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Agenda 2063 : La longue marche vers l’intégration continentale

Dr Amani Al-Taweel , Mercredi, 25 mai 2022

L’Afrique célèbre ce mercredi sa Journée mondiale. L’occasionde revenir sur ce qui a été accompli du programme de développement du continent (Agenda 2063).

Agenda 2063 : La longue marche vers l’intégration continentale

L’agenda 2063 pour le développement de l’Afrique est le plan d’action le plus important de l’histoire moderne du continent. Son objectif est de faire passer l’Afrique d’un continent riche en ressources avec une population pauvre à un continent prospère dont les habitants sont capables de participer à la civilisation humaine moderne. Cet Agenda 2063 répond parfaitement aux défis auxquels l’Afrique est confrontée dans tous les domaines et navigue de concert avec le Programme de développement durable des Nations- Unies. Cet agenda est le couronnement des efforts africains depuis la création de l’Organisation de l’unité africaine en 1963, pour renforcer la coopération et l’intégration africaine et réaliser le développement global du continent.

7 aspirations

L’Agenda 2063 vise à réaliser 7 grandes ambitions selon un calendrier déterminé, afin de réaliser les aspirations des populations africaines (voir infographie). L’agenda de 50 ans (2013-2063) est divisé en 5 phases de 10 ans chacune sous la supervision du Département de la planification stratégique de l’Union Africaine (UA). Le plan avait plusieurs objectifs : passer à une transmission numérique de la télévision dans tout le continent africain en 2016, créer une Banque africaine d’investissement et un marché boursier africain en 2016, ainsi qu’un Fonds monétaire africain en 2018, mettre en place une Zone de libre-échange continentale en 2017 et faire passer les échanges interafricains de 12 % en 2013 à 50 % en 2045 et la part de l’Afrique dans le commerce international de 2 % à 12 % en 2045.

Dans l’ensemble, le plan de développement de l’UA avance à un rythme acceptable. Par exemple, la Zone de libre-échange africaine a été lancée en mai 2019 avec deux ans de retard par rapport au programme préétabli grâce aux efforts de l’Egypte durant sa présidence de l’UA. Le Caire continue d’ailleurs à encourager les pays africains qui ne font pas partie de la zone à la rejoindre afin de l’activer de manière intégrale dans les plus brefs délais. Des efforts qui avaient commencé au Sommet d’Ouagadougou (mars 2006).

De même, plusieurs rassemblements africains ont été créés, dont les plus importants sont le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (ECOWAS), la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN SAD), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’Union du Maghreb Arabe (UMA) et la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). Ces rassemblements ont donné lieu à des progrès relatifs dans le processus d’intégration économique régionale. Par exemple, l’Union douanière d’Afrique du Sud a enregistré des progrès remarquables en supprimant les barrières douanières et commerciales entre les pays de l’union.

De plus, l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest a réussi à mettre en place une structure de comptabilité commune, qui est régulièrement révisée par les pays membres, et à créer plusieurs marchés boursiers. Le Marché commun de l’Afrique de l’Est et du Sud a réussi à augmenter le volume des échanges commerciaux entre les pays membres, celui-ci est passé de 3,1 milliards de dollars en 2000 à 12,7 milliards de dollars en 2009 puis à 17,4 milliards de dollars en 2010. De plus, le commerce entre les pays membres du Rassemblement de l’Afrique de l’Est a augmenté de 49 % après le lancement du projet d’union douanière.

En dépit de ces progrès, les réalisations au niveau global sont encore modestes. Les échanges commerciaux interafricains n’ont progressé que de 5 % au cours de la dernière décennie. En effet, le volume du commerce intra-africain ne dépassait pas les 15 % en 2018, alors que l’Europe a enregistré le chiffre de 69 % et l’Asie 60 %.

Les infrastructures : Un défi de taille pour l’Afrique

Le défi le plus important pour le plein succès de la Zone africaine de libreéchange est l’état des infrastructures qui affecte le transport routier. Fait qui explique l’intérêt accordé par l’Egypte au percement des routes afin de relier le sud et l’ouest de l’Egypte au Soudan et à l’Erythrée. Un point de départ pour construire une route Le Caire-Cape Town en Afrique du Sud. L’Egypte place aussi sur son agenda la construction d’un réseau de chemins de fer avec le Soudan comme l’a annoncé le ministre égyptien du Transport, Kamel Al- Wazir. Sans oublier le projet égyptien de raccordement routier avec le Tchad, auquel un intérêt particulier est accordé depuis la visite du président Sissi au Tchad en 2018. Sissi avait alors promis que N’Djamena aurait une plateforme commerciale sur la Méditerranée.

Sur le plan technique, certains points restent en suspens, notamment l’accord sur les règles de concurrence. C’est une question sensible, car les gouvernements africains ont recours à des mesures protectionnistes pour alléger le fardeau qui pèse sur leurs entreprises.

En ce qui concerne l’investissement interafricain, la création d’institutions financières continentales se heurte encore à des obstacles, notamment la création de la Banque centrale africaine, du Fonds monétaire africain et de la Banque africaine d’investissement. Mentionnons aussi l’absence de consensus autour de ces institutions et l’absence d’un système bancaire moderne dans de nombreux pays africains.

Pour relever les défis de la Zone de libre-échange africaine, il est indispensable que les principaux pays du continent, tels l’Egypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud, ainsi que le Ghana et le Sénégal, déploient un double effort. La prise de conscience de la jeunesse africaine quant à la nécessité de se libérer de toutes les nouvelles formes de colonialisme occidental sera certes le carburant de la prochaine phase pour créer l’intégration africaine à laquelle aspire le continent.

*Cheffe du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram

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