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Ahmad Al-Qarmalawi : Il ne faut pas limiter le talent de l’écrivain à un livre primé

Propos recueillis par Rasha Hanafy, Mardi, 09 novembre 2021

Ahmad Al-Qarmalawi vient de décrocher le prix Katara pour la fiction, avec son roman Warassate Al-Cheikh (les héritiers de la famille Al-Cheikh). Un livre qui raconte la vie des gens simples. Il s’exprime sur son parcours.

Ahmad Al-Qarmalawi

Al-Ahram Hebdo : Le prix littéraire Katara n’est pas votre premier prix. Vous avez également remporté celui du Cheikh Zayed, en 2018, catégorie livre de jeunesse ; et celui du meilleur livre, en 2019, à la Foire du livre du Caire. Que représente pour vous ce dernier prix ?

Ahmad Al-Qarmalawi: Le prix Katara est assez spécial pour moi, car je l’ai eu pour un roman qui m’est particulièrement cher, c’est le plus difficile sur le plan de l’écriture, à comparer avec le reste de mes oeuvres. Katara se distingue aussi par son intérêt à traduire les romans lauréats en plusieurs langues. Et c’est une belle opportunité d’atteindre un lectorat plus large, dans de différents pays. En outre, C’est un prix arabe assez prestigieux, auquel participent des auteurs très variés et les lecteurs s’intéressent à les suivre et à découvrir leurs oeuvres. Les textes qui ont déjà reçu le prix sont souvent adaptés à l’écran et ont donné lieu à des séries de télévision intéressantes, de quoi leur permettre de toucher plus de gens.

Warassate Al-Cheikh

— Le roman primé Warassate Al-Cheikh (les héritiers de la famille Al-Cheikh) raconte l’histoire de gens simples, qui s’étend sur cinq décennies, avec beaucoup de détails sur la vie des villes, des villages et des ruelles en Egypte. Quelles étaient les circonstances d’écriture ?

J’ai commencé à écrire ce roman il y a environ sept ans. J’étais occupé à l’époque par une légende circulant dans ma famille, à propos d’un trésor en or enterré dans notre ancienne maison familiale. La légende disait que le trésor était gardé par un singe galeux. Cette maison était dans le quartier populaire de Gamaliya (Vieux Caire fatimide), où le charme de la ville antique et son mystère sont très puissants. Mais j’ai arrêté l’écriture, après avoir achevé deux chapitres, de peur d’écrire un roman générationnel, et je n’avais ni les éléments nécessaires, ni la confiance en moi-même pour un tel exploit. Je me suis remis à écrire cinq ans plus tard, et je me suis bourré d’histoires et de personnages, étant devenu plus sûr de ma capacité à écrire un roman générationnel. Et ce, dans une technique différente, n’imitant aucun autre roman célèbre du genre. Il a fallu à peu près un an et demi pour écrire, éditer et réviser le roman.

— Certains estiment que, dans le monde arabe, les prix ne sont souvent qu’un outil pour orienter l’opinion publique, alors que de vrais talents sont rarement récompensés. Qu’en pensez-vous ?

— Généraliser cette idée et l’appliquer à tous les prix culturels dans le monde arabe serait injuste. Il ne faut pas négliger que des prix littéraires ont contribué à présenter de talents littéraires importants, tels Saoud Al-Sanoussi, Ahmad Tibawi, Aziz Mohamad, Hammour Ziada, entre autres. En fait, je n’aurais pas connu leur production littéraire sans leur accès aux podiums. Je considère que décrocher des prix littéraires constitue une vraie reconnaissance du talent de l’auteur, de la valeur de ses textes. Mais il ne faut pas limiter le talent de cet écrivain au produit littéraire primé, parce qu’il possède peut-être d’autres ouvrages qui méritent également d’être récompensés.

— Vous avez publié cinq romans et deux recueils de nouvelles. Quels sont vos critères de choix? La nouvelle constitue-t-elle une période de repos entre deux grands projets de fiction ?

— C’est l’idée qui me guide. Il y a des idées qui peuvent être abordées sous la forme de nouvelles, et d’autres qui s’imposent en roman. Quand j’ai une idée qui vaut d’être rédigée sous la forme d’une nouvelle, je n’essaie pas de la développer pour en faire une fiction plus longue. Les étapes de préparation diffèrent d’un genre à l’autre. Le roman a besoin d’un plan de travail plus long et plus détaillé, pour élaborer le noeud de l’intrigue et la construction dramatique. Il exige aussi une préparation approfondie des personnages, de leurs histoires et leur nature. Tandis que la nouvelle a besoin de préparer le ton du récit, l’intensification et la dissimulation de l’histoire implicite, pour surprendre le lecteur au moment précis. Cependant, l’écriture d’une nouvelle n’est pas une période de repos entre deux grands projets de fiction. Parfois, rédiger une nouvelle pourrait être plus difficile et plus stressant.

— Vous avez souvent évoqué l’influence de Naguib Mahfouz sur vous, dès votre enfance. Que lisez-vous et quels sont vos écrivains favoris ?

— Je lis des livres anciens et modernes, en littérature, en philosophie, en histoire et en sciences. Je lis en anglais comme en arabe. J’ai été influencé par Al-Tayeb Salih, Sabri Moussa, Khaïri Chalabi, Ibrahim Aslan, entre autres, ainsi que par Marquez, Faulkner, Camus, Steinbeck et Munro.

— Vous êtes également traducteur. Quelle oeuvre littéraire souhaitez-vous traduire ?

— A vrai dire, je n’ai qu’une seule expérience en traduction! Il est donc difficile de la considérer comme une « expérience » au sens large et évaluable. Mais je l’ai beaucoup appréciée et j’ai découvert à travers l’éminent écrivain français Didier Blonde le style d’écriture qui allie déclaratif, littéraire et lyrique poétique parfois.

Lire une oeuvre afin de la traduire diffère de sa lecture pour le plaisir. Le traducteur explore minutieusement le texte. Je souhaite avoir d’autres expériences dans le domaine de la traduction, pas forcément littéraire. Si, à titre d’exemple, William Faulkner a des livres non traduits, j’aimerais bien le traduire, si j’ai l’occasion.

— De nombreux romanciers et nouvellistes ont tenté le théâtre. Et vous ?

— J’avoue que c’est un vieux rêve lié à mes débuts dans le champ d’écriture. Quand j’étais au lycée, j’ai commencé à écrire des sketchs théâtraux et à participer à leur présentation sur scène. Etonnamment, je travaille actuellement sur un projet étroitement lié à l’écriture dramatique, et je souhaite qu’il soit apprécié par les lecteurs.

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