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La Corne de l’Afrique victime du changement climatique

Amira Samir , Lundi, 01 mai 2023

La Corne de l’Afrique connaît la pire et la plus longue sécheresse jamais enregistrée depuis plus de quatre décennies. Explications.

La Corne de l’Afrique victime du changement climatique
(Photo : AP)

La sécheresse frappe à nouveau l’Afrique de l’Est. Après six saisons de pluies en berne, la sécheresse qui frappe actuellement la région de la Corne d’Afrique est la plus longue et la plus grave de son histoire. Du nord du Kenya au sud de l’Ethiopie, en passant par la Somalie et l’Ouganda, la sécheresse ne laisse rien derrière : décès de bétail, barrages vides, végétation assoiffée. Une situation dramatique qui s’aggrave d’une année à l’autre. Cette vague de sécheresse est en train de tout tuer à petit feu. D’abord, elle a balayé la terre et les pâturages, puis les animaux qui, au début, sont devenus de plus en plus faibles et ont fini par s’éteindre. Selon les estimations, au moins 9,5 millions de têtes de bétail sont mortes dans les pays de la Corne de l’Afrique touchés par la sécheresse qui a érodé la principale source de subsistance, de revenu et de nutrition des communautés pastorales.

Au Kenya, plus de 6°000 animaux sauvages sont morts depuis 2020 dans le parc national d’Amboseli à cause de la sécheresse, y compris des éléphants, des girafes et des gnous, selon le Kenya Wildlife Service, alors que 4 millions de têtes de bétail sont mortes en Ethiopie et 3 millions en Somalie. « Bientôt, cette vague de sécheresse balayera les habitants qui sont aujourd’hui malades de la grippe, de la diarrhée et de la rougeole. S’ils n’ont pas de nourriture, d’eau potable et de médicaments, ils mourront comme leurs animaux. En bref, cette sécheresse contribue à une crise humanitaire et économique dévastatrice. Et malgré tous les efforts, la situation ne s’arrange pas », explique Nader Noureldine, professeur de ressources hydriques à l’Université du Caire. Cette sécheresse est due à un important déficit pluviométrique qui s’aggrave à long terme, notamment dans certaines parties de la Somalie, de l’Ethiopie, du Kenya, du Djibouti et de l’Ouganda. Des conditions plus sèches que la normale ont également augmenté dans certaines parties du Burundi, de l’est de la Tanzanie, du Rwanda et de l’ouest du Soudan du Sud.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 48 millions de personnes sont confrontées à un niveau d’insécurité alimentaire critique dans la région. En janvier dernier, le coordinateur résident de l’Onu pour la Somalie a averti que le nombre excessif de décès dans le pays dépassera « presque certainement » celui de la famine déclarée dans le pays en 2011, lorsque plus de 260 000 personnes sont mortes de faim.

Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a exhorté les gouvernements et les partenaires à agir « avant qu’il ne soit trop tard ». L’OMS a annoncé en mars avoir besoin de 178 millions de dollars pour soutenir les populations de la région cette année. En fait, la guerre en Ukraine a affecté la réponse humanitaire, car les donateurs traditionnels en Europe détournent les fonds pour surmonter leurs crises internes engendrées par la guerre.

Une pénurie alarmante La sécheresse actuelle dans la région a commencé fin 2020, lorsque la courte saison des pluies de la région a échoué. Selon les météorologues, la distribution inégale et dévastatrice de l’eau dans les Etats de l’Afrique de l’Est est causée par des systèmes météorologiques exacerbés par le changement climatique d’origine humaine, les cyclones aspirant de l’eau qui serait autrement destinée aux pays plus au nord. « La tendance a toujours été à deux systèmes météorologiques contrastés : l’intensification des cyclones dans la région de l’Afrique australe se traduit par une sécheresse à l’est, y compris dans la Corne de l’Afrique », explique Nader Noureldine. Et d’ajouter : « Outre la pénurie des pluies, la région de la Corne de l’Afrique est frappée par une sécheresse causée par El Nino ou le réchauffement anormal de la température lié aux changements climatiques. Il existe un lien entre l’oscillation australe El Nino, les régimes de précipitations et la sécheresse en Afrique orientale et australe ».

Des préventions craignent de plus en plus que la situation ne s’aggrave. Elles prévoient un temps sec pendant la saison des pluies, car les précipitations en mars et début avril ont été très faibles par endroits. De faibles précipitations que la normale sont prévues pendant la saison pluviale d’avril à juin, la fin de la saison des pluies. Si les précipitations sont inférieures à la moyenne au cours des trois prochains mois, ce sera la pire sécheresse dans la région depuis au moins 70 ans, selon l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Les prévisions de l’OMM indiquent que si les températures restent supérieures à la moyenne en mai, les cultures se faneront et davantage de végétation mourra, ce qui réduira l’alimentation du bétail. Bergers et agriculteurs, premières victimes Les pasteurs nomades et les agriculteurs sont parmi les plus durement touchés par cette sécheresse. Ils vivent avec le reste de leur bétail sur des terres plus dures et reçoivent peu de soutien des gouvernements. Beaucoup d’entre eux ont dû déménager plusieurs fois avec leurs animaux à la recherche d’eau potable et de meilleurs pâturages pour les quelques animaux dont ils s’occupent, espérant pouvoir tenir la saison des pluies à venir. « Ils se déplacent d’un endroit à l’autre pour suivre la pluie. Si les pluies ne viennent pas, aucun ne survivra. Et à chaque fois qu’ils déménagent, ils perdent plus de bétail. En fait, la grave sécheresse, associée aux conflits et aux pressions économiques persistantes, a déplacé plus d’un million de personnes dont environ 80 % sont des femmes et des enfants », indique Noureldine. Beaucoup d’autres bergers de la région ont dû renoncer à la vie des nomades après avoir vu ces troupeaux décimés par la sécheresse. La sécheresse continue d’affecter fortement l’activité économique, notamment l’agriculture qui représente le moyen principal de subsistance à travers le continent. « La sécheresse n’est pas nouvelle dans cette région, mais elle s’intensifie. Et les changements climatiques aggravent les impacts de la sécheresse », souligne Nader Noureldine, en affirmant que la sécheresse actuelle est la pire de mémoire de l’homme.

La Tunisie rationne l’eau

La Tunisie subit sa 5e année consécutive de sécheresse qui la frappe encore plus durement que d’habitude. Pour y faire face, les autorités ont annoncé, fin mars, des restrictions dans l’approvisionnement et l’utilisation de l’eau potable, pour préserver les faibles réserves des barrages. C’est ainsi que la société nationale de distribution d’eau, la Sonede, a commencé à couper l’eau courante chaque nuit entre 21h et 4h du matin. Le ministère de l’Agriculture a désormais interdit l’utilisation de l’eau pour l’irrigation, l’arrosage des espaces verts et autres lieux publics, et pour laver les voitures. Les réservoirs à travers le pays seraient à environ 30 % de leur capacité. Le réservoir de Sidi Salem, qui dessert le nord du pays, y compris Tunis, n’est rempli qu’à environ 16 % de sa capacité. La Tunisie a toujours fortement compté sur la captation des eaux de surface pour son approvisionnement, ce qui la rend particulièrement vulnérable aux pénuries de précipitations dues à la crise climatique.

La situation humanitaire en chiffres

La Somalie, l’Ethiopie et le Kenya sont les plus touchés par cette vague de sécheresse jamais enregistrée.

Somalie :

Environ 43 000 personnes sont mortes l’an dernier, dont la moitié étaient des enfants de moins de 5 ans. Selon l’Onu, les taux de mortalité les plus élevés ont été enregistrés dans le centre-sud de la Somalie, en particulier dans les régions de Bay, Bakool et Banadir, l’épicentre actuel de la sécheresse.

Kenya :

Selon l’Onu, 3,5 millions de personnes dans le pays souffrent d’une « insécurité alimentaire sévère ». Tandis que 1,5 million d’enfants risquent d’être déscolarisés à cause de la sécheresse.

Ethiopie :

Selon l’Onu, plus de 24 millions de personnes subissent les effets de la sécheresse dans ce pays, dont près de 12 millions ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence.

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