(1)
Je suis un promeneur à l’ombre des rimes
Les vers rimés m’ont écrit ce qui est écrit là-haut
Je pose une question comme durant une leçon de géographie
Pourquoi fait-il toujours beau en Egypte au nord comme au sud ?
Certains m’ont donné cette réponse :
L’Egypte est forte et vigoureuse
Et pourtant dans la gestion du pays tout
Avance à l’envers !
Une démocratie cahin-caha !
Un référendum sur la contrefaçon d’une Constitution !
Au peuple d’Egypte qui est coeur et raison
Des tas de désastres seront causés par un président.
Celui-ci veut faire fortifier ses décisions
Il veut prouver aussi l’étendue de son pouvoir
Conféré aussi aux affidés et officiers !
L’opposition, tant pis ! Il s’en fout de son dépit !
Voler la patrie ! Emprisonner un peuple !
Diviser pour régner ! Brûler un coeur patriote !
Piétiner les pauvres, les artistes et l’art !
Avec un capitalisme qui porte la barbe !
Pauvre minable ! Tu n’as pas conscience que le peuple
D’Egypte croit en la vraie religion admirable ?
Celle des musulmans ou celle des coptes, elle est belle
Leur foi.
Après le 25 janvier
Leur solidarité est forte et ce n’est rien.
(2)
Joue à la politique, toi le politicien,
Ton jeu apporte des vents contraires à mon engouement
Ma ferme volonté est contrecarrée
Et pourtant je ne deviendrai ni bouchon de liège
Ni objet insignifiant …
Parmi vous, braves hommes courageux, personne
Oui, personne,
N’a de reproches à faire aux révolutionnaires,
Moi, tout comme vous, je ne serai jamais un salafiste. Un Frère, non plus.
Je ne veux pas m’asseoir avec cette compagnie dans l’ombre,
Gloser d’une chose et son contraire
D’un mode lassant et obséquieux.
Je marche honnêtement après les seuls diktats du coeur
Ayant une ferme croyance que l’espoir va se réaliser
Mon âme porte en elle le soleil de naguère,
Je vois l’aube des lendemains de mes propres yeux,
Un si joli chemin de lumière infinie
Percé par chaque main d’une jeunesse dans le vrai !
Ces jeunes, ces beaux révolutionnaires qui ont l’âge
Des roses
Savent où et comment faire aboutir le chemin
Et le lieu de la demeure de l’aboutissement.
La révolution est une grande oeuvre !
Si tu l’oublies ou fais semblant de l’oublier alors que ces jeunes
Sont ma communauté d’hommes
Va jouer à la politique, toi le politicard !
Ton jeu apporte des vents contraires à mes enthousiasmes
Et tes manoeuvres contrecarrent ma propre volonté !
(3)
Il ne faut pas soutenir de politique
Fondée sur des discussions stupides et de vaines palabres
Ni présidence qui proclame la renaissance puis se lève
Et marche à la vitesse d’un escargot dans sa coquille
Ni orateur qui crie sa mauvaise rhétorique en bondissant.
Des sursauts d’une grenouille. Des carrés de tissu blanc sont la coiffe
Des cheikhs et cache leurs casquettes …
Il ne faut pas soutenir celui qui a égaré
Nos enfants au milieu du désordre des mouvements
Et des bouleversements !
Celui qui a incité à de légitimes représailles puis nous a quittés
Et a filé à l’anglaise.
On s’attendra avec lui à toutes les perfidies possibles et imaginables,
Des relations nouées, dénouées, ruptures et fausses victoires, pays morcelés.
Il faut résister à l’oppression, jamais plus l’accepter.
Je n’accepte pas non plus celui qui fasse les choses en l’air
Je ne suivrai pas ce va-t-en-guerre qui veut provoquer des conflits pour rien
Ou peut-être pour l’âne de Buridan entre le zist et le zest.
Tout cela m’est profondément antipathique !
(4)

Graffiti de Alaa Awad. Photo : Tara Todras-Whitehill.
Tu as raison de douter des capacités
D’un président qui soigne son image sur Facebook.
Tu éclates en sanglots, vu que
Le président aime tant la communication sur Twitter
C’est trop fastidieux à la fin
Trop pénible et barbant
Envoie-lui un courriel
Et sache que l’adresse électronique
C’est morsidotcom
At monsieur suprêmedotcom.
(5)
J’ai vu un type fantôme qui me ressemble
Voix et physionomie superbes, une image
Qui ne me ressemble pas
Mais ressemble à un serpent
Je l’ai vu un vendredi
Son discours était vain
Comme du commerce en gros
Et on aurait dit que ce grossiste
A soudain décidé de devenir marchand détaillant
Il prend un air sérieux
Un incapable samedi et dimanche
Un bon à rien le lundi
Et il efface toute expression de joie qui illumine les yeux.
Je l’ai cru parti très loin très vite
C’était entre temps le retour de l’homme ignoble
S’il s’éteint un mardi
Il revit le lendemain, mercredi.
Son discours des jeudis
Est pareil aux oraisons d’Iblis
Il est présent partout
Comme jongle le caméléon avec tous les tons
Variables selon les circonstances.
Je l’entends parler, à la radio,
Il m’arrive de le retrouver sur une tour
www.menteurs.org
(6)
Gouvernant ne sachant rien à l’art
Ou la science de gouverner
Ses discours incohérents sont sans sagesse
Un gouvernement un peu trop débile composé de bâtards
Qui importunent comme la mouche du coche.
Peuple d’Egypte ! Vite ! Renverse la situation !
Tu seras sinon encore opprimé dans ta nuit !
(7)
Le gouvernement se soucie, dit-on, de ton bien
Avec amour, paraît-il, il veut tout donner pour ton avenir.
Dis-toi cela : ce que tes yeux voient est illusion.
Laisse tomber et reste décontracté
Crois à ce que tes oreilles entendent
Les gouvernants possèdent un coeur vivant
Un coeur qui bat et palpite au milieu du quartier,
Des balles réelles vivement anéantiront
Tous les êtres révoltés encore en vie.
Un moment pour se transformer en feux,
Toujours dans l’imbécillité
Qui ignore les révoltés et les insurgés
Ou même une prière pour le prophète.
Inexpérimenté et fantasque, de jour ou de nuit,
Jamais il n’a ressenti de la compassion pour les autres
Dans l’Etat des méchancetés potentielles
Tu le trouveras au fond du plus profond des coeurs endurcis.
La nourriture, il ne l’a pas donnée en aubaine aux pauvres
Cette charité était l’alibi pour humilier et donner des coups de pieds,
Infliger douleurs et souffrances prend avec lui toutes les formes
Et plusieurs couleurs brutales.
On le prendrait pour un humain sans âme
Presque mort bien que vivant de crises
Le branle-bas des balles tirées est pouls et pulsation
Et pour soulager le mal, il fait couler encore plus de sang sur la terre.
Le sang est celui des pauvres gens
Le sang est un sang de lumière
Des martyrs qui aiment ardemment une patrie et sa victoire certaine.
Les coeurs de nos jeunes sont doux comme une jeune pousse
Une goutte d’eau apportant l’espoir aux gorges assoiffées.
De jeunes gens et de jeunes filles farouchement sublimes
Ont tracé déjà la voie pour des lendemains meilleurs.
Le coeur est le coeur d’un peuple depuis toujours vaillamment jeune
La vérité est claire, le droit est précis,
Et quoi qu’il advienne un coeur vivant sera toujours un coeur de courage !
Dimanche, février 03, 2013
Amin Haddad
Poète égyptien né en 1958 au Caire. Fils du grand poète Fouad Haddad, il a fait des études à l’école polytechnique, département des communications en 1981.
A 23 ans, il a commencé à écrire des poèmes. Il a, à son actif, 4 recueils : Rihet al-habayeb (odeur des proches) en 1990, Halawet al-roh (le dernier souffle) en 1998, Fil mot haneïche (nous vivrons malgré la mort) en 2003, Badal faqed (un remplacement) en 2008, Min al-watane lel ganna (de la patrie au paradis) en 2012. En outre, il a publié un recueil de nouvelles pour enfants intitulé Al-Gaw gamil (il fait beau) en 2007. Amin Haddad est également un cofondateur du groupe Al-Charea (la rue). Ses poèmes sont également repris par le groupe Eskenderella, notamment durant la révolution du 25 janvier.
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