Arrêtez ces égarements
Ô hommes qui cherchent
A grimper insidieusement
Jusqu’aux hautes places des lieux élevés
Vous qui levez les bannières de l’islam
Sur la Place
Et guettez l’occasion de faire un pas
Glissant avec tout le mal,
Insalubre, malsain,
Arrêtez ces égarements.
Ne coupez pas les fleurs de notre jardin.
N’arrachez pas les fruits devant nos yeux.
Nous avons arrosé le jardin du sang des hommes libres,
Des martyrs vertueux.
Vous, vous étiez à l’intérieur des maisons et des mosquées.
Nous les hommes libres nous étions seuls
Comptant des blessés et des tués !
Arrêtez donc ces égarements !
Si un jour vous aviez seulement levé
L’étendard de l’humanité !
Si une fois vous aviez montré la fureur révoltée
Contre la tyrannie arrogante
Au coeur de la patrie
Y en a-t-il une seule preuve ?
Arrêtez d’induire en erreur et d’appeler la perte
Hier Yazid fut reconnu pour chef par fidélité et serment
Pour tirer de Moawiya un avantage tellement insignifiant !
Si notre subversion, notre révolte, n’avaient pas rejeté
Le second Moawiya, l’excluant, sans rémission,
Vous vous seriez réunis pour avis et consultation,
Pour le choisir, le reconnaître, lui et son fils.
Quand dans la paume de la main vous avez recueilli
L’objet escompté de vos désirs
Vous avez fait des voeux pour lui
Et invoqué toutes sortes de louanges !
Malheur à ceux qui ont financé des troubles
Et ceux qui ont reçu une fortune, où l’argent est maudit.
Maudite la connivence du marchandage !
Arrêtez ces égarements
Cette histoire qui vous appartient est oppression, humiliation …
Crimes
Dont la honte va demeurer
Et des complots, dont l’embrasement
Sera un feu d’enfer au terme d’un châtiment exemplaire.
Arrêtez ces égarements !
Vous avez fait un semblant de foi avec quelques mots,
Et la religion, l’unique, la seule, c’est l’islam, le vrai,
Et certaines paroles en apparence sont là pour alléguer
Qu’il n’y a pas d’autres solutions possibles
A part l’islam,
Le sens caché par-delà les mots des discours
C’est une violation du pouvoir
Ourdie dans les ténèbres
Par un désir, une passion, d’être raffermi et maître
Des pleins pouvoirs !
Arrêtez ces égarements …
Vous aspirez aux délices de l’au-delà ?
Gardez-les si vous êtes sincères
Laissez le monde ici-bas
A ceux qui savent sauver la patrie
De la mare stagnante de l’obscure ignorance !
Arrêtez ces égarements
Cela suffit !
On n’a pas résisté sur la Place
Pour que le Coran soit Constitution
Ni même l’Evangile !
Ces Textes sont certes paroles sacrées
De Dieu,
Que Sa Gloire soit proclamée,
Et leurs lois ne connaîtront jamais
Changements ou divergences,
Ils sont Parole de Dieu
Le fond demeure dans chaque mot tracé.
Mais la Constitution est un pacte de la société,
Choisie par une génération pour être remise à une autre
Génération
Qui un jour l’augmentera
Ou supprimera une partie ou modifiera le tout.
Arrêtez ces égarements
Halte-là !
Il n’y a point de différence pour nous
Entre Jésus ou Mohamad
L’Elu, l’Aimé,
Considéré avec estime et respect autant que Moïse
Ou Abraham, Ibrahim, l’ami de Dieu.
N’avez-vous pas vu
Que les noms de tous les prophètes
Avec les noms de tous les anges
Sont écrits en lettres d’alphabet arabe
Et pourtant les signes diacritiques qui les vocalisent
Ont la résonnance de la langue des Hébreux ?
Souvenez-vous
L’omniprésence
D’Israfil
Djabraïl
Mikaïl
Izraïl.
Arrêtez ces égarements
Les scientifiques n’ont pas pris les laboratoires
Pour des temples
Pour arriver à l’apostasie
Mais pour atteindre la Vérité qui seule sera vénérée
La vérité sacrée qui mène l’homme au progrès
Quelle que soit son appartenance.
Sachez que les vies volontaires n’ont pas été sacrifiées
De plein gré
Pour que leur science soit islamisée.
Ils n’ont pas fait de l’Histoire
Un positivisme et un fait de raison
Pour une révision de l’histoire d’Ishaq et d'Ismaïl.
Arrêtez ces égarements, vous ne pouvez pas
Effacer les empreintes de gloire du pays
Vous ne pourrez pas faire table rase de l’héritage
Des Ancêtres : Ahmosis ou Thoutmosis,
Si la rigueur de l’épée veut ignorer ce savoir !
Et puis à la solde de qui ? Dites-moi …
De ces tribus de cow-boys nomades
Petis-fils d’Israël !
N’avez-vous rien d’autre à exprimer
Que des injures envers nos Aïeux ?
Et pour assouvir des haines secrètes ?
Encore une fois : Arrêtez vos égarements !
L’Histoire est marquée
Par le sceau du premier monothéisme d’Akhénaton
Qui a précédé la révélation de l’islam.
Osiris marcha et puis Jésus se leva, parmi les hommes,
Votre imagination malade vous a-t-elle permis
De voir et comprendre ?
Eh bien non, votre imaginaire est stérile.
Arrêtez ces égarements !
Ne leurrez pas les gens simples
D’esprit, pour les égarer loin de leur patrie.
N’allez pas les piéger
Parmi les peuples de la terre
Tels des captifs faits prisonniers
De la religion.
Ils sont pauvres et leur misère
Les éloigne de leur Egypte
Et du Nil !
Arrêtez ces égarements,
Pour nous les bienfaits du Nil
Sont aussi précieux que l’eau de Zamzam
Zamzam a été béni, oui, certainement,
Mais ce n’est pas ce puits qui nous aide à vivre
Et ce n’est pas Salsabil, la source du paradis …
Arrêtez ces égarements
Nous suivons l’héritage des pères
S’ils avaient été Juifs ou bien Chrétiens
Nous aurions ressemblé à nos pères malgré tout.
La croyance est un héritage
Transmis comme un bien précieux.
Pourquoi donc engendrer des luttes ?
Pour quelle raison forcer abus et violences
Et oser dire ensuite qu’en la religion il y a une faveur
Que nous n’avions jamais au fond mérité ?
Que resterait-il de la supériorité d’une préférence ?
Celui d’entre vous qui s’est converti à l’islam
Et qui n’avait pas reçu cette foi de son père
Qu’il avoue franchement :
Qui donc était son père ?
Quelle était sa religion ?
Quand et comment fut le passage à la conversion ?
Arrêtez ces égarements !
Arrêtez le lavage des cerveaux des innocents
Le remplissage des crânes d’inepties et d’incohérences.
Arrêtez de sonner l’hallali
Pour que les femmes traquées
Retournent cloîtrées
Dans des cabinets particuliers
Telles des esclaves de harem et des servantes
L’époque de la captivité par contrainte et des gages
Des frères en religion est révolue,
Tout retour en arrière est impossible.
Arrêtez ces égarements
Entre nous il y a tant de distances
Des milles et des miles
Et nous, nous avons suivi notre chemin
Nous avons dit :
Mettons les lois d’un accord commun
De notre constitution civile
Il ne faut pas saboter
Et il ne faut pas trop attendre les lendemains !
Cette immense patrie n’est pas une mosquée
Envahie d’exhortations moralisantes
Autour de choses illicites prohibées
Ou la permission de choses licites ! .
Hassan Teleb
Né en décembre 1944 à Sohag en Haute-Egypte. Il est diplômé en philosophie de l’Université du Caire, à la fois poète et professeur de philosophie à la faculté des lettres. Son oeuvre poétique est influencée par le rapport entre l’art et l’Histoire, notamment religieuse, pour un poème qui transcende les tabous, aux niveaux de la forme et du contenu. Le long poème dont nous publions ici un extrait a été écrit après la révolution du 25 janvier 2011, entre les mois d’avril et de septembre de la même année. Il a publié une dizaine de recueils de poèmes, le premier était intitulé Wachm aala nahday fatah (tatouages sur les seins d’une fille), éditions Oussama. Mawaqef Abi Ali, wa rassaëloh wa aghanih (illuminations d’Abou-Ali, ses lettres et ses chansons) en 2002 aux éditions du Conseil suprême de la culture. Il a également publié deux essais philosophiques, à savoir : Al-Moqaddass wal-gamil (le sacré et le beau) et Asl al-falsafa (l’essence de la philosophie). Il a reçu en 1995 le prix de poésie Cavafis décerné en Grèce. Des extraits de sa poésie ont été traduits vers le français et publiés dans la revue Action poétique.
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