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Lennart Kuntze : L’éducation est essentielle pour promouvoir l’action climatique

Ola Hamdi , Nermine Kotb , Dimanche, 06 novembre 2022

Lennart Kuntze, responsable de l’éducation climatique de l’ONG Teach for All et expert au Programme des Nations-Unies pour l’environnement, explique la nécessité de doter la jeune génération des connaissances et des attitudes dont elle a besoin pour devenir des agents du changement.

Lennart Kuntze

Al-Ahram Hebdo : Qu’est-ce que l’analphabétisme climatique ?

Lennart Kuntze : De nombreux individus ne savent pas exactement quelles mesures ils peuvent ou ils doivent prendre pour limiter le changement climatique. L’analphabétisme climatique, c’est ne pas comprendre comment les différentes actions contribuent au changement climatique, c’est ne pas connaître les possibilités disponibles pour limiter les émissions nocives et c’est, enfin, ignorer son rôle dans l’action collective pour faire face au problème du climat. En ce qui concerne ce dernier point, les gens ont souvent le sentiment que leur action individuelle ne compte pas dans le contexte du changement climatique. L’alphabétisation climatique, c’est comprendre l’urgence de faire face au changement climatique, c’est comprendre la manière dont les activités humaines provoquent la crise climatique et peuvent contribuer à la résoudre, et comprendre comment sa propre participation à l’action collective peut limiter les changements climatiques. Il s’agit notamment de comprendre son influence sur le climat et l’influence du climat sur soi et sur la société au sens large. L’éducation est essentielle pour promouvoir l’action climatique.

— Parlez-vous d’un âge spécifique ou cela s’applique-t-il à tous les âges et à toutes les générations ?

— L’analphabétisme climatique n’est pas lié à l’âge. Il s’applique à tous les âges et à toutes les générations. La jeune génération, bien que la moins fautive, sera la plus touchée par l’impact du changement climatique. Le changement climatique et les risques environnementaux sont la réalité vécue par les étudiants d’aujourd’hui, en particulier ceux qui vivent dans les communautés défavorisées souffrant de manière disproportionnée des émissions nocives et de la dégradation de l’environnement. N’étant plus une menace lointaine, le changement climatique nuit déjà à la santé et aux moyens de subsistance des populations, et exacerbe les inégalités dans le monde entier. Il est donc crucial que nous soutenons l’action des jeunes, afin qu’ils puissent être à l’origine de solutions face à la crise climatique aujourd’hui et tout au long de leur vie.

— Vous êtes responsable de l’éducation climatique au sein de l’ONG Teach for All qui a élaboré un programme de sensibilisation au problème du climat destiné aux élèves des écoles. En quoi consiste ce programme ?

Teach for All est une organisation mondiale et un réseau d’organisations indépendantes dirigées localement dans 60 pays. Chez Teach for All, nous envisageons un avenir où tous les enfants seront dotés des compétences nécessaires pour atténuer collectivement la crise climatique, promouvoir la justice climatique et renforcer la résilience face au changement climatique. Afin de concrétiser cette vision, nous voulons apporter une éducation climatique de haute qualité aux écoles du monde entier. Il est important de noter que l’éducation climatique doit être intégrée dans les matières scolaires.

— Les comportements individuels peuvent-ils apporter une différence tangible pour atténuer le problème du climat ?

— De nombreux enseignants de notre réseau et leurs élèves sont d’excellents exemples de la différence tangible que les individus peuvent apporter lorsqu’ils agissent ou travaillent avec d’autres. C’est pourquoi le leadership est crucial, c’est-à-dire la capacité d’inspirer, de guider et de travailler avec les autres. Chacun d’entre nous peut ainsi avoir un impact. Plus nous agissons avec les autres et construisons une communauté, plus nous assumons notre rôle et nos responsabilités, et plus notre impact est important.

— Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets ?

— Dans notre réseau, nous donnons aux élèves les moyens de résoudre localement les problèmes liés au changement climatique. Nous leur offrons un espace pour créer une communauté avec d’autres personnes et renforcer leur résilience émotionnelle face à ce problème. A titre d’exemple, le Liban est en pleine crise d’électricité. L’enseignant de Teach for All Lebanon a invité les élèves à participer à un camp d’innovation durable où ils ont pris connaissance de l’importance des énergies renouvelables et comment les appliquer et les lier à leur vie quotidienne. Les élèves ont ensuite travaillé pour développer de véritables projets et solutions locaux. De même, au Zimbabwe, confronté à une crise alimentaire, certains enseignants ont créé des clubs dans leurs écoles pour enseigner aux élèves la conservation de l’eau, l’agriculture biologique et d’autres compétences nécessaires pour aider leurs communautés à atténuer l’impact du changement climatique ou pour s’y adapter. En outre, nous avons engagé les étudiants dans des projets d’économie circulaire en Espagne, comme le projet « Funghi Thinking » où les étudiants ont développé un concept de recyclage des masques anti-Covid pour faire des sacs à provisions, et de recyclage de l’huile de cuisson pour la production de savons. Grâce à l’impact incroyable des projets, le conseil municipal de Bilbao a demandé à mettre en oeuvre le projet « Funghi Thinking » dans les écoles de la ville qui accueillent des élèves vulnérables ou menacés d’exclusion sociale.

— Quels sont les défis à relever ? Comment les surmonter ?

— Nous estimons que l’écart mondial en matière d’éducation au climat et à la durabilité environnementale est dû à l’absence de quatre éléments essentiels : les lacunes dans les programmes scolaires. Sur 100 pays étudiés par l’Unesco en 2021, seuls 53 programmes scolaires nationaux font référence au changement climatique ou à la durabilité environnementale. Faire face au changement climatique nécessite une action collective, et nous avons besoin d’un leadership collectif à tous les niveaux. Cela doit inclure un changement d’état d’esprit, l’enseignant n’étant plus considéré comme un « je sais tout » et les élèves comme de simples consommateurs de connaissances. L’enseignant et l’élève sont des collaborateurs. En outre, la plupart des enseignants ne sont pas bien informés, ou ne sont pas autorisés à s’engager dans l’éducation climatique. Pour cela, il faut former les enseignants afin qu’ils puissent s’engager d’une manière qui inspire les élèves et qui leur permet de résoudre les problèmes locaux et devenir des acteurs du changement.

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