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Aventuriers : Une passion tout-terrain

Dina Darwich, Lundi, 24 novembre 2014

Ils ont décidé de défier l’impossible et même la nature. Avec un goût poussé de l'aventure, leurs voyages, souvent risqués, les ont emmenés aux confins des limites humaines. Un choix qui impose un style de vie particulier, mais dont ils ne se déferaient pour rien au monde.

Aventuriers :  Une passion tout-terrain
Avant d’accéder au pôle sud, Omar Samra va conquérir l’espace l’année prochaine.

   Aventuriers :  Une passion tout-terrain
Au cours de 20 ans de voyage, Ahmad Al-Chehawi a parcouru 23 forêts équatoriales.

« Ma vie est une série d’aventures. J’aime changer d’endroits, découvrir d’autres régions, d’autres pays. Je vis à chaque fois des moments intenses, tant visuels que physiques. Découvrir la diversité, les cultures et traditions d’autres peuples me passionne. Cette passion du voyage et l’enthousiasme que cela me procure m’ont valu de renouveler l’expérience. Un véritable trésor qui a enrichi ma vie et mes relations avec les autres », explique Omar Fardi, 43 ans, qui a passé une grande partie de sa vie à voyager à travers le monde.

Au premier abord, on a l’impression d’avoir affaire à une personne singulière. Passionné de moto, il considère que voyager à moto est l’une des choses les plus agréables et stimulantes qui soit, malgré les risques. Une relation étroite le lie à sa moto sur laquelle il passe la plus grande partie de son temps. Le sud du continent noir a toujours été sa destination. Fasciné par ses sentiers mystérieux, ses paysages pittoresques et ses terrains singuliers, il a parcouru 22 000 km en 6 mois.

Ces voyages ont eu un impact sur sa vie de tous les jours. Omar peut dormir à la belle étoile, n’importe où, même dans des endroits risqués, car il a appris mille et une astuces pour se protéger.

« J’ai dormi près des Massaïs qui habitent à l’est du continent africain, là où le jeune garçon n’est autorisé à aller à la chasse qu’après avoir atteint l’âge de la puberté, pour me réveiller à quelques mètres de la tribu des tigrés en Ethiopie qui croit posséder tout le bétail qui existe sur terre. J’ai également découvert les us et coutumes du clan Smburh qui habite la Tanzanie et le Kenya. Une tribu qui ne semble pas bienveillante avec les étrangers, craignant d’être contaminés par différentes maladies qui pourraient les tuer », poursuit Fardi.

Si Omar Mansour Fardi est le premier égyptien à avoir fait le tour du monde à moto, Omar Samra est le premier Egyptien à avoir atteint le sommet de l’Everest, et il se prépare à se rendre aux deux pôles, Nord et Sud, avant de se préparer pour un voyage dans l’espace l’année prochaine. Ahmad Al-Chehawi, 45 ans, a passé 20 ans à voyager. Il a visité plus de 23 forêts équatoriales et a rencontré et a vécu avec 12 tribus primitives. Quant à Galal Chatila, 20 ans, le benjamin de tous, il s’apprête à faire le tour de l’Egypte à bicyclette en parcourant 6 000 km.

Selon les chiffres de l’Association internationale des voyageurs et des aventuriers en Autriche, englobant 80 pays, il n’existe que 18 « aventuriers » répertoriés dans le monde. « Il existe des critères en ce qui concerne l’admission. On évalue cela selon le nombre d’années qu’une personne a passées à parcourir ou visiter des contrées lointaines. Le chiffre record de 24 ans a été réalisé par l’explorateur italien Marco Polo, mais nombreux sont ceux qui tentent de battre ce record. En fait, l’important est que le voyage soit marqué par le goût de l’aventure, du risque et de la découverte du monde. Le but étant de créer une passerelle pour échanger les expériences et les connaissances entre les différents peuples et établir un rapprochement entre les différentes civilisations », confie Ahmad Al-Chehawi, président de l’Association.

Mais pour se lancer dans une telle aventure, il faut constamment relever des défis avec soi-même et la nature. La journée est un exercice continu pour stimuler sa volonté. Il faut s’entraîner à vaincre la peur en suivant des séances de psychothérapie et de méditation. « Il s’agit d’une lutte continue pour vaincre la faiblesse de l’âme et du corps. C’est le goût de l’aventure qui libère l’individu, le fait sortir de sa routine et le pousse à vaincre sa peur », ajoute Omar Fardi, qui a mis fin à sa carrière de banquier tellement il est avide de voyages.

Galal Chatila relate que le premier défi relevé lors de ses premiers voyages en 2011 est l’insécurité qui régnait sur les routes suite à la révolution de 2011 en Egypte. Cela n’a pas empêché le jeune cycliste de pédaler jusqu’à la station balnéaire d'Al-Aïn Al-Sokhna située à environ 100 km du Caire. « On m’a déconseillé de faire ce circuit à cause des brigands qui coupaient les routes, mais il fallait affronter ce défi et vaincre ma peur », dit Chatila, qui a effectué un deuxième voyage à Noweiba, à 450 km du Caire, avant de faire un détour dans des oasis en parcourant à bicyclette une distance de 1 650 km.

Amalgame d’histoires

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Le jeune Galal Chatila s’apprête à faire le tour de l’Egypte à bicyclette, soit 6 000 km.

Au fil des jours, le quotidien de ces personnes est devenu un amalgame de photos, d’histoires et d’aventures. Une série d’exploits relatée avec enthousiasme. Sur shahawy.com, Ahmad Al-Chehawi raconte son expérience lors de ses voyages aux passionnés d’aventures. « J’ai encouru un gros risque en tombant d’une cascade de Sumatra (Indonésie), et le courant m’a emporté sur 10 km », dit Ahmad Al-Chehawi, qui a aussi failli perdre la vue lors d’un voyage dans le Pacifique.

Son livre intitulé Le Voyageur et la forêt, sorti en 2010, raconte son expérience sur le terrain avec des photos très rares des tribus Védas, Batak, Almanjian et Redskins. Son agenda est surchargé, et à chaque voyage, il doit prendre connaissance des coutumes des gens avec qui il passera quelques jours.

« Quand j’ai commencé à voyager, il y a 20 ans, les tribus anthropophages étaient au nombre de quatre, aujourd’hui, il n’en reste qu’une », poursuit Al-Chehawy, qui n’a le privilège de dormir sur un lit que quelques jours par an.

Il a observé un changement dans la composition démographique des habitants de la région de l’Equateur, lui qui a dormi dans des grottes et utilisé les moyens de transport les plus primitifs pour se déplacer dans la jungle. Quant à Omar Fardi, il semble avoir pris goût aux épices africaines grâce à ses voyages. Sur le continent noir, il a traversé une région à grand risque au nord du Kenya.

« On a surnommé cette région le No Man’s Land, car là-bas, les frontières entre les pays ne sont pas déterminées, sans compter les groupuscules qui sévissent sur les frontières des trois pays : Somalie, Kenya et Ouganda. Il m’est arrivé d’être pris dans ce piège malgré moi. Des groupes armés m’ont bombardé de coups de canons. C’est pourquoi ceux qui se hasardent à faire ce trajet ne le font qu’une fois dans leur vie s’ils ont échappé à la mort. Mais j’ai eu le culot de prendre cette route trois fois », relate Fardi, qui ajoute que le plus grand danger auquel il a fait face, c’était une meute de hyènes. Ces animaux féroces sont très dangereux. Rusés et rapides, ils planifient leur attaque.

« Ils ont tué, il y a quelques années, deux explorateurs hollandais, dont les restes des corps sont exposés au Soudan, pour rappeler aux gens le risque que courent ces voyageurs », poursuit Fardi qui, avec l’expérience, a appris l’art de jongler avec ces bêtes féroces. « Avec le temps, j’ai observé que les hyènes n’aimaient pas les flashs d’appareils photo. Une astuce à laquelle je recours lorsque je me trouve dans une forêt où les animaux peuvent surgir à tout moment », poursuit-il.

En effet, ces voyageurs tentent de suivre le périple d’Ibn Battuta, le plus connu des voyageurs du monde arabe. Né à Tanji au XIVe siècle (1304-1377), Abou Abdallah Mohamad Ibn Abdallah Al-Lawati Al-Tanji a parcouru près de 120 000 km entre 1325 et 1349, de Tombouctou au sud, jusqu’à l’ancien territoire du Khanat bulgare de la Volga au nord, et de Tanger à l’ouest jusqu’à Quanzhou en Extrême-Orient. Ses récits sont compilés par Ibn Juzayy dans un livre.

Une vie rude

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Danser avec les hyènes est le talent de l’aventurier Omar Fardi.

Pour atteindre les Pôles Nord ou Sud, une région aride ou encore gravir une haute montagne, ces aventuriers doivent mener une vie rude. « Je travaille 12 heures par jour pour préparer mes voyages et mes équipements. Je dois m’entraîner sans relâche et sérieusement si je veux partir au Pôle Sud, où je dois marcher durant 10 heures portant un lourd sac qui transporte nourriture et équipements. Par ailleurs, je suis également d’autres entraînements pour supporter le manque d’oxygène à une altitude de 7 000 m au-dessus de la surface de la mer. Avec mes voyages, je suis arrivé à acquérir des compétences qui me permettent de résister à la forte chaleur et au froid mordant », explique Al-Samra. Il s’agit donc de lutter contre la nature. Rien de moins. Mais la question dépend aussi du moyen de transport utilisé par l’aventurier. Galal Chatila assure qu’il voyage souvent durant le printemps, car il doit passer la nuit en plein air et donc choisir saison douce. Avant ses voyages, il confie qu’il parcourt tous les jours de longues distances. « Je fais le trajet 6 Octobre-centre-ville ou Al-Tagammoe Al-Khamès-centre-ville. Je consacre souvent la nuit pour préparer mon départ via Google Earth, et les blogs d’amateurs d’exploration qui me fournissent des détails sur le climat et la nature géographique de ma destination », avance Chatila.

Et puisque à chaque voyage il faut préparer ses bagages, Omar Samra assure qu’il emporte avec lui 150 articles, qu’il choisit avec minutie. Le jeune Chatila, lui, n’oublie pas de prendre des nouilles et du chocolat, sans oublier de l’encens pour ses moments de méditation. Quant à Fardi, il transporte sur sa moto entre 10 et 15 litres d’eau. « J’ai créé un système pour transporter du carburant et des pièces de rechange. Mais un jour, j’avais besoin de faire le plein, j’étais proche du Zimbabwe qui souffrait d’un embargo et où le prix du litre d’essence avait atteint les 10 dollars ... », raconte-t-il.

Les coûts de ces voyages restent le grand dilemme pour ces aventuriers. Une escalade de l’Everest pourrait coûter plus de 12 000 dollars, selon Ahmad Al-Chehawi, alors qu’un voyage à travers le continent africain pourrait atteindre les 20 000 dollars, outre les préparatifs qui prennent parfois plus de cinq ans. « J’ai mis six ans pour atteindre les sept sommets dans les différents continents, alors que j’avais prévu trois ans ... faute d’argent », confie Al-Samra.

Si ces voyageurs exposent leur vie à un véritable danger, l’aventure est profitable. Outre les livres, les sites et blogs qui pourraient aider les amateurs du voyage, de tels efforts sont considérés comme un pas en avant dans l’Histoire humaine. « Je fais le tour des clubs, des centres de jeunesse et des établissements scolaires pour relater aux jeunes mes voyages et transmettre le goût de l’aventure », assure Omar Al-Samra, qui se déplace entre Le Caire et Dubaï, afin d’organiser ses voyages. Au niveau national, il est temps d’ouvrir de nouveaux horizons dans le domaine du tourisme, dit Fardi. « Le désert occupe près de 95 % du territoire égyptien, et 1 % seulement des Egyptiens possèdent la culture du camping. Il est temps de profiter de cette énorme richesse aux secrets et charmes inépuisables », conclut celui qui possède aussi une agence organisant des excursions dans le désert .

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