Al-Ahram Hebdo : Depuis le début de la pandémie, on entend parler de l’immunité collective. En quoi consiste-t-elle et comment l’atteindre ?
Dr Amgad Al-Haddad: Au début de la pandémie, des hypothèses avaient été avancées, selon lesquelles il suffirait de laisser le virus faire son travail jusqu’à ce que les populations acquièrent une immunité naturelle. C’est pourquoi dans un premier temps, certains pays ont résisté au confinement et négligé les mesures de protection. Or, il s’est avéré que cette « solution » était loin d’être efficace, d’abord, parce que l’immunité acquise suite à l’infection faiblit au fil des mois, mais surtout parce que le coût en termes de mortalité était très élevé, sans parler de la surcharge des hôpitaux qui n’arrivaient plus à faire face à l’afflux des patients. Les vaccins permettent aujourd’hui d’atteindre l’immunité collective, mais pour y arriver, il faut qu’environ 70% de la population soit vaccinée.
— Ceci quel que soit le type de vaccin utilisé …
— Les vaccins n’offrent pas la même protection contre les nouveaux variants du coronavirus. C’est pourquoi certains laboratoires commencent déjà à parler d’une troisième dose, voire de doses de rappel, à l’instar de la vaccination contre la grippe saisonnière.
— Justement, certains chercheurs ont reproché aux entreprises pharmaceutiques d’avoir parlé trop vite de doses supplémentaires …
— Cela dit, si les campagnes de vaccination se poursuivent et s’accélèrent, la mutation du virus sera mise au ralenti, et seules les personnes âgées et celles souffrant de maladies chroniques auront besoin de doses de rappel. D’où l’espoir de pouvoir contrôler la pandémie dans les années à venir.
— Dans quelle mesure la vaccination des enfants est importante dans cette quête d’immunité collective ?
— Il est important de vacciner les enfants, car ils représentent une source d’infection. Les essais cliniques et des travaux sur les vaccins ont été d’abord focalisés sur les groupes les plus vulnérables, notamment les personnes âgées et les personnes atteintes de maladies chroniques. Dans un deuxième temps, la base des essais s’est élargie pour inclure les plus jeunes. Dernièrement les chercheurs ont mené des expériences sur des enfants, et là aussi, l’efficacité du vaccin a été prouvée, et certains pays ont déjà commencé à administrer le vaccin aux enfants à partir de 12 ans. Quant aux enfants de 0 à 12 ans, leur vaccination sera certainement bientôt considérée, d’autant plus que même parmi cette tranche d’âge, ceux qui souffrent de maladies cardiaques, d’un cancer ou du diabète, ne sont pas à l’abri du risque de complications majeures s’ils attrapent le virus.
— Mais il est clair que la plupart des pays en sont encore trop loin …
— A travers la plateforme Covax, l’OMS assure un certain nombre de doses aux pays les moins riches, mais c’est surtout avec la fabrication locale sous licence des vaccins que ce problème pourra être réglé, comme ce fut le cas avec les médicaments du virus C, avec les médicaments de l’hépatite C et les vaccins contre la grippe saisonnière.
— En attendant, comment s’assurer une immunité collective avec des campagnes de vaccination qui piétinent ?
— La vaccination assure une protection pour 3 à 6 mois à compter deux à trois semaines après la vaccination. Ainsi, la vaccination à un rythme lent ou très lent ne risque pas de mettre fin à l’épidémie: de nouvelles mutations apparaîtront ainsi que de nouvelles vagues non moins sévères que les précédentes.
Si une campagne de vaccination n’atteint pas la proportion requise pour l’immunité collective, qui est de l’ordre de 70% de la population, dans une période équivalente à celle pendant laquelle le vaccin reste efficace, cela devient un cercle vicieux et le retour à une vie normale demeurera impossible.
Là, il faut souligner l’importance de la solidarité mondiale parce que même les populations sur-vaccinées ne seront pas immunisées contre de nouvelles mutations du virus tant que le monde entier n’aura pas dépassé cette crise .
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