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Voyage : Du grand luxe égyptien sur les rails

Manar Attiya, Dimanche, 01 novembre 2015

Pour rallier Le Caire à la ville d'Alexandrie, les voyageurs peuvent mainte­nant emprunter le premier train de luxe de fabrication égyptienne. 212 wagons doivent être mis en cir­culation pour servir d'autres lignes.

Voyage : Du grand luxe égyptien sur les rails
(photo : Mohamad Abdou)

Pour la première fois en egypte, un train reliant Le Caire-Alexandrie propose un service haut de gamme. Wagon-restaurant, infirmerie et connexion wi-fi, en plus bien sûr de la climatisation sont désormais proposés aux voyageurs depuis l’été dernier. Outre le confort des sièges avec de larges accoudoirs, chaque wagon est doté de toilettes avec lavabos soignés, savonnettes et serviettes. Dans ce train, il est interdit de fumer, y compris dans le wagon-restaurant. Tandis que des caméras de surveillance y sont installées.

C’est Ahmad Hamed, président de l’Organisme national des chemins de fer, qui a eu l’idée de ce train VIP il y a un an, dans le cadre du plan de réforme du ministère du Transport pour améliorer les services des chemins de fer en Egypte. « Nous avons mené une étude dans plusieurs trains où les passagers nous ont fait part de leurs espoirs de voir un jour nos trains ressembler à ceux d’Europe », relate Ahmad Hamed, président de l’Organisme national des chemins de fer. Les responsables ont fait leur possible pour réaliser les aspirations des voyageurs. 212 wagons haut de gamme sont en construction, et seront mis en circulation avant le mois d’août 2016.

Voyage : Du grand luxe égyptien sur les rails
Ce train est l’un parmi 212 autres qui vont rentrer en service en août 2016. (photo : Mohamad Abdou)

Ces trains sont sans arrêt entre les deux gares, sauf celui reliant Le Caire à la Haute-Egypte mis en service la semaine dernière. Ce dernier s’arrêtera à Assiout, Nag Hammadi, Louqsor et Assouan. Pour cette ligne, le billet coûtera entre 135 et 235 L.E. (1re classe) et entre 85 et 135 L.E. (2e classe), suivant la destination finale. De manière générale, il faudra présenter sa carte d’identité dont le numéro sera mentionné sur le ticket. Et pour éviter la vente au marché noir, impossible d’acheter plus de quatre billets par personne. Autre nouveauté, une ligne de téléphone (012 20 00 88 06/07) est disponible pour aider les voyageurs en cas de difficultés.

Dans ce projet, l’Etat a investi 2,1 millions de L.E. et mobilisé plus de 5 000 ouvriers. Les locomotives et les wagons sont fabriqués entièrement par l’Organisme arabe d’industrialisation avec la collaboration de plusieurs secteurs industriels publics et privés et d’experts de l’Organisme national des chemins de fer. Il est prévu une livraison de deux trains tous les deux mois.

Ce train VIP reste toutefois destiné à une clientèle relativement aisée. « Je me sens en Europe et non en Egypte. Les wagons sont modernes et les sièges d’un grand confort. Quant au service, il est impeccable. De plus, ce train est rapide : 208 km en deux heures, c’est un exploit en Egypte », dit Abdel-Samad, un voyageur dans le train VIP le menant du Caire à Alexandrie. Ce père de famille, sa femme et ses trois enfants utilisent souvent le rail pour atteindre la ville côtière. Mais pour la première fois, ils profiteront de la vitesse pour passer un week-end plus long dans cette ville. Ils sont partis un jeudi à 15h et reviendront au Caire, dans le même train, le samedi suivant à 19h30. Des horaires sur lesquels Noha, employée et mère de famille, émet quand même quelques réserves. « Ils auraient pu choisir d’autres horaires. Si je veux faire l’aller-retour à Alexandrie en voyageant dans ce train, c’est impossible puisque le départ du Caire est à 15h. Le seul avantage est donc que ce train est rapide et direct. Les horaires ne m’arrangent pas ».

Serveurs à pied d’oeuvre

Voyage : Du grand luxe égyptien sur les rails
Un wagon-restaurant au style ancien rappelle les films en noir et blanc. (photo : Mohamad Abdou)

Avec une vitesse de pointe de 120 km/h, ce nouveau train VIP transporte un maximum de 420 passagers. Dans le wagon-restaurant, les serveurs en uniforme sont à pied d’oeuvre. C’est au chef de salle de faire le tour des dix tables pour prendre les commandes. Des familles y sont attablées ainsi que d’autres voyageurs, tous âges confondus. Certains ont commandé des repas chauds, d’autres, des sandwichs ou des pizzas et quelques boissons. Nader, issu de la classe aisée, a passé une fête religieuse avec sa famille native d’Alexandrie. Il est fasciné par ce nouveau train. « Ce wagon-restaurant me fait rappeler le style de train de jadis que l’on voyait dans les films égyptiens en noir et blanc des années 1950 et 60 comme Nahr Al-Hob (fleuve de l’amour) avec Omar Al-Chérif, Mawëd Gharam (rendez-vous d’amour) avec Abdel-Halim Hafez, Faten Hamama, ou encore Sayédet Al-Qétar (la dame du train) avec Laïla Mourad », commente Nader, heureux de faire le voyage dans un grand confort.

L’histoire des chemins de fer en Egypte est ancienne, puisque c’est le deuxième pays au monde, après la Grande-Bretagne en 1820, à s’en être doté. Après l’invention des locomotives à vapeur en Angleterre, une compagnie anglaise propose à Mohamad Ali pacha de construire la première ligne ferroviaire d’Egypte, reliant Alexandrie à Suez. Un projet d’abord rejeté. Mais le khédive Abbas accepte ensuite de construire une ligne entre Le Caire et Alexandrie de 209 km, puis une seconde Le Caire-Suez. Le 23 septembre 1852, l’Egypte inaugure ainsi la première ligne de chemins de fer sur le continent africain. Le trajet qui durait deux jours entre Le Caire et Alexandrie passe à 7 heures seulement.

Aujourd’hui, le prix du billet aller simple pour cette ligne VIP coûte 100 L.E. (1re classe) et 70 L.E. (2e classe), soit 13 et 9 dollars. Wafaa Abdou, qui habite la cité Réhab, à l’est du Caire, confie avoir eu un billet facilement, sans faire la queue au guichet. « Je pense que le prix est abordable. Si je prends le bus, c’est 60 L.E. et 50 LE en microbus, mais avec les risques de la route en plus. Sans compter les embouteillages. Alors je préfère payer 40 ou 50 L.E. de plus et voyager dans le confort », poursuit-elle, en précisant qu’elle gare sa voiture sur la place Ramsès au Caire, juste devant la gare. Elle va rendre visite à une amie malade. Elle compte prendre ce même train pour revenir au Caire.

Voyage : Du grand luxe égyptien sur les rails
Ce moyen de transport rapide est surtout destiné à une clientèle aisée. (photo : Mohamad Abdou)

Héba Sami, universitaire au Caire, est assise en 2e classe. Elle lance : « En vérité, les responsables n’ont pas réussi à résoudre le gros problème de la perte de temps dans les embouteillages. Si j’arrive à Alexandrie en deux heures, il me faut deux autres heures pour arriver à ma destination finale dans la ville ». Et d’ajouter : « Mais tout ce que je souhaite, c’est que ce train reste en bon état, sans subir les dégradations pour manque d’entretien. Par exemple, le train normal, dont le billet en 1re classe coûte 35 L.E. et en 2e classe 15 L.E., est aujourd’hui dans un piteux état. Les cafards et les souris courent partout, et la climatisation ne fonctionne plus. Sans compter les odeurs et l’épaisse couche de crasse qui recouvre sièges et wagons ».

Un aspect que les responsables du ministère du Transport et de l’Organisme national des chemins de fer n’ignorent pas. Ils ont aussi le projet de moderniser les trains mis en service depuis plus de 35 ans. « On a prévu de restaurer 3 199 wagons dont 795 climatisés. 1 039 wagons pour les longs trajets et 1 365 wagons pour les petites distances. On va restaurer les 816 locomotives dont la plupart ont dépassé les 25 ans. Tout cela sera modernisé avant le mois d’août 2016 », conclut le ministre du Transport .

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