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Du recyclage original

Dina Bakr, Mardi, 31 août 2021

L’association Atfal Al-Saguinate (les enfants des détenues) vient de remettre des décorations à des femmes qui ont réussi dans l’entrepreneuriat. Focus sur deux exemples d’idées de recyclage.

Du recyclage original

Des sacs à partir de résidus bananiers

Des sacs à partir de résidus bananiers

Amira nasser, 22 ans, est une étudiante à la faculté de pédagogie de l’Université de Sohag. Elle fait partie d’un groupe de 7 étudiants habitant le même village, Al-Qaraméta, situé à l’est de ce gouvernorat. Très soucieux des problèmes écologiques qui existaient avant même leur naissance, ils ont décidé d’agir. D’après une étude publiée à la faculté d’agronomie de l’Université de Sohag, la superficie dédiée à la culture des bananiers a augmenté au niveau de la République. La surface totale de la culture bananière est estimée à 83 000 feddans, dont 3 000 à Sohag. Un feddan (environ 4 200 m2) compte entre 800 et 1 000 bananiers. Les résidus des bananiers sont estimés à 1,6 million de tonnes par an en Egypte, dont 56 000 à Sohag. « Les résidus des bananiers se jettent dans les canaux d’irrigation et entravent l’acheminement de l’eau jusqu’aux parcelles agricoles », explique Amira Nasser. D’où les amendes imposées par le ministère de l’Environnement aux agriculteurs qui polluent l’eau du Nil. Certains d’entre eux brûlent les tiges de bananiers, ce qui provoque une pollution atmosphérique et expose les récoltes agricoles à des pertes de rendement. Résultat, des conflits perpétuels entre les agriculteurs eux-mêmes et des discordes avec l’Etat.

Pour Amira, résoudre ce problème passe par le recyclage des résidus de bananiers. Elle commence alors ses recherches. Sur la toile, elle découvre que l’Inde aussi a souffert de ce problème. « J’ai appris qu’en Inde, il existe une machine de recyclage des tiges de bananiers. Elle coûte l’équivalent de 50 000 L.E., un prix excessif pour des bénévoles comme nous qui désiraient se lancer dans une telle expérience », explique Amira. Ce groupe a décidé de montrer la technique et le fonctionnement de la machine à un ingénieur en agriculture nommé Mohamad Khalaf qui leur a fabriqué une à 12 000 L.E. « C’est vrai que les résidus sont encombrants, mais nous aspirons à fabriquer plusieurs modèles d’articles provenant du recyclage à l’exemple des sacs à main, plumiers, porte-monnaie et sacoches pour ordinateurs portables », souligne-t-elle.

Des sacs à partir de résidus bananiers
Les résidus des bananiers entrent dans la fabrication des sacs en cuir.

D’abord, ils ont fait appel aux professeurs de la faculté d’agriculture pour fournir une formation aux agriculteurs afin qu’ils puissent adopter la bonne méthode de découpage des tiges des bananiers. Car, si l’on coupe la tige de manière aléatoire, il serait impossible de l’introduire dans la machine qui sert à recycler les tiges de bananes en fibres textiles. Amira et ses camarades avaient déjà reçu une formation spécifique à l’artisanat afin d’éviter de dépenser inutilement leur temps et leurs efforts et d’apprendre à réduire les imperfections lors de la fabrication des produits naturels.

Avec délicatesse, l’employé prend les fibres textiles sortant de la machine et les suspend sur des cordes pour les garder bien étendues et éviter qu’elles ne se s’entrelacent. Chaque membre du groupe dans cette initiative saisit un tas de fibres textiles et les ajuste dans un métier à tisser d’après les mesures du produit final. « Avec un peigne, une brosse à cheveux ou même les doigts, on étire les fibres en les mouillant légèrement pour faciliter leur pénétration dans le métier à tisser », souligne Amira. Après avoir fini le tissage des fibres, il faut appliquer de la colle et laisser sécher durant 2 heures minimum. « Les résidus des tiges de bananes se transforment en un morceau de tissu de couleur beige qui peut entrer dans la production d’un sac à main par exemple. Ce tissu est cousu sur du cuir naturel qui coûte plus cher que le cuir synthétique, ce qui donne un produit réussi, qui ne manque pas de raffinement », raconte Amira. Ces jeunes ont achevé 200 variétés de produits dont la plupart sont des sacs à main et ils ont déjà vendu un peu plus de la moitié. Ils ont été décorés par le ministère de la Jeunesse et du Sport. Présentés au ministère de l’Environnement, ils ont eu, à titre d’encouragement, une somme de 2 000 L.E. de sa part. Ces jeunes étudiants essayent en ce moment de fabriquer des feuilles de papiers avec des tiges de bananes, mais ils étudient la possibilité d’ajouter d’autres matières pour qu’elles soient moins délicates.

Transformer les pneus en ornements décoratifs

Transformer les pneus en ornements décoratifs

Chaimaa salah, 39 ans, qui travaillait dans le tourisme, s’est retrouvée au chômage suite à la pandémie de coronavirus. Ne pouvant rester ainsi sans rien faire, elle décide de chercher une activité à faire depuis la maison. « Je voulais trouver une idée pas trop coûteuse pour ne pas perdre beaucoup d’argent en cas d’échec », raconte Chaimaa. Après une petite recherche sur Internet, elle apprend que la réutilisation des produits usagers est une opportunité à exploiter. « J’avais beaucoup lu sur les réactions chimiques provoquées par la biodégradation d’un pneu qui met 1 000 ans pour se décomposer. Et même après la phase de décomposition, le soufre, qui est un produit incontournable dans la fabrication des pneus, pourrait s’infiltrer dans les eaux des nappes phréatiques au risque de les polluer. Et le brûlage des pneus à l’air libre représente des sources d’émission de composés pouvant avoir un impact local sur la qualité de l’air et la pollution des sols et donc des répercussions sur l’environnement et sur l’homme », résume-t-elle. Tel était donc son choix. Parmi les centaines d’idées de recyclage des pneus usagés, elle a choisi d’appliquer la plus simple, qui ne nécessite pas beaucoup de main-d’oeuvre ou de machines sophistiquées. Elle a donc commencé par le pneu usagé de sa voiture. Tout d’abord, elle l’a bien lavé, puis elle s’est rendue dans un atelier de rembourrage. « J’ai expliqué à l’ouvrier ce que je voulais faire en lui montrant une vidéo pour voir les étapes de transformation du pneu en pouf ». Du bois pour la base du pneu, des fibres pour recouvrir sa surface et un morceau de tissu qui sert à agrémenter le tout, c’est ce dont elle avait besoin afin de transformer un pneu en coussin pour s’asseoir. Pots de plantes, tables et lanternes sont aussi des produits qui peuvent résulter d’un pneu usagé. D’après elle, le pneu peut être transformé en une pièce meuble au poids léger, moderne et servant de décoration d’intérieur. « Au début, le pneu transformé ressemblait à un pouf, ce qui n’était pas pratique pour les personnes âgées, alors, j’ai ajouté des pieds de 20 ou 30 cm à la demande d’un client. Parfois, les clients m’envoient les photos de leur décoration intérieure afin que je leur fabriquer un siège qui s’intègre avec harmonie dans le décor de leur salon », relate Chaimaa. C’est à travers sa page Facebook Dicor Shekoo qu’elle reçoit la majorité de ses commandes émanant de la Haute-Egypte, surtout Sohag, Assiout, Qéna et Alexandrie.

Transformer les pneus en ornements décoratifs
Avec un peu de créativité, les pneus peuvent être transformés en une pièced’ameublement.

S’approvisionner en matières premières à Ataba et Moski (des quartiers commerciaux où la vente se fait en gros) lui a fait économiser de l’argent et elle a réussi à faire des bénéfices. La salle de séjour de Chaimaa est devenue son atelier de travail. « J’ai fait la connaissance de commerçants qui m’ont fourni quelques astuces pour vendre mes articles, servant de décor intérieur et qui résistent aux changements climatiques s’ils sont entreposés dans les jardins », décrit-elle. Bientôt, elle va inaugurer un endroit où elle pourra exposer son travail et montrer ses talents d’artiste. Elle recommande vivement à tous ses fans de ne plus jeter leurs pneus usagés, car chacun peut innover dans la décoration de sa maison à un prix abordable. « J’ai donné un exemple pratique : avec 3 pneus, on peut créer un coin de table et 2 sièges à un prix dérisoire qui ne dépasse pas 10 % du prix d’un salon moderne dont le coût atteint entre 20 000 et 30 000 L.E. », explique-t-elle.

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