Pas au point qu’elle croyait,
Il n’aimait personne
Probablement.
Son travail de bourreau l’a poussé
A n’aimer que la vue
De ses mains maculés d’eux
Même après la fin
Du spectacle.
Elle aussi n’a pas joué
Le rôle complet de la victime
— comme on lui a demandé —
Elle fuyait chaque fois
Qu’il l’amenait progressivement
Au dernier acte.
Elle se moquait de lui
Chaque fois qu’il lui parlait
D’Electra
(Son ancien acolyte)
Qui lui a offert
Des piqûres enfoncées dans la tête
Et lui a appris comment vivre

« La Jeune mariée » de Hamed Nada, 1955. Courtoisie gallerie Safarkhan.
Avec des membres endommagés.
La nécessité de connaître
Freud et Lacan
Je les maudissais secrètement
« Freud et Lacan »
Dont il me parla
Avec assurance
Celui qui a pourri
Ma tête
Avec ses idées agaçantes
Quand je lui parlai avec naïveté
De mon père
Ignorant ses yeux malicieux
Qui m’attiraient
Vers un puits profond
Et la chasse qui était
A un pas
Je résistais seulement
A ses mains
Qui renforçaient bien
L’embargo
Autour de mon corps
Un corps dont l’existence est inutile
Et dont je restaurais ce qui en restait
En piochant le mur
De la maison
— qui se hisse cruellement —
Cherchant un seul trou
D’où parler à mon père
« mon père qui est au ciel »
Je l’ai attendu des années
— en vain —
Fuyant ses fantômes
Vers les cafés froids
Dans les nuits hivernales
Et vers les vieux bars
Là où je m’assoie
Avec mes semblables
Pour partager la déception
Et s’échanger la perte
Le boucher
Je ne me suis jamais mis en colère pour elle
Au contraire
Je me réjouissais de son malheur
La voyant
Souffrir
Je souriais aux taches sombres de sang
Qu’elle crachait près de moi
Signe d’une fin de scène
Qu’elle jouait à chaque fois
Devant le miroir
Avec un romantisme agaçant
Elle aurait
Dû le remercier
Et non pas le maudire ainsi
Je crois qu’il n’a pas fait exprès
De lui causer une infirmité
Quand il l’entraînait
A l’amour
Seulement
Son ancienne profession
L’a vaincu
Et rendu ses mains
Telle une lame de couteau
Quand il l’enlaçait
Avec une réelle ferveur
Mais elle — misérable —
Pouvait-elle vraiment
Voir le monde
Sans l’infirmité qui lui éclairait le chemin ?
Le facteur ( )
Il sembla romantique cette fois
— Contrairement à ses habitudes avec elle —
quand il s’approcha de son fauteuil
avec une affection inquiétante
il ne découvrit pas qu’elle était juste
une dépouille pâle
l’épiant — seulement —
avec des yeux hagards
entre les personnages qui
se mouvaient
dans le spectacle
en vain
et le fil de sang
qui coulait
lentement
de la veine de sa main gauche
traversant — seul —
vers l’obscurité
qui les séparait
il s’exerçait à lui
apprendre
— avec le talent des professionnels bien sûr —
comment traduire les métaphores
qui se cachaient autour d’elle
dans chaque coin
elle avait toujours peur
d’elles
sans savoir
que par sa misère
elle avait fini à ressembler
à Mario (le facteur)
et que celui qui est assis près d’elle
— était lui-même —
une métaphore
de quelque chose
qui ne viendra jamais.
Passion
Elle l’aimait profondément
A un point agaçant
Sinon pourquoi enfonce-t-elle ses ongles
Dans son visage
Ou insiste-t-elle à déchirer
Ses membres
Avec une joie débordante
Chaque fois qu’il lui rend visite dans ses rêves
Et embrasse ses lèvres !
Guillotine ()
Ces maudits
Ne sont plus bons
A rien
Je les ferai passer à la guillotine
Et ne serai conciliante avec personne
Même pas ce petit garçon
Qui porte sa croix
Pour moi
Depuis cinq ans.
Distances de tristesse
Je mettrai entre toi et moi
Des distances
Puis je les remplirai d’une haine
Que rien ne peut éteindre
Ou peut-être d’une tristesse qui grandit
Dans mes poumons
— sans cesse —
pour mieux te voir .
Nagat Ali
La poétesse est née au Caire. Elle est diplômée de l’Université de Aïn-Chams en littérature. Elle vient de présenter sa thèse de doctorat sur l’ironie dans les nouvelles de Youssef Idriss. Elle avait publié Le Paradoxe dans les nouvelles de Youssef Idriss aux éditions du Conseil suprême de la culture, en 2009. Sujet de son magistère, elle y discute la notion du « paradoxe » et de son interprétation récente dans la langue arabe. Elle écrit des poèmes en prose. Elle a déjà publié trois recueils de poèmes : Kaën khorafi ghayatoho al-sarsara (un être imaginaire qui ne veut que bavarder) aux éditions du Conseil suprême de la culture en 2001, Haët machqouq (fissures dans le mur) GEBO, 2005, et Mesla chafrati sekkine (comme une lame de couteau) aux éditions Annahda Al-Arabiya, Beyrouth 2010. Ses poèmes reflètent un mélange entre le moi intime, la violence et l’étonnement bon enfant.
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