes joueurs de l’équipe.

Ahli et Zamalek cherchent en ce moment des entraîneurs euro­péens. Plusieurs ont refusé leurs propositions car ils ont peur de venir travailler en Egypte à cause de la situation sécuritaire. N’étiez-vous pas inquiet avant de venir travailler en Egypte ?

— La situation en RD Congo n’est pas mieux qu’en Egypte. Même en France en ce moment, la situation n’est pas très rassurante. Je me suis bien adapté à la situation en Egypte et je me sens en sécurité plus que dans beaucoup d’autres pays en Afrique.

— Vous avez dit qu’avant de venir en Egypte, vous aviez suivi le Championnat et le foot égyptiens et que vous aviez repéré ses points forts et faibles. D’après vous, quel est le problème majeur du foot égyptien en ce moment ?

— Le grand problème du foot égyptien en ce moment est de jouer en huis clos. Avec TP Mazembe, nous avons battu Smouha en Egypte 2-0 et nous avons fait match nul 0-0 avec Zamalek. Si ces deux matchs n’étaient pas en huis clos et étaient avec les supporters, sans doute, le résultat pouvait être en faveur des clubs égyptiens. Toutes les équipes du monde souffrent sans leurs sup­porters. Ahli est la seule exception en Egypte. Il a réussi à remporter la Coupe de la CAF en 2014 sans sup­porters et était demi-finaliste de la dernière édition. Zamalek, lui aussi, avait réussi un bon parcours à la der­nière édition de la Coupe de la CAF et était éliminé en demi-finales. Il pouvait réaliser un triplé historique avec le Championnat et la Coupe d’Egypte. Quant au grand point fort, c’est la capacité de la sélection et des équipes égyptiennes à renouveler leurs effectifs. L’année dernière, j’ai joué avec TP Mazembe contre Zamalek le match aller le 8 juin en RD Congo et nous avons gagné 1-0. Au retour le 27 juillet, Zamalek a aligné 4 nouveaux titulaires face à nous au Caire. 4 nouveaux joueurs qui avaient le même niveau que les titulaires qu’ils avaient remplacés. Les clubs égyptiens ont un bon potentiel. En Egypte, les joueurs ne réagissent pas de la même manière que ceux des autres pays africains. Les jeunes joueurs dans la plupart des pays africains n’ont qu’un seul rêve : partir évoluer en Europe. Ils veulent partir tout jeunes pour vivre dans un bon milieu en France ou dans n’importe quel pays européen. Alors que les joueurs égyptiens ne partent pas facilement en Europe et ne quit­tent pas leurs clubs. C’est pourquoi les clubs possèdent un bon potentiel de bons joueurs en plus des bonnes infrastructures, ce qui est un privilège pour le football égyptien.

— En parlant du football égyp­tien, que pensez-vous de la sélec­tion égyptienne en ce moment ?

La sélection égyptienne connaît un passage difficile en ce moment, mais je suis sûr qu’elle va revenir au bout de quelques années à sa place parmi les meilleures sélections afri­caines, surtout avec un grand entraî­neur comme l’Argentin Cuper.

— Et les clubs égyptiens ?

— La déception des clubs égyp­tiens au niveau des compétitions afri­caines est normale, et cela arrive également avec la plupart des équipes africaines qui se restructurent. Il est normal que de nouveaux clubs incon­nus dans le monde du football, comme ceux du Cap-Vert ou de Mauritanie, par exemple, fassent de bons résultats et éliminent de grands clubs des compétitions africaines.

Ahli et Zamalek sont en quête d’un nouveau coach. Avez-vous eu des propositions de ces deux clubs avant de signer pour Wadi Degla ?

— Il y avait des négociations avec Zamalek le mois de novembre dernier pour que je prenne immédiatement la responsabilité du club alors que je me préparais pour participer à la Coupe du monde des clubs avec Mazembe. C’est un honneur pour moi d’être sollicité par la sélection égyptienne, Ahli ou Zamalek

— Finalement, que promettez-vous aux supporters de Wadi Degla ?

— J’ai signé un contrat de 6 mois avec la direction de Wadi Degla, plus une année en option. C’est normal de signer pour 6 mois seulement, car je viens en pleine saison, et ma décision de renouveler le contrat pour une année supplémentaire dépendra de mon évaluation à la fin de la saison. Quant à mes objectifs avec le club, ils doivent être réalistes. En arrivant en Egypte, le club était reléguable. Aujourd’hui, la situation s’est amélio­rée et les résultats de l’équipe aux derniers matchs sont meilleurs. Mais nous devons être réalistes dans nos rêves. Chaque membre de l’équipe doit faire son travail à la perfection pour que tout fonctionne bien au sein de l’équipe.

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