Al-Ahram Hebdo : Les Soudanais vous considèrent comme la vraie mère du football féminin au Soudan. Pourquoi ?
Mervat Hassanein : Je ne suis vraiment pas la créatrice du foot féminin soudanais, mais j’ai joué un rôle dans l’intégration du foot féminin dans les activités de la Fédération soudanaise de football. Le football féminin au Soudan a été lancé à l’initiative d’un certain nombre de jeunes femmes au début des années 2000. Elles ont créé en 2001 une équipe nommée « Le Défi » dans une école de filles qui s’appelle « Camboni ». Le nom « Le Défi » a été choisi en raison du défi que représente la création d’une équipe de foot féminin dans une société aussi conservatrice. Cette équipe était dirigée par la grande joueuse et entraîneuse de foot féminin Sarah Edward. En 2015, une autre équipe féminine a été créée : il s’agit de l’équipe « Les artilleurs », dirigée par Aisha Mohamed Ibrahim. Ensemble, les deux équipes ont pris des initiatives spéciales pour intégrer le football féminin au Soudan malgré l’absence de toute activité officielle en ce sens, à cause des restrictions auxquelles la Fédération soudanaise était confrontée à l’époque. L’organisation d’activités de football féminin n’était pas autorisée à cette époque.
J’ai soutenu l’idée d’établir officiellement le football féminin au Soudan avant d’être élue au conseil d’administration, et c’était en tant que bénévole en 2015, lorsque j’ai formé une équipe de travail bénévole qui réunit un certain nombre de cadres féminins travaillant dans d’autres sports, loin du football et des filles diplômées de la faculté d’éducation sportive au Soudan. Cette équipe de travail a eu le soutien de la Fédération soudanaise de football. Avec les deux équipes, « Le Défi » et « Les artilleurs », nous avons commencé à créer des équipes de foot féminin au sein des universités. Avec le soutien de la Fédération soudanaise de football, nous avons pu organiser un championnat à 5 avec la participation de 6 équipes féminines, dont 3 équipes universitaires.
— Et comment avez-vous pu rejoindre la Fédération soudanaise de football ?
— Après avoir ajouté un amendement aux statuts de la fédération en 2017, qui exige qu’il y ait une femme parmi les membres du conseil d’administration de la fédération, j’ai été élue aux élections fédérales en 2017 pour devenir le premier membre féminin dans l’histoire de la Fédération soudanaise de football. Intégrer le foot féminin au Soudan était toujours mon rêve. Devenant membre fédéral, l’un de mes grands objectifs était d’intégrer le football féminin d’une manière officielle dans le calendrier des activités de la fédération.
— Etant le seul membre féminin de la Fédération soudanaise de football, les autres membres hommes étaient-ils coopératifs avec vous ?
— Oui, ils m’ont beaucoup aidée. En janvier 2018, j’ai eu le feu vert des membres du conseil d’administration pour créer un comité de football féminin composé de tous les membres de l’équipe de bénévoles que nous avons fondée trois ans plus tôt. Le comité a élaboré des plans et des programmes pour tenter de mettre en place les bases de l’organisation d’une activité de football féminin au Soudan supervisée par la Fédération soudanaise de football. A la fin de la même année, nous avons organisé des cours de formation pour un grand nombre d’entraîneurs féminins et des séminaires sur le football féminin et son importance. Puis, avec le support de la Fédération soudanaise, de la Caf et de la Fifa, nous avons lancé le plan d’action pour la première Ligue de football féminin au Soudan, avec la participation de 19 équipes. Nous avons organisé la première édition de cette ligue en 2019, qui a connu une grande réussite malgré les critiques de certains et les moqueries des autres qui n’étaient pas habitués à voir des femmes jouer au foot. A la fin de la deuxième édition en 2020, nous avons choisi les meilleurs joueurs des deux éditions pour être le noyau de la première équipe nationale de football féminin au Soudan. Cette équipe nationale a vu le jour en 2021. Franchement, la Fédération soudanaise de football prend le football féminin plus au sérieux que le football masculin, car il est né de peu de temps et a besoin de soutien pour atteindre le succès souhaité.
— Vous êtes aussi animatrice sportive, commissaire à la CAF, membre de la Commission nationale pour le développement du sport au Soudan, membre au comité de la femme à l’Union arabe du journalisme sportif, première femme à devenir membre au conseil d’administration de la Fédération soudanaise de football et créatrice du foot féminin au Soudan. Un vrai modèle donc. Quelles sont vos ambitions et quels conseils donnez-vous aux femmes arabes qui travaillent dans le domaine du sport ?
— Mes ambitions sur le plan personnel sont de contribuer au développement du sport dans mon pays le Soudan, de voir les Soudanais sur le podium des médailles et de faire du sport un style de vie pour les Soudanais. Aussi de voir plus de Soudanais dans les grandes organisations mondiales comme la Caf et la Fifa. Mon conseil à toutes les femmes qui travaillent dans le domaine du sport, c’est qu’elles doivent croire à leurs rêves et travailler dur et avec sérieux pour les réaliser.
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