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Le rendez-vous des amoureux du miel

Manar Atiya, Dimanche, 03 novembre 2019

La première Foire du miel d'Egypte vient de se tenir à Héliopolis, au Caire. L'occasion d'aller à la rencontre d'un secteur en plein développement et d'en savoir davantage sur le quotidien des apiculteurs et les vertus de ce précieux nectar.

Le rendez-vous des amoureux du miel
La Foire du miel a rassemblé 50 apiculteurs. (Photo  : Mohamad Abdou)

L’ambiance est festive et joyeuse au jardin du Merryland, à Héliopolis. Apiculteurs, producteurs et exposants ont veillé à mettre en valeur leurs étals pour accueillir les visiteurs de la première Foire du miel d’Egypte et du monde arabe, du 16 au 18 octobre. Ruche géante, dégustation de différents types de miel et produits dérivés ainsi que vente directe de l’apiculteur au consommateur, voilà ce qui attend les amateurs du précieux nectar.

Sur les stands, on peut voir des variétés de miel et de produits api­coles: de la cire d’abeille à la gelée royale en passant par la propolis (matière résineuse ou gommeuse que les abeilles récoltent sur les plantes et dont elles se servent dans la ruche, par exemple, pour boucher les fissures). Sont exposées égale­ment des bougies, des boîtes de pain d’épices et une variété de friandises fabriquées avec du miel. Un concours des meilleurs miels a ras­semblé apiculteurs, amateurs et pro­fessionnels. Une dizaine de jeunes femmes tenant chacune un plateau rempli d’échantillons de miel invi­tent les participants à goûter au pré­cieux liquide. Tout le monde est là pour tester plus de 45 échantillons. L’entrée est gratuite et il y a de longues files d’attente devant les stands de vente.

Le rendez-vous des amoureux du miel
Le miel est aussi un ingrédient incontournable dans le domaine des cosmétiques. (Photo : Mohamad Abdou)

Organisé par le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environ­nement, en collaboration avec le Conseil de l’Union économique arabe ainsi que la Banque agricole d’Egypte, l’événement, baptisé « Venez goûter », est célébré pour la première fois en Egypte. L’objectif est de valoriser les produits apicoles de différents gouvernorats, de pro­mouvoir les miels de montagne et d’initier les invités à la dégustation des miels et ses différentes saveurs. « Ce festival présente l’opportunité pour les visiteurs de connaître davantage le métier d’apiculteur et de tout savoir sur les produits de la ruche et ses dérivés comme le pol­len, la gelée royale et la propolis », explique l’ingénieur Fathi Béheiri, président de l’Union des ruchers arabes.

Miel « Made in Egypt »

Bien qu’il existe une diversité de miel en Egypte, le commerce du miel a besoin d’être boosté. Selon Fathi Béheiri, la production en Egypte varie entre 25000 et 30000 tonnes par an. On trouve le miel de luzerne, de fleurs d’orangers, d’anis, de carvi, de marjolaine, de nigelle, de banane, de sésame, de graines de tourne sol et d’herbes de montagne et aussi le miel d’eucalyptus, de thym ou de romarin. Pour redonner un élan au secteur, le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environ­nement ont décidé de tenir périodi­quement cette foire du miel pour encourager les apiculteurs et inciter les citoyens à consommer davantage de miel.

Le festival a rassemblé plus de 50 apiculteurs désireux de communi­quer leur passion. Ils sont venus d’Arabie saoudite, du Yémen, de Jordanie, d’Iraq, de Libye, de Tunisie et du Rwanda. « C’est une occasion de découvrir le monde des abeilles, qui fascine tout le monde, de permettre aux producteurs de miel de différents pays de se rencon­trer, d’échanger et de partager leurs expériences. L’objectif est aussi de faire connaître les différentes varié­tés de miel que nous produisons dans le pays », déclare Dr Mona Mehrez, vice-ministre de l’Agricul­ture, qui a inauguré l’événement.

L’idée d’organiser un tel festival en Egypte est venue de Fathi Béheiri. « Une étude faite récem­ment par l’Union des ruchers arabes indique que la consommation de miel en Egypte et dans les pays arabes varie entre 100 et 200 grammes par an et par personne, alors que les Européens en consom­ment un kilo par an », dit-il, en ajoutant qu’en Egypte, environ 25000 familles travaillent dans la production du miel, surtout dans le Delta du Nil et en Haute-Egypte. Cette foire est l’occasion pour tous les professionnels de cette filière de faire connaître leurs productions, d’analyser cet univers haut en saveur et en savoir, et d’attirer les consommateurs. Selon Fathi Béheiri, pour récolter un kilo de miel, les abeilles doivent butiner près de 800000 fleurs et parcourir 40000 km, et donc il faut apprécier le miel « Made in Egypt » à sa juste valeur.

Le rendez-vous des amoureux du miel

En Egypte, le miel est récolté depuis plus de 4000 ans. On en trouve les signes sur un certain nombre de fresques pharaoniques : abeilles, pots en terre cuite pour le stockage, cire et autres. Les Anciens Egyptiens utilisaient le miel en cui­sine et en cosmétique. Toutefois, on ne sait pas encore si les abeilles étaient domestiquées. Il est possible qu’il s’agisse de miel sauvage, récol­té dans un essaim trouvé en pleine nature. Il existait aussi toute une mythologie autour de l’abeille et du miel.

De la comptabilité à l’apiculture

Sur son stand, Amira, 55 ans, expose toute une variété de miels, allant de la couleur jaune pâle au brun transparent, selon les fleurs sur lesquelles les abeilles ont butiné. On trouve du pollen, de la propolis, des gâteaux au miel, des olives sucré-salé à base de miel, des carottes au miel et aux olives, de la vinaigrette au miel, des sablés à l’huile d’olive et au miel. Le tout à des prix abor­dables entre 50, 70 ou 100 L.E., le prix du kilo. Amira est là pour vendre non seulement des produits dérivés du miel, mais aussi d’autres confec­tionnés avec du miel. Elle n’hésite pas à donner aux nombreux visiteurs toutes les informations concernant le miel d’Egypte et ses bienfaits pour la santé. Par exemple, le miel de fleurs d’orangers est riche en zinc, manga­nèse, magnésium, calcium, potas­sium et sodium. Celui de la luzerne est conseillé aux sportifs pour ses bienfaits énergétiques. Il est égale­ment un excellent remède naturel contre la fatigue. Il facilite la diges­tion et le transit intestinal et est recommandé pour calmer les insom­nies. Le miel de bananes est riche en vitamine B et B6, tandis que le miel de marjolaine est réputé pour ses vertus calmantes et contribue à réduire les effets du stress. Durant les trois jours du festival, les visi­teurs présents n’ont pas manqué d’acheter plusieurs bocaux de miel aux nectars issus de différentes espèces végétales.

Amira a travaillé durant 30 ans en tant que comptable dans différentes sociétés égyptiennes. Il y a deux ans, elle a décidé de monter son propre projet en perpétuant le métier de ses ancêtres. C’est donc tout naturelle­ment que cette femme a commencé à suivre des cours sur la protection de la nature et, surtout, sur les abeilles. « J’applique des techniques étran­gères et je prépare des recettes fai­sant partie de la cuisine asiatique, italienne et marocaine », dit-elle.

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La foire a été l’occasion pour les visiteurs de découvrir l’apiculture et les produits dérivés du miel. (Photo : Mohamad Abdou)

Au jardin du Merryland, les api­culteurs en herbe découvrent les der­nières techniques en matière d’api­culture, que des apiculteurs chevron­nés leur révèlent. Un atelier est chargé d’orienter les femmes inté­ressées par l’apiculture et qui veu­lent lancer leurs projets dans ce domaine. Elles y reçoivent toutes les informations nécessaires pour élever des abeilles: température, taux d’hu­midité, niveau sonore. En général, ce sont des femmes issues de milieux modestes ou démunis et qui veulent améliorer leurs conditions de vie. Une autre équipe est, quant à elle, chargée de sensibiliser les enfants à l’utilité des abeilles. « Un tiers de l’alimentation mondiale dépend de la pollinisation, et sans abeilles, pas de tomates, de fraises, de courgettes, ou encore de pommes », explique Roaa Ahmad, directrice de la société privée chargée de la formation.

Si l’Egypte organise pour la pre­mière fois ce genre d’événement, cette même fête est déjà célébrée ailleurs dans le monde, surtout en automne — la meilleure saison pour acheter les reines des abeilles—, par exemple aux Etats-Unis, plus préci­sément en Californie, en France ou en Australie. « Pour protéger le patrimoine génétique des abeilles locales, l’Etat évite toutefois d’im­porter les reines pour éviter les maladies », indique Fathi Béheiri. Dans le monde arabe, la Syrie a elle aussi annoncé la tenue d’une foire du miel au mois de décembre.

Accumuler les connaissances

Le rendez-vous des amoureux du miel
Les élèves d’écoles pour personnes handicapées participent aux festivités en faisant des crêpes à base de miel. (Photo : Mohamad Abdou)

Afin d’encourager les jeunes à monter des projets dans le domaine de l’apiculture, la Banque agricole égyptienne accorde des prêts variant entre 10000 et 100000 L.E. pour les micro et petits projets, et entre 250000 et 50 millions de L.E. pour les projets de taille moyenne. Pour les grands projets, le prêt peut même atteindre les 200 millions de L.E. « J’ai commencé avec 25 ruches ; aujourd’hui, j’en possède 500 », dit Ramadan, qui possède une miellerie de 800 m2. Personne n’est apiculteur dans sa famille et il n’a pas fait d’études en agro-alimentaire; pour­tant, il a accumulé de nombreuses connaissances en apiculture.

Comme beaucoup de jeunes de son village, il a commencé à travailler à l’âge de 14 ans, d’abord comme aide-apiculteur, puis comme ouvrier apicole au sein d’une miellerie à Tanta. « Lorsque j’ai commencé à m’occuper d’un rucher, j’ai cru que je n’y arriverais jamais. Il fallait entretenir les ruches et s’occuper d’une colonie de 30000 abeilles. Et j’étais seul face à ces petites créa­tures qui contribuent à la pollinisa­tion des végétaux. Je n’étais pas préparé. Mais, à chaque fois, tout se passe bien », ajoute-t-il. Plus tard, Ramadan a fait de l’apiculture son métier, car c’est un travail rentable. En 2018, son gain avait atteint 30000 L.E. par saison; aujourd’hui, il est de 130000 L.E.

Mais l’élevage d’abeilles n’est pas si simple et le métier ne s’apprend pas du jour au lendemain. Vu que l’apiculture est un secteur promet­teur, les apiculteurs chevronnés voient la nécessité d’encourager les jeunes débutants, surtout ceux qui n’ont pas de proches qui exercent ce métier. « Notre rôle est de leur four­nir une assistance technique via des stages de formation pour leur apprendre comment faire de l’éle­vage d’abeilles, leur montrer com­ment fabriquer une ruche et soigner les abeilles en cas de maladies, tout en organisant des stages sur le mar­keting du miel », explique Ramzi Mahmoud, instructeur dans un centre apicole à Borg Al-Arab. Le secteur risque donc de connaître encore bien des développements au cours des prochaines années.

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