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Cancer du sein : Vers une prévention plus réussie

Dina Bakr, Dimanche, 29 septembre 2019

Le gouvernement vient de lancer, en coopération avec la société, une campagne de dépistage précoce du cancer du sein. Tournée.

Cancer du sein  : Vers une prévention plus réussie
La sensibilisation des femmes est une étape importante pour les inciter à se faire dépister.

« J’ai des jumeaux âgés de 5 ans et un troisième âgé de 2 ans et demi. Ils sont encore trop jeunes. Je dois être en bonne santé pour éviter de déstabiliser ma famille », confie Chahira Maher, 37 ans, femme au foyer. Cette femme a voulu se faire dépister pour se rassurer sur son état de santé. Sa mammographie a révélé une tumeur bénigne au sein. Il a fallu qu’elle passe un sonar pour savoir si elle doit subir ou pas une intervention chirurgicale. Chahira vit à Alexandrie, l’un des gouvernorats concernés par la première étape de la campagne. C’est suite à l’initiative présidentielle 100 millions de Santé, dont l’objectif était d’éradiquer l’hépatite C, qu’une nouvelle campagne de dépistage précoce du cancer du sein, intitulée Al-Maraa Al-Masriya Héya Séhat Masr (la santé de l’Egypte est la femme), a été lancée au début du mois de juillet. La première étape a duré 2 mois, englobant 9 gouvernorats: Qalioubiya, Alexandrie, Béheira, Damiette, Port-Saïd, Fayoum, Assiout, Marsa Matrouh et le Sud du Sinaï. L’objectif de cette campagne est de faire passer des tests de dépistage à 28 millions de femmes. 1030 médecins, infirmières et des assistantes sociales font partie du corps médical. Les dépistages ont lieu à partir de 18 ans dans les centres médicaux. « Les femmes sont invitées à assister à des séances de sensibilisation pour comprendre ce qu’est le cancer du sein. En fait, la catégorie d’âge comprise entre 18 et 35 ans est particulièrement ciblée », explique Ahmad Hassan, oncologue et membre du comité technique de la campagne présidentielle pour la santé de la femme.

Les fichiers des femmes dépistées sont enregistrés dans une centrale informatisée au sein du ministère de la Santé, pour que chaque femme soit au courant de sa situation médicale, et pour fournir aux médecins traitants tous les renseignements nécessaires qui peuvent les aider à guérir de cette maladie. Les résultats des examens sont enregistrés sur un logiciel placé sur le téléphone portable de la personne dépistée, et ce, pour qu’elle soit au courant de son historique médical. Ce logiciel donne des indications sur l'étape à suivre suivant chaque cas. Il rappelle également à la personne la date de sa visite chez le médecin ou celle des prélèvements sanguins.

Cette initiative, menée sous les auspices du président de la République, est permanente et disponible dans tous les centres médicaux. Mohamad Chaalane, président de la Fondation égyptienne de lutte contre le cancer du sein, et chef du département d’oncologie à l’Institut national des tumeurs, participe à l’organisation de cette campagne. « Nous avons pris contact avec certains pays comme l’Inde, le Canada et le Pérou où de telles campagnes ont eu lieu, et ce, pour éviter les fautes commises par le passé », explique Chaalane, qui précise que le ministère de la Santé avait lancé une campagne en 2007 contre le cancer du sein. 12 unités médicales mobiles étaient censées faire des tests de dépistage à 8 millions de femmes. Malheureusement, seules 400 femmes ont fait le dépistage, car la campagne n’a pas été suffisamment médiatisée. « En ce temps-là, je ne voyais ces véhicules mobiles que rarement dans la rue, et parfois au club. Et lorsqu’une personne du corps médical se présentait pour expliquer l’objectif de la campagne, les femmes prenaient peur. Elles n’avaient pas le courage de passer une mammographie », raconte Racha, 42 ans. Une autre femme affirme: « Mon amie, atteinte d’un cancer, a découvert sa maladie à un stade avancé, et ce cancer l’a emportée. J’ai été traumatisée, et c’est la raison pour laquelle je n’ai eu ni la force, ni le courage de me faire dépister lors de la première campagne ». Les années se sont écoulées et cette campagne n’a pas réalisé ses objectifs, alors que les équipements de chaque unité ont coûté 30 millions de L.E. « Cette fois, les unités mobiles sont destinées uniquement aux zones rurales isolées et dépourvues de centres médicaux », précise Chaalane. « En Egypte, le nombre de personnes atteintes du cancer du sein n’est pas élevé par rapport à celui des femmes qui vivent en Europe ou aux Etats-Unis. Mais le taux de mortalité est bien plus élevé ici », déclare Hassan, qui ajoute que cette campagne de dépistage permettra de détecter la maladie à un stade précoce, ce qui réduit les coûts exorbitants du traitement et donne de meilleures chances de guérison.

Idées préconçues

Cancer du sein  : Vers une prévention plus réussie
La nouvelle campagne de dépistage du cancer s’emploie à éviter les erreurs du passé. (Photo:Moustapha Emeira)

En fait, la Fondation égyptienne de lutte contre le cancer du sein avait été la première à lancer l’initiative de dépistage précoce du cancer à titre gratuit en 2004. Mohamad Chaalane explique qu’il a introduit une nouvelle culture, celle de faire comprendre aux femmes l’importance de détecter la maladie à un stade précoce, sinon, elles risquent leur vie. « Lorsque je suis rentré des Etats-Unis, je me suis demandé pourquoi les femmes ailleurs guérissaient du cancer du sein et chez nous elles en mourraient. En suivant certains cas, j’ai constaté que les femmes arrivaient souvent à un stade avancé de la maladie, ce qui réduit leurs chances de guérison », ajoute Chaalane. Ce dernier a remarqué que la notion de dépistage précoce de la maladie était quasiment absente en Egypte. C’est pour cela qu’il a créé la Fondation égyptienne de lutte contre le cancer du sein. Les débuts ont été difficiles, car la fondation devait changer la culture ancrée dans les esprits et certaines idées rétrogrades. Les femmes, surtout celles qui habitent dans les quartiers populaires, pensent qu’il est dangereux de passer un test de dépistage du cancer ! « Les femmes pensent que passer un test de dépistage est de mauvaise augure », rapporte Marie Fekri, membre de l’association Esnae Helmak (crée ton rêve). Située à Omraniya, cette ONG collabore avec la fondation égyptienne dans les campagnes de dépistage. La sensibilisation fonctionne aujourd’hui de bouche à oreille, surtout quand les gens annoncent le décès d’une personne très proche ou d’une voisine suite à un cancer du sein. Ce qui incite les femmes à faire un dépistage pour éviter de connaître le même sort. Marie raconte que 10 jours avant le début de la campagne dans le quartier de Omraniya, l’association a fait suspendre des pancartes et distribué des brochures aux femmes dans les églises et les mosquées. Quelques femmes ont participé à la séance de sensibilisation, ce qui a permis de les mettre en confiance. Elles en ont parlé à leur entourage, ce qui a incité d’autres à leur emboîter le pas. « Il y a 2 ans au sein de cette ONG, il n’y avait qu’une vingtaine de femmes qui se sont présentées pour passer le test de dépistage. Et lors de la dernière campagne, 120 femmes ont été examinées, sans compter celles inscrites en liste d’attente », révèle Marie. Actuellement, la fondation collabore avec 200 ONG. « Ces dernières années, le partenariat avec la société civile a donné lieu à une coordination fructueuse avec la Fondation égyptienne de lutte contre le cancer du sein », précise Ghada Moustapha, responsable de la communication à la fondation. Offrir des tests de dépistage gratuits dans les quartiers populaires et les zones rurales encourage évidemment les femmes à se faire dépister. « Il est difficile de convaincre les femmes analphabètes de faire un test de dépistage. Souffrir de la maladie est le seul motif pour se rendre chez un médecin. Et donc leur faire passer des examens cliniques et des radiographies à titre gratuit les encourage à le faire, surtout qu’une mammographie coûte ailleurs environ 1000 L.E. », ajoute Ghada.

Les centres médicaux initient les femmes au procédé de l’autopalpation pour détecter toute anomalie. La fondation conseille aussi aux femmes de suivre des habitudes alimentaires saines pour prévenir la maladie, comme la consommation de fruits et légumes et le fait de boire suffisamment d’eau. « Sensibiliser les femmes est indispensable, personne ne peut faire le test de dépistage avant de suivre nos conseils et apprendre comment mener une vie saine. Atteintes ou pas du cancer, nous voulons élargir les connaissances des femmes sur la maladie », souligne Chérine Khalil, praticienne à la Fondation égyptienne de lutte contre le cancer du sein. Depuis sa création en 2004, 93 533 femmes ont passé des tests de dépistage, dont 10% seulement avaient des tumeurs malignes.

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