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Omar Samra : Destination pôle Nord

Dina Darwich, Dimanche, 01 février 2015

Omar Samra s'apprête à terminer le Grand Slam. Après avoir atteint les 7 plus hauts sommets du monde et le Pôle Sud, c’est vers le Pôle Nord qu’il se dirige. Rencontre avec un aventurier hors du commun.

Omar Samra : Destination pôle Nord

« Je suis à quelques pas de mon rêve. Il me reste le pôle Nord pour que mon nom soit inscrit sur la liste Adventurer Grand Slam, la plus renommée dans le monde de l’aventure. Seulement une quarantaine de personnes ont atteint les sept sommets et les deux pôles », dit fièrement Omar Samra, suivant les pas de David Hempleman-Adams, le premier aventurier à avoir fait le Grand Slam en 1998. Le Grand Slam, selon l’Organisation américaine Alpine Club et The Explorers Club, comprend l’escalade des sept plus hauts sommets, en plus d’atteindre deux pôles. Le Grand Slam est la plus importante compétition dans son domaine.

Omar Samra : Destination pôle Nord
Omar Samra comptera parmi les 35 aventuriers du monde à avoir accédé aux deux pôles et au 7 sommets.

Samra, qui se prépare pour un départ vers le pôle Nord en avril prochain, sera le benjamin de ce clan et le premier arabe à s’engager dans cette aventure à risque.

Cette aventure, Samra l’a commencée en 2007 dans le massif de l’Himalaya pour atteindre l’Everest (8 848 m), le plus haut sommet du monde, à la frontière du Tibet et du Népal. 5 % seulement des grimpeurs réussissent à arriver au sommet.

« J’ai ensuite escaladé l’Aconcagua en Amérique du Sud (6 952 m), puis le Kilimandjaro, qui est le point culminant de l’Afrique (5 894 m) et le Mc Kinley en Amérique du Nord (6 194 m), connu localement sous le nom de Denali, qui signifie la femme du grand. Puis le mont Vinson, qui est le plus haut sommet de l’Antarctique avec ses 5 140 m de hauteur et qui a été escaladé pour la première fois par des explorateurs en 1966. Après l’Elbrouz, considéré comme le plus haut sommet de l’Europe avec ses 5 633 m d’altitude et qui a été escaladé pour la première fois en juillet 1874. Et enfin, la Pyramide de Carstensz, considérée comme le septième plus haut sommet et qui se trouve en Océane », précise Samra, qui vient de terminer une autre aventure au pôle Sud en décembre 2014.

Omar Samra : Destination pôle Nord
Au Kenya, Samra a découvert des espèces de reptiles rares.

Rien ne destinait au départ Omar Samra à se lancer dans une telle aventure. Né en 1978 à Londres, il a longtemps souffert de crises d’asthme, ce qui ne l’a pas empêché de réaliser ses rêves d’aventures.

C’est en Suisse, à l’âge de 16 ans, que Omar réalise son premier exploit en escaladant son premier sommet. Depuis, c’est toute la vie de Omar Samra qui est dédiée à l’escalade. Et Omar cherche toujours de nouveaux défis.

« Je suis prêt pour le pôle Nord depuis un an, mais le départ a été remis faute de moyens financiers. Les règles du Grand Slam exigent d’atterrir à environ 110 km et de parcourir cette distance à skis. Mais les vols pour cette destination sont très chers : il faut atterrir sur la neige. Il n’y a pas de moyens de communication, à l’exception du portable Iridium qui fonctionne par satellite, mais son utilisation est loin d’être facile », affirme-t-il. Les étapes du Grand Slam sont au nombre de neuf. Omar Samra en a effectué huit et s’apprête ainsi à boucler la boucle.

Omar Samra : Destination pôle Nord
Atteindre le Pôle Sud requiert une importante préparation.

Le pôle Sud
Sa dernière aventure au pôle Sud l’a particulièrement marqué. Il fallait effectuer des préparatifs qui différaient totalement de ceux pour atteindre les 7 sommets. « Il m’a fallu marcher plus de 10 heures par jour en traînant 70 kg. Pour m’exercer, je traînais tous les jours un pneu d’un camion lourd pendant des heures dans un climat très froid, en Suisse. Pour obtenir les informations nécessaires pour le voyage, je fouillais dans les livres d’histoire et d’aventures rédigés par des explorateurs et j’allais sur les forums consacrés aux aventuriers, afin de connaître la météorologie et la topographie des lieux », explique Omar.

Pour son voyage au pôle Sud, Omar était accompagné d’une équipe de six personnes, d’Allemagne, du Chili, de Russie et d’Inde. Il a pris cinq vols consécutifs pour atteindre la ville de Punta Arenas située sur la 89e latitude.

« Le voyage a mal commencé. J’avais un problème à l’estomac et j’ai dû prendre des antibiotiques pendant cinq jours. La route était pénible. Le départ avait été choisi avec précaution, puisque le mois de décembre coïncide avec la saison d’été dans l’hémisphère sud. Pourtant, la température était très basse pour atteindre parfois –54°C. On parcourait chaque jour une distance de 14 à 16 km pendant 7 à 10 heures. La nuit, on campait dans des tentes très lourdes fabriquées exprès pour ce genre de climat sévère. On dormait pendant 6 ou 7 heures avant de poursuivre le chemin vers le pôle Sud », se souvient Omar.

Pour Omar, ce quotidien était difficile. Il devait se déplacer avec plusieurs couches de vêtements, ce qui rendait les mouvements difficiles. « Les bottes qu’on portait étaient faites pour supporter une température jusqu’à -70°C. La prudence était de mise, on risquait de se casser en tombant. Nous avons mangé des aliments congelés ou secs pendant des jours entiers », précise cet aventurier.

Mais le grand défi restait le Sud géographique, car la boussole indique seulement le Sud magnétique. L’équipe devait sans cesse faire des changements de route : une mission très difficile, surtout avec le brouillard et en absence de tout repère.

Omar Samra : Destination pôle Nord
Omar Samra au sommet du Kilimandjaro (Tanzanie).

La surface de l’Antarctique équivaut presque à celle de l’Australie. On n’y trouve aucun être vivant, ni animaux, ni oiseaux, même pas un insecte. « C’est l’ambiance la plus pure du monde. Une ambiance dite d’une sérénité idéale à la méditation. Ce n’est pas seulement une aventure, c’est aussi une expérience spirituelle très singulière. Pourtant, cela n’empêche pas un sentiment de peur et d’angoisse », se souvient l’aventurier. Seules 150 personnes vivent en Antarctique. La plupart d’entre elles vivent dans le Centre américain de recherches.

« Le sol au pôle Sud est plus dur et la glace forme une couche épaisse rocheuse d’une hauteur de 200 à 300 mètres. Par contre, au pôle Nord, on devra parcourir une grande partie du voyage sur un océan congelé qui risque de s’effondrer, ce qui rend la mission très délicate. Il faut être prudent à chaque pas », affirme-t-il.

Un risque qui est loin de freiner l’enthousiasme du voyageur. Malgré la chute l’année passée de l’exploratrice Héba Al-Husseiny du Jbel Tobkal, le point culminant de l’Atlas, Samra ne veut pas renoncer. « Je suis très malheureux pour Héba, mais je pense qu’elle s’est mal comportée en voulant prendre une photo sur une roche suspendue dans l’air. Le risque fait partie de l’aventure, mais plus on est prudent et plus on étudie minutieusement les lieux, plus on réduit les risques ».

A son retour en Egypte, Omar Samra fera le tour du pays pour transmettre sa passion aux plus jeunes et leur délivrer une bonne dose d’énergie positive. Car un autre rêve le poursuit : l’espace. Il devrait y partir prochainement, si tout se passe bien.

« Les rêves ne devraient pas avoir de plafond. L’impossible est accessible, c’est une question d’effort et de temps, de chance un peu aussi », assure Omar Samra.

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