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Charm Al-Cheikh revit par le spectacle

May Sélim, Lundi, 18 janvier 2016

La première édition du Festival international de Charm Al-Cheikh sur le théâtre des jeunes a pris fin cette semaine. Cette manifestation et le récent Symposium de Louqsor sur la peinture constituent deux tentatives de réhabiliter des villes endommagées par la chute du tourisme.

Charm Al-Cheikh revit par le spectacle
Charm Al-Cheikh accueille un théâtre jeune, politisé et assez provocateur. (Photo: Bassam Al-Zoghby)

La ville de Charm Al-Cheikh, dans le sud du Sinaï, est presque vide. Le soir, malgré la décoration et les lumières éblouissantes, marquant la fin des fêtes du nouvel an, l’ambiance est terne, vu l’absence des touristes. Charm Al-Cheikh est-elle en train de perdre son charme ?

La première édition du Festival international sur le théâtre des jeunes était censée réhabiliter la station balnéaire, mais le théâtre a-t-il réussi à redorer le blason de la ville, en l’intervalle de quelques jours ? « L’idée du festival me hantait depuis voilà trois ans. J’ai voulu que ce soit un événement pour les jeunes, permettant aux étudiants talentueux des académies des arts et aux professionnels d’y participer. Au théâtre, j’ai toujours cherché à présenter des oeuvres de valeur, mais qui parviennent quand même à attirer un public large et à réaliser un certain gain. Rentabiliser son travail théâtral est important, à mes yeux. A ce niveau, le festival nous a permis de faire bouger les choses, d’animer la ville fantôme, désertée par les touristes. Les invités du festival et les troupes étrangères défilaient dans les rues de Charm Al-Cheikh. C’est nouveau car le théâtre n’a jamais figuré parmi les activités exercées dans la station balnéaire », explique Mazen Al-Gharabawy, président du festival. Durant une semaine, du 7 au 15 janvier, tous les soirs à partir de 18h, commençait un va-et-vient entre les hôtels aux alentours de Neama Bay.

Charm Al-Cheikh revit par le spectacle
Karakondûule 99, la Serbie. (Photo: Bassam Al-Zoghby)

De petits bus transportaient le public du festival vers le village touristique de luxe où étaient données les présentations, soit une vingtaine de spectacles venus des quatre coins du monde. Il était prévu que certains spectacles soient présentés dans des différents endroits de la ville, à proximité les uns des autres. Cependant, l’attaque terroriste survenue à Hurghada, peu de temps avant l’ouverture du festival, a obligé les organisateurs à changer de plan, pour des raisons sécuritaires. « Le festival devait se tenir en avril prochain. Mais le ministre de la Culture a voulu le lancer plus tôt pour faire de la promotion touristique, après l’accident de l’avion russe. Le temps était donc très serré, d’où certaines lacunes en matière d’organisation, que nous tenterons d’éviter les prochaines fois. Ce qui compte le plus, selon moi, est le fait de pouvoir surmonter les problèmes au fur et à mesure », souligne Al-Gharabawy.

Et d’ajouter : « Seules les cérémonies d’ouverture et de clôture ont eu lieu en plein air, au théâtre romain et celui de Guéneina City. Le jury et les spectateurs étaient parfois conviés à voir trois ou quatre spectacles par jour. C’est pourquoi on a regroupé toutes les performances sur trois planches construites spécialement au sein de l’hôtel où se déroulaient la plupart des activités. Ceci était très commode du point de vue sécuritaire ».

Malgré le froid, les invités du festival ainsi que les habitants de Charm Al-Cheikh se sont montrés assez intéressés. « Le spectacle syrien est-il prévu ce soir ? », s’interrogeait un Egyptien qui venait juste d’arriver à l’hôtel et qui a bien remarqué les affiches du festival dans les rues et à la réception.

La politique s’impose

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La tension et les remous politiques se faisaient sentir dans les rues, comme sur les planches. Car souvent dans les spectacles, l’actualité politique est de mise. Certains dénonçaient la guerre et la violence sous toutes ses formes, à l’instar du spectacle serbe Karakondûule 99, monté par Marina Dimitrijevic et Aleksandra Manasijevic. Ces dernières n’ont pas manqué de lancer un appel à la paix, en s’inspirant de l’histoire légendaire du démon ayant tué les travailleurs dans une localité donnée, pour semer la terreur. Ce démon est souvent comparé aux hommes du pouvoir qui n’hésitent pas à faire la guerre, pour leurs propres intérêts.

Ensuite, sur les planches du théâtre d'en face, la troupe russe de l’Académie de Moscou préparait la pièce Le Journal d’un homme fou. D’ailleurs, les invités russes étaient vivement acclamés par le public, en signe de solidarité avec les victimes de l’avion sinistré. Dans ce spectacle, il était question de l’histoire d’un homme, esclave de la routine, lequel est devenu fou sous l’effet du désarroi.

Le même désarroi se faisait sentir dans la pièce syrienne Hystérie, écrite et montée par Géhad Saad, avec les étudiants de l’Institut supérieur du théâtre à Damas. Sur scène, les protagonistes essayaient de fuir les bombardements et la violence qui sévissaient dans tout le pays.

L’un des personnages n’a pas tardé à condamner l’absurdité des événements en cours : filles violées, amours perdues dans un climat de guerre, etc. Bref, le spectacle a essayé, non sans humour, de refléter l’image atroce de la Syrie d’aujourd’hui.

Il en était de même pour le spectacle iraqien, Admasez, lequel a dénoncé la guerre depuis la nuit des temps. Il a fait allusion aux émissions de télévision et leurs rôles visant à mettre de l’huile sur le feu, dans les pays en conflit.

La pièce jordanienne Adam’s Swilk (la soie d’Adam) s’est focalisée sur les problèmes de harcèlement sexuel, en tant qu’outil de répression contre la femme, dans le contexte du Printemps arabe. Et celle en provenance de Libye, Al-Saqqala (l’échafaudage), a abordé la liberté, faisant défaut dans le monde arabe. Et ce, à travers une bande d’ouvriers, représentant des tranches différentes de la société. Les échafaudages, sur scène, formaient des barreaux de prison. Une prison virtuelle où tous les protagonistes-ouvriers sont condamnés à mort .

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