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Football : Rien ne va plus à Gabalaya

Amr Moheb, Mardi, 15 décembre 2015

Après l'élimination de l'Egypte de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) des moins de 23 ans au Sénégal, la Fédération égyptienne de football est accusée de négligence, et son conseil d'administration fait face à un déluge de critiques. Etat des lieux.

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L'échec de la sélection olympique lors des qualifications de Rio a fait éclater les crises au sein de la Fédération.
« Jamais le football égyptien n’a connu autant de problèmes que sous l’actuel conseil d’administration de la Fédération égyptienne de football (EFA) », assure Karam Kordi, ancien membre du conseil. Les déclarations de Kordi font suite à l’élimination de l’Egypte au premier tour de la 2e édition de la CAN des -23 ans au Sénégal, étape qualificative pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro 2016 au Brésil.
Cette élimination a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase à Gabalaya, surnom de l’EFA, et nom de la rue où elle est située dans le quartier de Guézira, au Caire. Le pays enchaîne, en effet, les déceptions footballistiques depuis sa dernière CAN remportée en 2010. L’Egypte a été absente du Continental Seniors trois fois de suite. 9e en 2010 au classement de la FIFA, l’Egypte a chuté au dernier classement, à la 57e place. L’élimination des Pharaons olympiques a réveillé les vieux démons de la fédération. Le directeur technique de la sélection olympique avait déjà tiré la sonnette d’alarme avant le début du tournoi.
Hossam Al-Badri avait dit que l’EFA a « troublé la concentration des jeunes Pharaons en autorisant le coach de l’équipe nationale A, Hector Cuper, et son staff technique à accompagner l’équipe olympique au Sénégal ». « Leur présence augmentera certes la pression sur les joueurs, et je pense que c’est totalement inutile », avait-il dit à Al-Ahram Hebdo quelques jours avant la campagne sénégalaise ratée. Malgré leur notoriété, les joueurs n’ont pas montré tout leur potentiel. Pas de concentration, pas de performance. Et le résultat est l’évaporation du rêve de tout un pays, celui de voir ses tricolores aux JO 2016 au Brésil. Le malaise viendrait particulièrement de la Fédération. Depuis leur prise de responsabilités, le 11 octobre 2012, les membres du conseil d’administration de l’EFA n’ont fait que plonger la sphère du ballon rond dans les ennuis. Déjà les élections qui ont conduit ce conseil à la tête de l’EFA étaient problématiques. Karam Kordi n’a pas été le seul à qualifier ce vote « d’injuste ». Dans un procès qui a duré 3 ans, plusieurs autres responsables de clubs se sont élevés contre ces élections. Il a fallu l’intervention de plusieurs parties, dont le président du Comité national olympique d’alors, pour que le dossier soit clos.
La vraie maladresse de la Fédération s’est manifestée dans la mort des 22 fans de Zamalek le 10 février dernier lors de la première journée du Championnat national. L’EFA fait porter la responsabilité au ministère de l’Intérieur qui n’avait pas les moyens de gérer les 10 000 supporters du match Zamalek-Enppi. Pourtant, c’est elle qui a donné le feu vert au ministère, sans procéder à une véritable étude, afin d’autoriser les supporters à assister aux matchs.
La cacophonie à la Fédération est apparue à nouveau à la fin de la saison dernière, lorsque le club Al-Gouna, relégué en D2, s’est plaint de sa relégation. Pour ce club, c’est plutôt Al-Dakhliya qui aurait dû être relégué en D2, car il avait aligné un joueur qui était inscrit dans un autre club. Au nez et à la barbe de l’EFA, Al-Gouna avait lui-même fait jouer un cadet de 14 ans contre l’équipe A d’Ahli en quarts de finale de la Coupe d’Egypte, pour montrer que la Fédération ignore les règlements qui interdisent cette pratique. Ce n’est qu’après le même match que le président de la commission des joueurs et membre du conseil d’administration de l’EFA — Mahmoud Al-Chami — avait avoué avoir découvert tardivement qu’Al-Gouna avait aussi aligné dans ce match un joueur inscrit dans un autre club.
Pas dans la même gamelle
L’opinion publique égyptienne, durant les 3 dernières années, était au courant que les membres de la Fédération ne mangeaient pas dans la même gamelle. Sans cesse à se disputer, ils se critiquaient les uns les autres, jusque dans les médias. Les sorties véhémentes de Seif Zaher à la télévision contre des décisions prises par l’EFA, dont il est membre, sont fraîches dans la mémoire. La plus récente est sa critique contre le remerciement du staff administratif des Pharaons A suite au fameux match amical annulé contre le Sénégal il y a à peine deux mois. L’annulation de ce match, en elle-même, et les problèmes qu’elle a engendrés illustrent la faiblesse de la direction de la Fédération et son ignorance des textes. « C’était une question de règlement de la Fédération Internationale de Football (FIFA). La FIFA a émis de nouveaux règlements et personne n’était au courant », explique Dr Sahar Al-Hawari, membre de l’EFA, à Al-Ahram Hebdo. « Ces règlements stipulent qu’un pays ne peut pas jouer deux matchs contre deux pays de la même région en moins de cinq jours d’écart. Le Sénégal devait jouer contre l’Egypte, puis contre l’Algérie quelques jours plus tard, c’est pourquoi il a envoyé son équipe olympique pour jouer contre notre équipe nationale A, ce que nous n’avions pas accepté et nous avons refusé de jouer le match ».
Face à l’ignorance de l’EFA des règlements de la FIFA et les promesses du ministre de la Jeunesse et du Sports de « punir le fautif », la Fédération n’a pas trouvé mieux que de sacrifier le staff administratif qui a été le bouc émissaire dans ce couac. Très récemment, la semaine dernière, la Fédération est restée bouche bée face à deux cas qui ont aussi laissé l’opinion sportive stupéfaite. Avec d’abord l’incapacité de l’EFA à sanctionner le fautif dans la rixe qui a opposé le sélectionneur de la sélection féminine à une joueuse à l’issue des deux matchs amicaux Egypte-Maroc à Rabat, soldés par la défaite des nôtres avec 8 buts à zéro. Et la démission de Essam Abdel-Fattah de son poste de président de la Commission des arbitres et ses coups de gueule. Abdel-Fattah a abandonné aussi sa place au sein du conseil de la Fédération et a accepté une offre à la Fédération émiratie de football. Il a saqué ouvertement l’EFA, avouant que chacun du conseil d’administration était victime d’une guéguerre des chefs entre ses membres. Il a même été plus loin dans ses déclarations. « Il y a eu un certain favoritisme dans les choix des membres des staffs technique et administratif de plusieurs équipes nationales dans les catégories d’âge différentes », explique-t-il.
Loin des avis des uns selon lesquels l’actuel conseil d’administration de la Fédération est malchanceux de rencontrer tous ces problèmes durant son mandat, l’opinion sportive nationale est convaincue de la maladresse de l’EFA dans sa gestion du football égyptien. Mais ce qui est certain est que malgré sa maladresse, ce conseil d’administration restera intouchable jusqu’à la fin de son mandat l’année prochaine. Même le ministre de la Jeunesse et du Sport en personne ne pourra pas intervenir. Le ministre se trouve coincé par des textes de la FIFA. « C’est un conseil élu par l’assemblée générale de la Fédération et nous ne pouvons pas le dissoudre. La seule exception où le ministre peut intervenir est en cas de faute grave, et cela ne doit se faire qu’en conformité avec les textes réglementaires de la Fédération internationale de la discipline concernée. La FIFA interdit l’implication du gouvernement dans les affaires du football, et à plus forte raison pour déposer le conseil d’administration de la Fédération nationale. Alors, je ne peux pas le dissoudre », conclut le ministre à Al-Ahram Hebdo.
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