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Des femmes sur le chemin de l’autonomie

Dina Bakr , Mercredi, 25 mai 2022

Autonomiser les immigrantes en situation précaire en leur offrant une formation, tel est le but d’un projet conjointement parrainé par le Conseil national de la femme, le gouvernement japonais et Onu Femmes. Focus.

Des femmes sur le chemin de l’autonomie
De la minutie et de la patience sont nécessaires pour la confection du chocolat artisanal.

C’est le moment de détecter les défauts survenus au cours du processus de fabrication. Quelques morceaux de chocolat sont posés sur une grande table dans l’atelier cuisine où le contrôle de la température est régulé par un système de climatisation qui assure non seulement un refroidissement, lorsqu’il fait chaud, mais aussi une déshumidification de l’air. On se croirait dans un laboratoire. Une hygiène irréprochable et des élèves en blouses blanches portent des gants et des masques. Chacune est équipée d’un thermomètre de poche pour contrôler la température du chocolat.

Mervat El-Dessouky, maître chocolatière et enseignante, intervient en mettant en exergue les défauts de fabrication. Elle a rassemblé les morceaux de chocolat qui présentent des anomalies pour expliquer aux élèves comment les éviter. « Ces morceaux sont mangeables mais ils ne peuvent pas être emballés à cause des erreurs commises lors de la dernière étape de fabrication », explique Mervat. Et d’ajouter : « Un chef chocolatier doit reconnaître les différentes imperfections pouvant survenir au cours du processus de fabrication et les éviter ». Tenant à la main un carré de chocolat portant des taches blanches, elle demande aux cheffes en herbe si elles peuvent savoir la raison. Elles répondent que c’est à cause de la température élevée, car pour rendre le chocolat liquide, il ne faut pas dépasser les 31 degrés. Mervat prend un autre morceau de chocolat en forme de coeur qui présente une fissure sur le côté. Elle explique que ce défaut survient lorsqu’on n’a pas bien secoué le moule après le remplissage du chocolat fondu. La dernière remarque concerne un morceau de chocolat qui ne brille pas car le moule n’a pas été bien nettoyé avant le remplissage. Les différents dialectes arabes utilisés par les élèves pour converser avec la cheffe laissent deviner que ces femmes sont originaires d’autres pays arabes, dont le Soudan, la Syrie, le Yémen et la Jordanie. C’est en effet là l’une des formations offertes aux femmes immigrantes.

Différentes formations

Confectionner du chocolat comme des chefs professionnels n’est pas la seule formation par apprentissage dans cet atelier. On peut apprendre la couture, la peinture sur tissus, la confection de sacs en cuir et même la fabrication de jouets pour enfants en tissu, une branche qui intéresse certaines élèves ayant déjà acquis une expérience de travail pertinente ailleurs leur permettant d’intégrer le marché du travail. Dans ce contexte, le Conseil national de la femme a créé une antenne à Guiza pour accompagner les projets qui visent à l’autonomisation économique de la femme, et ce, en ouvrant un atelier cuisine.

L’initiative en faveur de l’autonomisation économique des femmes immigrantes mais aussi égyptiennes est soutenue et financée par le gouvernement japonais, en coopération avec le Conseil national de la femme, Onu Femmes et le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHCR). « Lancé en 2018, le projet a pour objectif de promouvoir l’autonomisation économique des femmes migrantes et égyptiennes par le biais de programmes précis, leur permettant de développer leurs compétences via la formation tout en leur fournissant les services nécessaires pour pouvoir lancer leurs propres projets », explique un responsable au bureau régional des Nations-Unies pour la femme en Egypte. Et de souligner que ce projet réalise les premier et cinquième objectifs de développement durable, à savoir éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde à travers la contribution à l’autonomisation économique de la femme. Et ce, pour réduire les inégalités entre les deux sexes et améliorer les revenus de la femme.

A chacune ses dons

Une semaine de formation est largement suffisante pour permettre à ces femmes d’acquérir les connaissances nécessaires et améliorer leurs aptitudes. « La durée de formation semble courte. Mais, dès le premier jour, on donne une idée théorique du travail auquel on aspire, puis on se lance tout de suite dans la pratique. J’ai remarqué que les Yéménites sont perspicaces et captent vite les techniques de fabrication. Plusieurs d’entre elles ont suivi des stages de formation ailleurs, liés plus ou moins au domaine de l’artisanat », commente Nosha Yehia, qui fait des dessins à la main sur des tissus servant à fabriquer des sacs, des taies d’oreillers, des robes ou des foulards. Elle précise qu’au cinquième jour de la formation, les stagiaires avaient largement progressé à comparer avec le premier jour. « Et même si le mètre de tissu pour sacs coûte 38 L.E. et les tubes de peinture de différentes couleurs sont importés, le coût de la production est abordable, ce qui assure la continuité du travail tout en tirant profit », indique Nosha. Elle ajoute que les Soudanaises savent tenir correctement un pinceau et remplir le vide laissé sans dévier, et ce, grâce à leur familiarisation avec le tatouage au henné.

Nour Al-Cham est une Soudanaise de 26 ans douée pour les tatouages au henné. Elle a choisi de se lancer dans la fabrication des sacs en tissu imprimés de différentes couleurs. « Le Conseil national de la femme nous a offert gratuitement une machine à coudre pour compter sur nous-mêmes et continuer à faire notre travail. J’ai déjà fixé les prix des sacs suivant la taille et le nombre de tubes de peinture utilisés », déclare Nour Al-Cham. D’après les critères mentionnés cidessus, les prix varient entre 150 et 300 L.E. Cette jeune fille a déjà suivi des stages par le biais d’un groupe WhatsApp d’immigrantes. Etrangère, célibataire, vivant seule, elle n’arrive pas à élargir le cercle de ses connaissances. Elle compte sur ses voisines, des Soudanaises et des Erythréennes qui vivent dans le même immeuble où elle habite à Haram, pour pouvoir écouler ses articles.

Apprendre à vendre

Le Conseil national de la femme et Onu Femmes invitent ces femmes à exhiber leur production lors des expositions de Dyarna et Turathna ou à participer à des expos tenues en marge de conférences. « Ces expositions nous ont permis d’apprendre comment communiquer avec les clients, les convaincre et discerner leurs réactions. Ce qui nous aide à définir leurs préférences et leurs goûts et faire de notre mieux pour les satisfaire », souligne Nour, une Jordanienne qui confectionne des chocolats. Elle espère créer sa marque — des chocolats personnalisés et créatifs — et plus tard ouvrir une boutique. Mais elle attend que les commandes soient plus importantes pour augmenter ses revenus et avoir un bon capital pour ouvrir un commerce.

Mais si certaines arrivent à vendre leurs produits grâce à des connaissances, d’autres espèrent qu’un mécanisme sera mis en place après l’apprentissage leur permettant d’agrandir leur business. « Avoir une page de marketing électronique sur le réseau de communication sociale exige de verser au début une somme de 2 000 L.E. pour sa création, et il nous incombe de préciser les endroits que l’on cible, le type de clientèle, la tranche d’âge et d’autres facteurs pour pouvoir écouler notre production et continuer à fabriquer nos articles », énumère Liza, une Yéménite, qui fait du dessin et coloriage sur tissu. Elle habite à Choubra et a des problèmes pour écouler la marchandise. Les commerçants installés dans son quartier n’achètent pas les articles artisanaux car d’après eux, c’est cher.

Alors pour continuer à dessiner, fabriquer des modèles et pouvoir les vendre, Mona, une Soudanaise, propose qu’on crée une entreprise ou n’importe quelle autre entité capable d’acheter les articles en tissus imprimés, les sacs ou d’autres objets pour ensuite les revendre. Ce qui pourrait garantir la stabilité de ses revenus et lui permettre de continuer à fabriquer ses modèles dans des conditions plus sereines. Par ailleurs, le Conseil national de la femme prévoit des stages de marketing pour que les élèves apprennent comment commercialiser leurs produits et les vendre.

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