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Dans le labyrinthe de l’offre universitaire

Dina Bakr, Lundi, 09 septembre 2013

Comme chaque année, les futurs étudiants et leurs parents doivent trouver la meilleure voie d'études universitaires pour concilier la qualité, les frais d'études et les résultats obtenus. Un parcours qui ne cesse de se compliquer.

Dans le labyrinthe de l’offre universitaire

En décembre dernier, Nour a rempli des formulaires d’inscription pour deux universités, la Misr International University (MIU) et la German University of Cairo (GUC). Cette future étudiante, originaire de Damiette, a obtenu 90 % à l’examen de fin de lycée, section littéraire. « D’après le bureau d’orientation, mon pourcentage me permet d’accéder à la fac de commerce. Mais je veux faire des études sérieuses, ce qui est impossible dans les facultés de commerce et de lettres où les étudiants s’absentent toute l’année et viennent aux cours un mois avant les examens », dit-elle.

Cette jeune femme voulait intégrer la GUC, comme sa soeur aînée. Mais la hausse des frais de scolarité a anéanti ses rêves. Ils s’élèvent désormais à quelque 54 000 L.E. par an. « La qualité de l’enseignement compte beaucoup pour nous, mais j’ai pitié pour mes parents. Ils ne peuvent pas payer ces sommes exorbitantes. Ils ne s’attendaient pas à une telle hausse des frais ». Nour a finalement choisi de rejoindre la MIU pour étudier la communication de masse en contrepartie de 30 000 L.E. par an.

Les universités privées et étrangères sont devenues très en vogue ces 10 dernières années en Egypte. Cependant, le choix n’est pas facile. Après le cauchemar de la sanawiya amma (sanctionnant la fin des études secondaires), parents et élèves doivent résoudre l’équation pourcentage, qualité de l’enseignement, ambition de l’étudiant et frais.

Aujourd’hui, de nouvelles sections ouvrent leurs portes dans les universités privées comme dans les universités publiques qui misent sur leur passé prestigieux. Sans oublier les sections françaises et anglaises inaugurées depuis des années dans plusieurs facultés des Universités du Caire et de Aïn-Chams. C’est ainsi que les étudiants et leurs parents se trouvent obligés de commencer le trajet de la recherche d’un enseignement universitaire convenable presque un an à l’avance. « On a enquêté auprès d’amis qui ont déjà vécu l’expérience, on a fait la tournée de toutes les universités, effectué des recherches sur Internet, on a même fait des économies », raconte Mona Ali, parent d’une étudiante.

Dans le labyrinthe de l’offre universitaire
L'université publique ouvre ses portes pour tous les étudiants sans discrimination.

Certaines facultés comme celles de médecine, de pharmacie et d’ingénierie, dites « facultés du top », restent les meilleures dans les universités publiques. Mais l’augmentation de la demande sur ces facultés augmente le pourcentage d’admission. Omar, qui a obtenu 95 % au lycée en section mathématiques, est satisfait de son résultat. Pour lui, il n’est pas question de faire la tournée des universités. « Mes parents ont déjà payé des sommes importantes dans les leçons particulières et cours de révision pour que je puisse rejoindre l’université publique », lance-t-il. Omar a recueilli les fruits de ses efforts en rejoignant la faculté de polytechnique de l’Université de Hélouan. Ses parents sont satisfaits d’une telle performance qui n’est pas chose facile avec la hausse des pourcentages. « Suivre des études dans une université publique est un avantage car les professeurs des universités privées sont originaires des universités publiques », souligne Omar Il y a quelques années les bacheliers n’avaient que deux choix : décrocher un haut pourcentage permettant d’accéder aux universités publiques, ou bien, avec un moins bon résultat, rejoindre des instituts où les études peuvent s’étendre sur deux ou quatre ans.

Penser au logement

Aujourd’hui, les universités privées, qui poussent comme des champignons, ont permis à nombreux étudiants de rejoindre les universités même avec des pourcentages modestes. Mais il faut mettre le prix. Hassan a obtenu 90 % en section mathématiques. Il savait qu’il n’allait pas obtenir le résultat nécessaire pour rejoindre les facultés de polytechnique publiques. C’est pourquoi il est allé vers deux universités privées. « Dès que j’ai été accepté par l’une d’elles, j’ai retiré les fonds avancés à l’autre. J’aimerais être au niveau de la responsabilité et faire tout mon possible pour satisfaire mes parents avant de satisfaire mes propres désirs », déclare Hassan qui évoque aussi que le choix de l’université n’est pas le seul souci qui se présente à lui : il faut de même penser au logement.

En effet, les étudiants qui n’habitent pas la capitale devront trouver des colocataires pour partager le loyer d’un appartement qui peut atteindre 3 000 L.E. par mois. Les logements dépendant de l’université atteignent, eux, 25 000 L.E. par an.

Les universités privées présentent aussi une solution pour ceux qui recherchent un enseignement différent et de meilleure qualité. « L’Université allemande présente l’opportunité d’étudier pendant un ou deux semestres en Allemagne. C’est un privilège d’étudier à l’étranger car on acquiert une plus grande expérience », dit Rim, qui a obtenu un pourcentage de 97 % en section sciences. Elle a choisi la faculté de pharmacie de la GUC, car elle enseigne les 2 branches, biologique et clinique. Cette étudiante appliquée aurait pu rejoindre la même faculté à l’Université de Port-Saïd. « Mes résultats me donnaient beaucoup de choix. Mais j’ai appris que les professeurs de cette université expliquaient en arabe, ce qui n’est pas pratique pour des matières scientifiques surtout si elles concernent la composition des médicaments ». Rim a alors décidé de rejoindre la GUC tout en bénéficiant d’une réduction de 10 % sur les frais de scolarité.

Vu le penchant d’un grand nombre de bacheliers pour ces universités privées, celles-ci prennent de plus en plus de mesures sélectives comme l’augmentation des frais ou encore une demande de meilleurs résultats scolaires. « L’offre et la demande ont leur influence sur le secteur de l’enseignement aussi », dit la directrice d’une université privée. Ces universités ont donc recours à une pré-inscription parce qu’elles n’acceptent qu’un nombre limité d’étudiants.

« L’Etat n’arrive pas à couvrir les frais de l’enseignement supérieur, c’est une question de budget, il n’en a pas les moyens. Les universités publiques ne peuvent assimiler que 200 000 nouveaux étudiants par an. En conséquence, la qualité de l’enseignement sera réduite et se prouver devient un important effort individuel », explique Kamal Moghith, chercheur en pédagogie, qui assure aussi que l’Etat se retire petit à petit des questions cruciales liées à l’enseignement. Selon lui, l’absence de normes éducatives a du coup fait de l’enseignement supérieur une marchandise. Or, confie-t-il, « la gratuité de l’enseignement est un droit constitutionnel ». Pour l’heure, les jeunes étudiants et leurs parents doivent s’accommoder des frais universitaires et du silence des preneurs de décision.

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