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Le roman des tristes vérités

Rasha Hanafy, Dimanche, 11 avril 2021

La Disparition de Monsieur Personne est une intrigue policière qui met en avant la vie des marginaux.

Né en 1980 à Médéa, Taibaoui est professeur de gestion à l’Université de Bouira, en Algérie. Il a déjà signé quatre ouvrages, outre le roman qui lui a valu le prix. Un roman policier, assez sombre. Les événements sont très stressants et le personnage principal s’expose à de nombreuses crises: la pauvreté, la perte et la recherche de sens dans une société qui ne se soucie de marginalisés, ni les voit, ni leur donne de noms. « Malgré l’obscurité du roman, son langage satirique, concis et poétique, sa construction solide, son suspense et son intrigue policière bien maîtrisée incitent le lecteur à le lire de bout en bout et à constater que les personnages sont presque tous M. personne. Car tout le monde porte une caractéristique de non-existence et de marginalisation dans un monde qui ne voit, ni ne distingue les gens », fait remarquer Hebba Sherif, ancienne professeure de littérature à l’Université du Caire et membre du jury du prix Mahfouz, dans le communiqué de presse publié à la suite de la déclaration du nom du lauréat, le 31 mars dernier.

Le roman traite de la valeur et de la fragilité de l’existence humaine. Il pose de bonnes questions: si une personne choisit de devenir inexistante ou qui disparaît soudainement de la vie de tout le monde, comment prouver qu’elle a déjà existé? Comment prouver qu’elle était vivante parmi nous et qu’elle avait un nom? Le personnage principal du roman, M. Personne, est un jeune universitaire qui a obtenu son diplôme, mais n’a pas trouvé de travail. Sans abri, il se nourrit de déchets qu’il cherche dans les poubelles et dort à la belle étoile. Pour s’en sortir, il a été contraint de prendre soin d’un vieil homme, à la place de son fils qui a émigré. La maladie a creusé la mémoire du vieil homme et M. Personne est fatigué de cette vie en marge de tout. Il décide alors de partir, ne laissant aucune trace derrière lui, sauf le corps de ce vieil homme.

C’est à partir de cette disparition que le dilemme du roman prend force. D’autres personnages commencent à apparaître, tel celui du policier qui essaie de savoir qui est exactement M. Personne, pour pouvoir l’arrêter. Durant sa recherche, la réalité des divers personnages du roman se présente progressivement au lecteur, et de nombreux secrets sont révélés. « Les personnages resurgissent et sont décrits dans un style sombre et intense. C’est le roman des vérités désagréables », assure Humphrey Davies, traducteur et membre du jury, toujours dans le communiqué de presse publié par l’Université américaine.

Parmi les personnages du roman figure Osman, l’intellectuel révolutionnaire, qui en raison de sa marginalisation, a fini par se suicider, en signe de protestation contre une société injuste. Jalal Al-Aamash, qui vit dans les cimetières et se transforme en un véritable monstre, vendant les os et les squelettes des morts aux médecins et chercheurs, agit lui aussi en représailles. Il veut se venger des personnes qui ont détruit ses rêves et lui ont volé sa vie. L’imam de la mosquée se marie une deuxième fois pour combler ses désirs, mais il le fait en cachette pour ne pas perdre le respect des gens du quartier. Le policier Rafiq Al-Nassiri, qui mène l’enquête sur la disparition, a tenu tête aux « fantômes gouvernant le pays » et a payé le prix. Un roman sur la douleur humaine, avec une fin ouverte. C’est aux lecteurs, chacun à son gré, d’imaginer le dénouement à même de le convaincre .

Ikhtifä Al-Sayed la Ahad (la disparition de Monsieur Personne), d’Ahmed Taibaoui, aux éditions El-Ikhtilaf en Algérie et Difaf au Liban, 2019, 120 pages.

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