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Nouvelle édition, même version

Dina Kabil, Mardi, 17 mars 2015

La Rencontre internationale du Caire du roman arabe est de retour. Sa 6e édition n’est parvenue à renouveler ni le fonctionnement ni les sujets abordés.

Nouvelle édition, même version
200 écrivains et critiques arabes ont pris part à la rencontre.

La Rencontre internationale du Caire du roman arabe est de retour. Cette seule affir­mation suffirait à provoquer l’enthousiasme. Après cinq ans d’ab­sence, la 6e édition de la rencontre, créée en 1998 par Gaber Asfour, alors secrétaire général du Conseil Suprême de la Culture (CSC), revient avec 200 invités arabes, écrivains et critiques confondus, sous le thème « Les Transformations et l’esthétique du roman ».

Pourtant, lors de l’ouverture de la rencontre dans la petite salle de l’Opé­ra du Caire, tout le monde avait l’air déboussolé. L’inauguration coïncidait, en effet, avec le récent remaniement ministériel. Le créateur de cet événe­ment, le ministre de la Culture Gaber Asfour, qui a veillé aux moindres détails de cette rencontre, venait de quitter son poste. Quant au nouveau ministre, Abdel-Wahed Al-Nabaoui, il était à la conférence économique de Charm Al-Cheikh auprès d’Al-Sissi. Le nouveau ministre devrait être pré­sent à la clôture de la conférence, le 18 mars, pour décerner le prix du roman arabe.

Les mots de la séance inaugurale se réjouissent de transgresser l’obscu­rantisme du pouvoir islamiste, mais n’ont pas pu dissimuler les craintes de nombreux écrivains arabes. Mohamad Affifi, actuel secrétaire général du CSC, a terminé son allo­cution par : « Vive l’Egypte, Etat laïque, constitutionnel et moderne ». Quant à l’écrivain et critique maro­cain, Mohamad Berrada, il a insisté sur le renouveau arabe face aux ten­dances passéistes, exploitant la reli­gion à des fins politiques et idéolo­giques. « Le roman arabe a toujours résisté, en creusant dans une terre rétrograde en quête d’un élan vers l’avenir ». Pour Berrada les années soixante, dans le domaine du roman arabe, ont ainsi vu naître un discours autre que celui du pouvoir.

Le Tunisien Choukry Al-Mabkhout, président de l’Université de Manouba et écrivain figurant dans la shortlist du Booker du roman arabe, s’est, lui, montré optimiste : « Vous vous êtes bien sortis de l’emprise des Frères musulmans. Mais je reste sur mes gardes, que ce soit pour l’Egypte ou pour la Tunisie. Je suis pour les liber­tés et je crains que la période actuelle ne vienne contrarier les libertés fon­damentales ».

Donner un sens à La rencontre
La Rencontre internationale du roman arabe devrait avoir deux objectifs : d’un côté, étudier la posi­tion de la narration arabe après les soulèvements tumultueux des der­nières années ; de l’autre, promou­voir l’idée d’une rencontre « profes­sionnelle » facilitant les échanges entre les scribes arabes. Mais ces deux objectifs ne pourront être accomplis sans réformer la rencontre en profondeur.

Le discours même des intervenants, dans les séances « scientifiques », comme on les appelle, est archaïque. Idem pour les études comparées, absentes de la rencontre et qui auraient pu rapprocher et disséquer les univers littéraires des écrivains. Enfin, la rencontre a complètement omis les efforts des académiciens et des universitaires dans ce domaine, ou même les dernières traductions de théories littéraires.

La forme classique du « colloque » est restée la même : emprise des figures âgées (même si on ne cesse de souligner le sang neuf qui devrait s’écouler dans les veines de la vie intellectuelle), avec les mêmes repré­sentants arabes de chaque pays, qui étaient déjà présents en 1998. Comme si le Maghreb ou le Machreq arabe étaient éternellement liés à ces mêmes personnalités !

Les tables rondes étaient la seule bouée de sauvetage de la rencontre, donnant libre cours aux discussions, loin de l’estrade, pour débattre entre écrivains, critiques et public des thèmes comme le fantastique dans le roman, les nouveaux phénomènes du roman arabe ou les best-sellers d’au­jourd’hui.

Une autre voie salutaire, de cette 6e Rencontre, fut l’hommage présenté au grand romancier et journaliste Fathi Ghanem (1924-1999), figure de l’intellectuel rebelle, qui a toujours su garder ses distances avec le pouvoir.

200 000 L.E. de prix
La remise du « prix du Caire du roman arabe » sera annoncée le 18 mars, lors de la clôture de la rencontre. Ce prix est désormais de 200 000 L.E. Lors de la 1re édition en 1998, le prix est allé au Saoudien Abdel-Rahman Mounif, puis en 2003 à l’Egyptien Sonnallah Ibrahim qui l’avait refusé, accusant le pouvoir en place de corruption et d’oppression. En 2005, il est allé au Soudanais Al-Tayeb Saleh, puis en 2008 à l’Egyptien Edouard Al-Kharrat et en 2010, au Lybien Ibrahim Al-Kouny.

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