
« Ding Jinhao a visité ce lieu », a écrit un touriste chinois sur une fresque du temple d’Amenhotep.
Dans la plupart des pays, graffiter l’espace public est une pratique illégale. Cela revient àune dégradation volontaire d’un lieu public, un fait généralement passible de peines de prison. Il y a quinze jours àLouqsor, un touriste chinois a taguéson nom sur le corps du Dieu Amon, dans l’enceinte du temple d’Amenhotep III. «Ding Jinhao a visité ce lieu », a écrit le visiteur, soulevant un tolléauprès des internautes chinois qui ont dénoncécet acte de vandalisme.
Mais la différence entre un acte de dégradation et une pratique artistique créative n’est pas toujours aussi simple. En France en 2008, un tandem respectédu graffiti a étéarrêtéaprès 7 mois d’enquêtes et 2 mois de filatures quotidiennes. Vices et Azyle ont écopéd’une amende de 600 000 euros et d’une peine de prison. L’aspect créatif de leur travail n’a pas réussi àalléger leurs peines.
Les Frères, nouvelles muses des créateurs
L’art de la politique, on connaît. La politique de l’art, on connaît aussi. C’est celle qui est inexistante aujourd’hui, celle qui insurge tous les intellectuels du pays, en guerre ouverte contre le nouveau ministre de la Culture, « l’homme des Frères ». Ce que l’on connaît moins par contre, c’est la politique dans l’art, c’est-à-dire la politique comme influence essentielle d’une oeuvre ou d’un courant artistique. Dans un entretien à l’Hebdo (voir nº 976), le producteur Mohamad Al-Adl affirmait : « On ne peut pas être Frère et créatif à la fois ». Peut-être, mais …
Si un rapide coup d’oeil à la scène artistique actuelle lui donne raison — l’immense majorité des artistes considérant les Frères comme quelque chose entre la peste et le choléra — il faut bien rendre à César ce qui appartient à César. Les Frères sont des inspirateurs, des muses en quelque sorte. Grâce à eux, des oeuvres naissent et vivent. Grâce à eux, des artistes émergent. Grâce à eux, l’art se développe et se donne une raison de vivre. Merci !
Des exemples ? Le Parlement de la révolution de Bassem Yousri : une installation drôle et critique sur la première Assemblée du peuple dominée par les Frères. Le jeune artiste y tourne en dérision des députés plus idiots les uns que les autres, aux barbes proéminentes et autres monaqabat. Pour cette oeuvre : merci ! Keizer : le tagueur fait le pochage d’un chien qui défèque. Sous la défécation est écrit : « les Frères ». Pour ce clin d’oeil : merci encore ! Alaa Awad : sur l’une des peintures murales du peintre, le président est adoré tel un petit pharaon endormi en manque de reconnaissance. Pour cette fresque : double merci ! La liste est longue, mais la conclusion est claire : sans les Frères, ces oeuvres et leur puissance combattante n’auraient jamais existé. Malgré toutes les critiques adressées à leur encontre, il faut bien reconnaître que les Frères sont aussi des muses très fertiles … .
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