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Tendance sociale: Mon café, mes semblables

Dossier réalisé par Dina Darwich, Mardi, 07 mai 2013

Chaque groupe ou catégorie de la population a son propre café. Une manière de se réunir avec ceux qui nous ressemblent. Mais ce phénomène est surtout révélateur de la division que vit la société depuis la révolution.

mon cafe

Un café pour les salafistes, un autre pour les activistes libéraux ou de gauche, un troisième pour les athées ... la liste ne cesse de s’allonger. Il y en a même pour les femmes uniquement, les sourds-muets ... Aujourd’hui, chaque tendance politique a son café, un lieu de rencontre en rapport étroit avec ses idéologies.

Une tournée dans la capitale donne l’impression que chaque courant politique a son propre café autour duquel se forgent ses propres idées. « Certains cafés ont toujours montré leur appartenance politique comme ce fut le cas avec le café Isavitch dont le propriétaire était un Serbe fidèle à la gauche. Ce café situé au centre-ville accueillait les marxistes. C’était également le lieu de prédilection des étudiants qui venaient dénoncer la politique de l’ancien président Anouar Al-Sadate en 1971 », raconte le journaliste Abdel-Rahman Mostafa, spécialiste en histoire urbaine.
Ce café n’a pas manqué d’inspirer le célèbre poète Amal Donqol qui a composé des vers sur ce mouvement politique de l’époque. Aujourd’hui, il suffit de faire un tour dans la capitale pour découvrir la diversité de ces cafés autour desquels se retrouvent les Egyptiens de toutes les classes.
« Mais chaque catégorie a tendance à s’isoler. Ce nombre important de cafés signifie que le fossé entre les tendances politiques et sociales est en train de s’élargir. Comme si chaque catégorie préférerait s’adresser seulement aux personnes qui partagent les mêmes opinions qu’elle », avance Chérif Al-Roubi, porte-parole du mouvement du 6 Avril.

Cette diversité prouve que la société est en train de muer. Abdel-Rahman Youssef, journaliste et chercheur, s’interroge : « Quelle est la référence de la société ? Quelle est la nouvelle méthode de sa restructuration ? Le café qui fait partie du patrimoine populaire représente une incarnation géographique des changements actuels ».

Le phénomène des cafés « clubs » n’est pas nouveau. Le café Istanbilos était à l’époque le lieu des rendez-vous des juifs d’Egypte. C’est là où ils se retrouvaient pour discuter de leurs problèmes et de la colère qui montait contre eux suite à l’agression tripartite de 1956.
« Sous Moubarak, le régime se donnait le rôle de sauveteur des citoyens, toutes tendances confondues, y compris les islamistes. Après la révolution, chaque courant a voulu se détacher de la tutelle de l’Etat en affirmant ses propres idées. Le café est devenu le fief de ce marché aux idées », poursuit Youssef.

Cette diversité de cafés reflète aussi un conflit de générations. Les jeunes d’aujourd’hui préfèrent se cantonner dans leur propre univers : à chacun son café ! Les blogueurs ont aussi leur propre café qui reflète les aspirations de leur génération, plus ouverte sur le monde extérieur. Les cybercafés, plus modernes, se multiplient. Des groupes de blogueurs qui partagent les mêmes opinions se regroupent dans les mêmes lieux. «

Ces jeunes sont très attachés à certains cybercafés et aux cafés situés aux alentours de la Bourse », décrit Marianne Nagui, journaliste chez Reuters et fascinée par les cafés.

Des cafés réservés aux femmes ont aussi fait leur apparition. Aujourd’hui, ces cafés poussent comme des champignons, donnant aux femmes un coin où elles peuvent se retrouver ensemble et papoter sans être dérangées.
« Ce changement reflète une nouvelle culture qui est en train de s’instaurer dans la société. Cette division prouve à quel point notre société est partagée en groupes qui ne parviennent plus à coexister », conclut Marianne Nagui.

rsquo;rsquo;agression tripartite de 1956.

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