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Les rêves infinis d’une artiste de rue

Sabah Sabet, Mardi, 13 avril 2021

Jeune artiste de rue, Maha Gamil a enjolivé les façades et les murs d’As­souan et d’autres villes égyptiennes. Ses ambitions ? Intégrer le Street Art dans les écoles et figurer dans le Guinness en dessi­nant la plus grande peinture au monde.

Les rêves infinis d’une artiste de rue
Le nouveau visage d’Assouan, dont les façades ont été embellies par les dessins de Maha.

Les rêves infinis d’une artiste de rue

Assouan, cette ville superbe qui se caractérise par ses monuments et ses paysages magnifiques, a pris un nouvel aspect : les murs et les bâtiments sont ornés de dessins folkloriques et de portraits souriants. La réalisatrice principale de cette immense galerie de rue est Maha Gamil, une jeune fille talentueuse mordue d’art urbain. Le « Street Art », elle le pratique depuis 2011. Dans la rue, Maha est toujours présente et prête à transmettre son savoir-faire à chaque passant et gratuitement.

Honorée en 2020 à l’occasion de la Journée mondiale des personnes âgées à la ville Al-Galala, en 2019 à l’occasion de la Journée mondiale du patrimoine au temple Philae, et en 2014 par le gouverneur d’Assouan pour sa participation à l’embellissement de la ville, cette jeune battante a décidé de se lancer pour la première fois dans cette expérience sans égard ni à l’esprit conservateur de sa société natale ni aux facteurs de risque auxquels elle pourrait être exposée dans la rue.

Les murs de sa chambre sur lesquels elle a peint ses esquisses ont été les premiers à témoigner de son talent. Maha Gamil, 29 ans, diplômée de la faculté des beaux-arts au Caire en 2016, aimait dessiner dès son jeune âge, mais pas sur de petites surfaces telles que le papier ou les cahiers de dessin. C’est sur les murs de sa maison qu’elle a commencé à reproduire les personnages de dessins animés, puis les portraits des membres de sa famille, ses collègues et ses professeurs. Ces derniers se sont aperçus de son talent et l’ont encoura­gée à continuer. Après avoir achevé ses études d’archéologie, Maha décida alors de pour­suivre un cursus à la faculté des beaux-arts.

Les rêves infinis d’une artiste de rue

Sa première expérience hors de chez elle fut en 2011 sur les murs du bureau de poste situé sur la corniche d’Assouan, les transformant en tableaux vivants inspirés du folklore nubien. « La réaction des gens et leur enthousiasme m’ont beaucoup encouragée à tel point que j’ai demandé l’autorisation aux responsables du gouvernorat de peindre sur d’autres murs et façades de bâtiments », dit Maha, en ajoutant qu’ils ont bien accueilli son idée et l’ont aidée avec les outils et les matériaux nécessaires. « Le gouvernorat m’a fourni un logement tem­poraire et des repas, car je me trouvais loin de chez moi. Pour exécuter mes peintures, il faut des jours et même des semaines pour terminer mon travail », raconte-t-elle. Et comme elle fait un grand travail artistique, Maha a formé un groupe d’amis, pour la plupart des cama­rades de classe, afin de l’aider. « Je leur ai enseigné comment dessiner et tenir les outils nécessaires. Et lorsque les passants voulaient participer à cet événement artistique, je les invitais à mettre la main à la pâte », poursuit Maha qui a ainsi transformé la rue en un atelier d’apprentissage.

Mais ce groupe n’a pas continué pour long­temps. Seul son collègue Ali Abdel-Fattah, diplômé de la faculté des beaux-arts à Louqsor, a continué à faire le travail avec elle. « Ali est le designer de toutes mes oeuvres ; nous tra­vaillons toujours ensemble », dit-elle.

Musée à ciel ouvert

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Des dessins folkloriques, non sans lien avec le milieu naturel de la ville.

Cette jeune fille ne rate aucune occasion à travers des initiatives pour réaliser des travaux d’embellissement. « Commence par ton quar­tier » est une initiative lancée par une ONG à Assouan, nommée Protégeons notre patri­moine, à laquelle elle a contribué en peignant les murs de 10 bâtiments au quartier Atlas. Al-Nouba Al-Gadida a aussi profité des pein­tures de Maha ; la plupart des maisons nubiennes ont été décorées par des peintures qui caractérisent cette ville : la nature, la vie des Nubiens, leurs tenues folkloriques, bref, toute la beauté de cette ville. « La décoration se faisait de manière académique sur les mai­sons, les bâtiments et les murs tout en utilisant des couleurs vives et joyeuses », explique Maha en racontant à quel point les habitants étaient heureux de constater ce changement. Et d’ajouter : « Toute la journée, ils ne cessaient de nous offrir à boire et à manger ».

En effet, l’art urbain ou Street Art est, à la fois, un mouvement artistique et un mode d’expression artistique. On peut le définir comme un dessin ou une inscription peinte, tracée ou gravée sur des biens publics ou pri­vés, sur des murs ou tout autre support qui n’est pas habituellement utilisé dans cette optique. Dans un article intitulé « Qu’est-ce que le Street Art ? », publié sur le site Guide artistique, on explique que ce type d’art existe depuis la fin du XXe siècle. Il regroupe toutes les formes d’art réalisées dans l’espace public et englobe diverses techniques telles que le graffiti, le pochoir, la mosaïque, le sticker, l’affichage et le collage.

A chaque endroit ses couleurs

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Dans son projet, Maha a passé outre les risques auxquels elle pouvait s’exposer dans la société conservatrice de la Haute-Egypte.

Comme à l’accoutumée, Maha ne s’arrête jamais, car ses ambitions sont sans limite. Après avoir pratiqué son art dans d’autres villes comme Le Caire, Marsa Alam, Al-Qosseir, Maha est passée aux écoles. « Je veux rendre l’école un endroit agréable et plein de vie pour les enfants. Les dessins doivent dépasser les murs de l’école et devenir un moyen d’appren­tissage », explique Maha qui a déjà exécuté son idée dans une école privée. « Le concept a été approuvé par les responsables de l’école Al-Salam, leurs réactions positives ont dépassé mes estimations, ce qui m’a incitée à vouloir étendre mon expérience. J’ai même tenté d’ex­pliquer des cours dans plusieurs matières en faisant des dessins sur les murs d’une classe. Quant à la cour de l’école, je l’ai transformée en un club sportif en dessinant les différents types de sport », ajoute-t-elle. Ayant étudié l’im­pact des couleurs et leur effet psychologique sur les gens, Maha sait choisir celles qui convien­nent aux écoles. Pour réaliser son objectif, elle ne cesse de présenter son idée à toutes les ins­tances concernées. « J’espère qu’elle sera approuvée et appliquée dans toutes les institu­tions éducatives et là, je pourrai dire que j’ai réalisé un de mes rêves les plus importants », souligne-t-elle.

Reste un autre projet qu’elle est en train de préparer avec l’encyclopédie Guinness. « Depuis l’annonce du président Abdel-Fattah Al-Sissi en 2019 de choisir Assouan comme capitale de la jeunesse et la culture africaine, je me prépare à exécuter le plus grand graffiti sur une montagne et l’enregistrer au Guinness World Records ».

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