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Rêver pour échapper au réel

Rasha Hanafy, Mardi, 14 juillet 2020

Le dernier ouvrage de l’écrivain et journaliste égyptien Hassan Abdel-Mawgoud, Horoub Faténa (guerres fascinantes), lui a valu le prix Youssef Idriss de la nouvelle, organisé par le Conseil suprême de la culture. C’est le fruit d’un travail assidu et d’un désir de laisser ses marques sur la scène littéraire.

Rêver pour échapper au réel

Le conflit entre réalité et rêverie est fascinant pour le journaliste, romancier et nouvelliste Hassan Abdel-Mawgoud. La preuve en est qu’il y a consacré son dernier recueil de nouvelles Horoub Faténa (guerres fascinantes), publié aux éditions Al-Kotob Khan.

Il y est question de dix nouvelles, à propos de dix personnages très différents, sur tous les plans. L’auteur les décrit habilement physiquement et psychologiquement, sans lasser les lecteurs ; bien au contraire, il est parvenu à attirer leur attention jusqu’au bout. Son vrai défi était de rédiger un récit plein de détails, portant sur le conflit éternel entre rêve et réalité, avec notamment des descriptions à couper le souffle. Un pari réussi.

Les personnages du livre sont tous en chair et en os. On a l’impression de les croiser dans les rues ou dans les divers lieux de travail. Ils se résignent tous à la réalité dans laquelle ils vivent. Ils ne résistent que dans la tête, en rêvassant.

Dans la nouvelle Al-Ghoraf Al-Mansiya (les pièces oubliées), il s’agit d’un fonctionnaire dans un organisme qui a été créé au temps de la République arabe unie (l’union entre l’Egypte et la Syrie, de 1958 à 1961). L’auteur y a songé longuement. Il fallait imaginer un organisme où il n’y avait que deux personnes : le fonctionnaire et un planton ! Ce sont deux êtres délaissés à leur sort ; même le gouvernement qui leur paye leur salaire à la fin du mois semble les avoir oubliés.

L’humour noir de Abdel-Mawgoud ne se limite pas aux petites disputes entre les deux personnages principaux, mais s’étend à des scènes d’amour où le fonctionnaire confond son épouse décédée et la femme de ménage qui vient nettoyer le bureau. Il ressent les vêtements de la première, alors qu’il pense à la deuxième, et finit par faire l’amour avec cette dernière, sous la photo officielle de Nasser, le leader de la République unie !

Sans révolte

Autre nouvelle du recueil, celle qui narre l’histoire d’un banquier portant un pyjama, sous sa chemise et son pantalon. Il s’agit d’un personnage qui résiste à la réalité par le sommeil. Il s’endort en ayant les yeux ouverts, en travaillant, en conduisant, même en admirant la peinture d’une fille nue. Dans cette nouvelle qui s’intitule Al-Nawm maa Fatat Modigliani (coucher avec la fille de Modigliani), l’écrivain effectue une comparaison entre les beaux portraits des jeunes filles du peintre et sculpteur italien Modigliani (1884-1920) et les personnages aux formes rondes et voluptueuses du peintre et sculpteur colombien Botero (1932). Qu’ils soient instituteur, banquier, fonctionnaire, journaliste, soldat, membre du parti communiste, ou autres, les personnages de Guerres fascinantes ne s’insurgent guère. Ils ne sont pas du genre révolté. Bien au contraire, ils acceptent la réalité et n’essaient pas de la changer, à cause de leur faiblesse ou de leur indifférence. Ils détestent cependant leur vie et tentent de la fuir en rêvant ou en dormant. .

Né en 1976, Hassan Abdel-Mawgoud a déjà publié deux recueils de nouvelles : Sah wa Khataa (faute et omission) en 2016, et Saq Wahida (jambe unique) en 2013. Et ce, outre deux romans Nassiyat Bata (au coin du magasin Bata) et Aïn Al-Qett (l’oeil du chat).

Horoub Faténa (guerres fascinantes), de Hassan Abdel-Mawgoud, aux éditions Al-Kotob Khan, 2018. 134 pages.

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