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L’industrie, moteur du développement africain

Aliaa Al-Korachi , Mercredi, 08 juin 2022

L’Afrique peine à amorcer sa transformation industrielle, alors qu’elle dispose de nombreux atouts. Explications.

L’industrie, moteur du développement africain

L’afrique doit s’industrialiser. Un appel qui devient de plus en plus pressant. La double crise de la pandémie et de la guerre en Ukraine a levé la voile sur la réalité que l’économie africaine repose toujours sur un modèle d’exportation largement dépendante de ressources naturelles non transformées. En fait, l’Afrique est la région la moins industrialisée du monde. 1,7% de la valeur ajoutée manufacturière au niveau mondial provient de l’Afrique, alors qu’environ 70% des exportations de marchandises en Afrique sont des matières premières. La part de la production manufacturière a enregistré en 2021 un taux de croissance de 17,8 % contre 17,1% en 2020.

L’importance du rôle moteur de l’industrie pour l’émergence de l’Afrique a été approuvée dans le plan d’action de l’Union Africaine (UA) pour «  le développement industriel accéléré de l’Afrique », « la troisième décennie du développement industriel pour l’Afrique (2016-2025) », proclamée par les Nations-Unies et l’Agenda 2063, cadre stratégique de l’UA pour la transformation socioéconomique. « L’industrialisation joue un rôle vital dans le développement africain parce qu’elle stimule la productivité et crée des emplois. Il est vrai que les obstacles à l’industrialisation de l’Afrique sont nombreux, mais les avantages sont larges et à portée de main », explique Sally Farid, expert en économie africaine.

Atouts et défis

L’Afrique a un énorme potentiel en matière d’industrialisation en raison de sa richesse en ressources naturelles. A l’échelle mondiale, l’Afrique abrite 40 % des réserves d’or, 12% de pétrole, 80 à 90% du chrome et du platine et environ 60% des terres arables non cultivées dans le monde. Convertir ces ressources naturelles en source de croissance ou, autrement dit, diversifier les économies africaines demeure un défi de taille que l’Afrique tente de relever. Selon un rapport récent publié par la Banque Africaine de Développement (BAD), le continent dispose de facteurs structurels solides qui constituent des vecteurs importants pour le décollage de son industrie manufacturière. Outre les ressources naturelles, le développement industriel peut s’appuyer sur d’autres avantages comme la démographie, l’expansion des marchés internes, l’urbanisation et les évolutions technologiques.

En fait, l’emploi manufacturier est concentré à 70% dans 8 pays, qui sont le Nigeria, l’Ethiopie, l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Algérie, le Ghana et le Kenya, alors que la part des emplois industriels ne dépasse pas les 10% dans la plupart des pays d’Afrique.

Le continent comptera 2 milliards d’habitants en 2050, un cinquième de la population mondiale. A l’horizon de 2025, il aura la main-d’oeuvre la plus jeune et la plus nombreuse du monde. En même temps, le continent enregistre le plus fort taux d’urbanisation au monde. Quelque 40% de sa population vit déjà en milieu urbain et les 20 plus grandes villes africaines devraient grossir de moitié au cours des 10 années à venir. De quoi multiplier les infrastructures et les services. Autres atouts: les marchés intérieurs et la classe moyenne africaine sont en plein essor. Selon les prévisions de la Banque Mondiale (BM), l’Afrique sera le plus grand marché de consommation de biens et de services d’ici 2030. Par ailleurs, grâce à une utilisation croissante des services mobiles, les pays africains gagnent en productivité. Selon des estimations, d’ici trois ans, le chiffre d’affaires de l’Internet africain pourrait représenter entre 180 et 200 milliards de dollars.

Afin de transformer ces atouts en opportunités tangibles, l’émergence industrielle africaine devra s’appuyer sur la mise en place de politiques économiques et industrielles multidimensionnelles, note le rapport de la BM. Cependant, il existe de nombreux obstacles qui empêchent l’augmentation des activités industrielles sur le continent africain. En particulier, le faible niveau des infrastructures de transport, de télécommunications et d’énergie qui constitue un frein majeur à la transformation industrielle du continent. Selon la Commission économique pour l’Afrique de l’Onu, le coût de l’infrastructure augmente les coûts commerciaux et réduit d’environ 40% la productivité des entreprises africaines. Elle a évalué les besoins actuels de l’Afrique en matière d’infrastructures à 93 milliards de dollars par an.

Intégration industrielle

« L’industrie, moteur de la croissance des économies africaines » était le thème de la session consacrée aux enjeux de l’industrialisation en Afrique, tenue à la conférence « L’Egypte peut par l’industrie », organisée dans la Nouvelle Capitale administrative la semaine dernière (voir page 3). L’intégration industrielle renforcera les chaînes de valeur régionales en permettant aux pays africains de tirer parti des avantages comparatifs de leurs diverses ressources naturelles au lieu de les gaspiller. Dessiner une carte représentant le potentiel du secteur industriel en Afrique devient alors nécessaire. Par exemple, les noix de cajou cultivées en Tanzanie sont collectées au Vietnam et vendues à des prix élevés sur le marché international. En Europe, un kilogramme de noix de cajou est vendu à un prix 90 fois plus que son tarif d’achat à l’état brut en Afrique. Dans l’industrie du chocolat, où les investissements mondiaux sont estimés à 138 milliards de dollars, les pays producteurs en Afrique ne captent que 6% des revenus annuels du secteur. Malgré un potentiel énergétique énorme et varié, hydroélectricité, gaz, charbon, énergies renouvelables, près de 600 millions d’Africains sont encore privés d’électricité en 2021.

Ce sont autant d’exemples qui illustrent le potentiel non exploité par l’Afrique dû au manque d’industrialisation et à son incapacité de transformer localement ses minéraux. Le premier ministre, Moustapha Madbouli, a jugé nécessaire, lors de son allocution à la conférence, de préparer « une base de données » sur les industries dans les pays africains, par l’UA et la Commission économique pour l’Afrique. « Les fabricants de tous les pays africains ne disposent pas d’informations suffisantes sur les capacités de fabrication, ainsi que sur les besoins des autres pays. La base de données les aidera à identifier des partenaires », a-t-il dit. Et de conclure: « Le processus d’intégration entre les pays africains et l’augmentation du volume des échanges inter-régionaux, qui s’élève actuellement à 18% contre environ 56% dans les pays asiatiques, seront réalisés à travers la mise en place d’un réseau routier reliant les pays africains entre eux, en plus de l’intégration entre les ports et aéroports en Afrique, ainsi que l’activation des procédures d’accords de libre-échange » .

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