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S’épanouir par la musique

Dina Bakr, Jeudi, 05 juillet 2018

Moyen de se détendre pour les uns, de se distinguer pour les autres, la musique attire de plus en plus d’Egyptiens tous âges confondus. Tournée dans les écoles de musique du Caire.

S’épanouir par la musique
L’apprentissage de la musique peut se faire à n’importe quel âge.

« J’apprends à jouer au piano depuis un an. Concilier ma vie d’étudiant et d’apprenti musicien n’est pas toujours facile, mais j’essaye de consacrer une heure par semaine à l’apprentissage de cet instrument. Cela permet de casser la routine du quotidien et depuis, mes capacités de concentration se sont améliorées, car la musique atténue le stress, surtout que mes études à la faculté d’ingénierie sont difficiles », commente Mohamad Omar, 21 ans, étudiant en 3e année. Il explique que la musique lui sert d’échappatoire et lui permet de créer un espace commun avec ses proches. Sa soeur et ses deux cousins jouent à la flûte, à la guitare et au piano. Ensemble, ils improvisent des morceaux de musique en combinant des sons à l’aide d’instruments à cordes et à vent. « La musique a créé un terrain d’entente entre 4 personnes dont les caractères sont différents. Lorsque je les ai entendus jouer, j’ai été séduit par le résultat », affirme Ahmad Salah, propriétaire du centre Maqam (concert) pour l’apprentissage de la musique.

S’épanouir par la musique
L’apprentissage de la musique peut se faire à n’importe quel âge.

Cet instructeur a une façon particulière d’enseigner la musique. Tout d’abord, il s’entretient avec chaque élève pour savoir ses attentes, puis il choisit la méthode d’enseignement qui lui convient. « Avant de m’inscrire à Maqam, j’ai suivi des cours dans un autre centre pendant 6 mois. La différence est qu’ici, on n’éprouve aucune difficulté à s’initier à un instrument de musique. De plus, on enrichit nos connaissances en matière de musique, car notre instructeur nous parle de l’histoire de la musique et de l’art musical. Il prend du temps avec chaque élève et ne se soucie guère de la durée du cours. Une technique pédagogique qui rapproche le formateur de ses élèves et facilite l’apprentissage de la musique. Dans ce centre, on n’apprend pas uniquement à lire des partitions, à jouer à un instrument, mais aussi à faire la comparaison entre divers genres musicaux. L’objectif des cours est de développer et d’enrichir notre culture musicale », affirme Lobna, étudiante à la faculté de médecine dentaire. Dans une ambiance paisible et sous une lumière légèrement tamisée et relaxante, Maqam reçoit ses visiteurs. Sur l’une des portes du centre, on peut lire une citation du célèbre écrivain britannique Shakespeare dans sa pièce The Twelfth Night. « If Music be Food of Love, Play on » (si la musique nourrit l’amour, faites-en).

Chaque espace à Maqam illustre cette passion pour la musique. Les instruments sont placés soigneusement comme s’ils étaient rangés dans un musée. Des instruments à cordes, à vent et à percussion sont disponibles durant la formation pour ceux qui n’en possèdent pas. Les murs et les portes sont recouverts d’isolants pour réduire les émissions de sons et ne pas déranger les autres élèves se trouvant dans les salles avoisinantes.

Les bienfaits de la musique

S’épanouir par la musique
L’institut Kithara loue une salle de théâtre à Héliopolis pour donner la chance aux amateurs de jouer leurs morceaux de musique en public.

Maqam n’est pas le seul endroit spécialisé pour l’apprentissage de la musique, il en existe une quinzaine, publics et privés, au Caire et qui délivrent des certificats aux élèves après leur initiation à un instrument. Kithara (harpe) est l’un de ces centres. Il possède 38 branches en Egypte, comptant 10 000 étudiants. « Très jeune, j’ai fait partie d’une chorale dans une église située dans le quartier où j’habite. L’amour de la musique m’a poussé à transmettre mes connaissances musicales aux autres. J’ai étudié la musique dans une faculté pédagogique où j’ai pu acquérir une culture musicale dont je veux faire profiter d’autres personnes intéressées par ce domaine », dit Karam Malak, directeur de Kithara, qui explique pourquoi la musique est devenue très importante dans sa vie. « On n’a jamais entendu dire qu’un musicien s’est transformé en terroriste. La musique purifie l’âme et rend la personne plus douce, plus calme et donc incapable de commettre des actes de violence », souligne Malak. Ce dernier n’apprécie pas les parents qui poussent leurs enfants à pratiquer un sport de défense et négligent le côté spirituel. Car la musique provoque des sensations sous l’effet des vibrations et l’harmonie des sons et contribue au bien-être de leurs chérubins.

Selon le magazine Khatwa (un pas) dépendant du Conseil arabe de l’enfance et du développement, la musique permet de découvrir le patrimoine culturel et artistique de chaque pays. Ecouter les genres musicaux des différents pays est un enrichissement personnel qui aide à mieux connaître autrui. Voyant l’importance de la musique et son influence sur les êtres humains, Malak trouve regrettable que le ministère de l’Education attache peu d’importance à l’enseignement de la musique dans les écoles. « Bien que cette matière figure dans le programme scolaire, la densité des cursus pousse les responsables des établissements à remplacer le cours de musique par des cours de mathématiques ou de sciences pour terminer le programme », lance-til. Malak tente, par l’intermédiaire de l’institut Kithara, de compenser l’absence de cours de musique dans les écoles. Dans ce contexte, Kithara organise chaque semaine de petits concerts, une manière de tester les élèves et aussi de montrer que ces musiciens en herbe jouent avec dextérité et peuvent avoir un public qui s’intéresse à leur musique. « Depuis que mon fils joue de la musique, il est devenu plus sociable et plus mâture », dit la maman de Sabri.

Son fils prend des cours de musique depuis 4 ans. Aujourd’hui, il a 12 ans et joue à plusieurs instruments à percussion. Sa maman, qui est une femme active, fait tout son possible pour l’accompagner aux cours, car elle a constaté que son fils avait pu vaincre sa timidité et n’avait peur de rien. « Il existe plusieurs types d’intelligence, entre autres l’intelligence émotionnelle et l’intelligence scientifique. L’intelligence musicale englobe tout. La musique développe la mémoire, augmente les capacités mentales et fait travailler tous les lobes du cerveau », affirme Ahmad Salah. Détenant un magistère en musicologie, il a lutté pour apprendre la musique lorsqu’il était jeune. Il la trouve indispensable comme l’air que l’on respire. Mais si l’apprentissage de la musique est une échappatoire pour les uns, pour d’autres, c’est un moyen de se distinguer.

S’épanouir par la musique
L’institut Kithara loue une salle de théâtre à Héliopolis pour donner la chance aux amateurs de jouer leurs morceaux de musique en public.

Sondosse, 11 ans, apprend à jouer au qanoun (instrument à cordes oriental, souvent joué par des hommes). « La plupart des élèves choisissent comme instruments le piano, la guitare, le violon ou la flûte, j’ai voulu être différente des autres, j’ai préféré le qanoun », dit Sondosse. Elle ajoute : « J’ai beaucoup aimé la position du qanoun, qui est au centre de l’orchestre. Cet instrument est primordial pour un orchestre oriental ». Elle adore le style de musique de Waël, le maître du qanoun à l’institut. « Sondosse a commencé à jouer du qanoun, à l’âge de 8 ans. Dès le premier cours, elle a appris à lire et à écrire les notes de solfège, alors que d’autres élèves mettent beaucoup plus de temps pour les apprendre », avance son professeur Waël. Aujourd’hui, elle est capable de jouer des morceaux de musique et des chansons de grandes célébrités comme celles de Abdel-Halim Hafez, Oum Kalsoum et Mohamad Abdel-Wahab.

Et si dans ce centre la plupart des enfants veulent apprendre la musique pour développer leur ouïe ou augmenter leurs performances, les plus grands sont prêts à changer de carrière et veulent devenir des musiciens. « Mon grand-père maternel jouait au violon tout en travaillant dans la fonction publique. Mon rêve est de pouvoir exercer le métier de musicien. J’attends une opportunité pour me lancer dans le monde de la musique », dit Sara Saïd, 27 ans, comptable. Elle confie que le dernier concert du pianiste Omar Khaïrat, à Dubaï, l’a éblouie.

Elle trouve qu’il joue merveilleusement bien au piano. « Son expérience, l’habileté de ses gestes ainsi que ses mélodies imposent le respect. Le fait de transporter les auditeurs au septième ciel me plaît beaucoup », dit Sara, qui a l’intention de changer de carrière. « Le sentiment que j’éprouve en jouant de la darbouka est indescriptible, je me sens gonflée d’énergie. Le trac et le stress disparaissent dès que je suis devant le public et je ne me concentre que sur mon instrument pour arriver à suivre les autres musiciens », ajoute Sara, qui trouve que la darbouka libère les énergies négatives. Sa mère, qui a une oreille musicale, la soutient fortement. Elle réécoute les morceaux de musique enregistrés par sa fille sur son portable. C’est au Centre de l’enfant pour la culture et la créativité à Héliopolis que l’institut Kithara loue la salle de théâtre pour donner l’opportunité aux élèves de jouer devant le public.

Les billets se vendent sur place ou dans les locaux de l’institut. Beaucoup de gens viennent pour écouter les morceaux de musique ou les chansons des années 1980, interprétés par les élèves. Et même des classiques que les spectateurs réclament comme Alf Leila wa Leila (les mille et une nuits) de la diva Oum Kalsoum. Le public est présent, il est plus nombreux que les chaises contenues dans la salle. Plusieurs spectateurs écoutent avec plaisir et les plus jeunes se dandinent au rythme de la darbouka tout en applaudissant fortement. Karam Malak tient un dépliant à la main qui mentionne le programme de la soirée. Ce qui frappe les yeux, c’est que les élèves se comportent comme des musiciens professionnels et ne transgressent pas les normes régissant la tenue vestimentaire, le maquillage et la coiffure. « Vivre l’expérience musicale jusqu’au bout pourrait aboutir à la naissance d’une nouvelle génération d’artistes hors normes », conclut Malak.

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