(…) Haytham s’est enfermé dans sa chambre. Son frère, dont on ne va pas dire le nom à cause de son peu d’importance dans le contexte, et sa mère l’ont retiré de la pièce avant qu’il ne plonge dans une crise de dépression attendue. Toutefois, ils échouèrent royalement. La dépression le rattrape de temps en temps depuis des années, lorsqu’il se souvient de sa venue à la maison de Qassem en compagnie de sa mère. Qassem s’était moqué de lui devant tout le monde en disant qu’il n’accepterait pas que sa sœur soit fiancée à une personne qui se nommait Haytham :
- Il ne manquait pas que je sois encore l’oncle d’un garçon nommé Tamer !
Le père de Qassem n’était pas convaincant au moment où il demandait à Qassem de se taire :
- Tu n’as pas honte, l’homme est chez nous !
Son père était plutôt content de ses paroles, mais il ajouta afin d’enlever la gêne de Haytham :
- Tu es encore très jeune. Finis ta fac d’abord et on parlera ensuite.
Alors que la mère de Haytham dit :
- Nous voulions simplement ouvrir le sujet, mais il n’y a pas de problèmes.
Il n’allait pas évidemment comme il l’imaginait trouver dans les livres d’histoire les grands qui avaient l’honneur de se nommer Haytham. Il n’y avait pas en Haute-Egypte de place pour ce nom. Où était-il son père lorsqu’il avait choisi ce nom ? Pourquoi son père avait-il agi de la sorte ? Il se sentait honteux à chaque jour qu’il partait au bureau de l’avocat Saad Al-Naggar, car les clients l’appelaient Monsieur Haytham, et malgré leur sincérité apparente, le doute l’envahissait qu’ils se moquaient de lui. L’homme qui avait un litige avec son oncle autour d’un lopin de terre était déprimé lorsque Monsieur Saad indiqua que Haytham suivrait le procès.
- Vous ne pouvez pas vous en occuper vous-même !
- Ne vous en faites pas, et monsieur Haytham est mieux que moi !
Le matin, sa mère lui demanda : Où vas-tu ?
- Je vais aller où ? Au bureau !
Mais il partit au bureau des registres. Il déposa 5 livres à la main des employés à travers la grille en fer. Elles avaient été suffisantes pour qu’il lui accorde son attention :
- Je veux changer mon nom !
Le fonctionnaire montra de l’étonnement et dit après avoir fixé Haytham avec attention :
- Ce sujet a besoin de temps.
- Qu’il prenne le temps qu’il faut. Je suis avocat et je m’appelle Haytham Al-Sayed.
- Avocat ! C’est bon, vous connaissez alors le processus. Vous m’éviterez ainsi le casse-tête !
Le jour suivant, le fonctionnaire accrocha une pancarte où il avait noté son nom et ses coordonnées dans la salle que fréquentaient les fonctionnaires. Haytham se sentit heureux lorsqu’il trouva 2 hommes en djellaba devant la pancarte. Il fallait qu’une ou deux semaines passent sans que personne n’indique que cet homme avait un précédent.
Une semaine après, le même fonctionnaire lui dit : Attends encore un peu, mon collègue m’a dit qu’il fallait attendre un mois entier après que les coordonnées avaient été accrochées.
La semaine d’après, Haytham apprit que le fonctionnaire avait pris un long congé. Le nouveau fonctionnaire lui apprit que le directeur était absent et qu’il ne pouvait pas signer un document avec son nouveau nom.
Après une troisième semaine, le directeur lui demanda :
- Pourquoi tu es gêné du nom de Haytham ? Ce n’est pas mal.
- Je désire les choses de cette façon.
Il sembla que le ton sur lequel il avait parlé ne plut pas au directeur.
- Montre-moi comment tu vas changer ton nom de la manière que tu désires !
Il n’avait pas d’autres choix que de recourir au Conseil d’Etat. Le juge lui demanda :
- Tu as honte de ton nom ?
Il baissa la tête et la voix et acquiesça :
- Peut-être.
- Tu as honte ou tu n’as pas honte ?
Il se tut et le juge poursuivit :
- C’est comme tu veux, si tu ne veux pas répondre.
- Oui, j’ai honte !
- Comment veux-tu qu’on t’appelle ?
- Abdullah !
- Abdullah quoi ?
- Al-Sayed. Evidemment que je ne vais pas changer le nom de mon père.
- Bravo !
Quelques jours plus tard, le même juge lui demanda :
- Tu penses que le fait de changer de nom va te rendre respectable ?
- Je suis respectable !
- Pourquoi donc veux-tu changer de nom ?
- Pour mon image devant les gens !
- C’est-à-dire que ça ne te rend pas respectable.
- Vous pouvez le dire ainsi !
- C’est une manière de parler que tu as apprise pour parler à un juge ?
- Je ne veux rien dire !
Le dialogue lui sembla comme un cauchemar. Mais il se disait en évitant de regarder le juge que les choses se terminent comme elles commencent. Quelle que soit la difficulté. L’essentiel qu’il est devenu une nouvelle personne. Ils ne sont pas nombreux ceux-là qui pouvaient changer leur nom. Hier, il s’appelait un tel et aujourd’hui il s’appelait autrement.
Lorsqu’il ouvrit la porte de la maison, sa mère lui dit :
- Bon retour Haytham !
Il dit succinctement :
- Abdullah. Abdullah. Pas Haytham !
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