«
Ceux-là, ils ne fonctionnent que par protestations ! Ils ont la peau dure! ». Une tirade lancée par l’un des passants, un chauffeur de taxi, en face du syndicat des Journalistes, là où les intellectuels égyptiens ont tenu leur 1re conférence, précédée par un sit-in sur les fameux escaliers du syndicat. Une protestation «
hautement » intellectuelle, avec des banderoles calligraphiées et des demandes en rimes, sur fond de mélodie de Ramy Essam, un jeune chanteur néophyte, icône des 18 jours de sit-in du 25 janvier.
Ce chauffeur de taxi, comme une grande partie de la population, a assimilé la leçon alors que les intellectuels ne l’ont pas encore saisie. Les simples protestations contre la « frérisation » des institutions (c’est-à-dire les transformer en des fiefs dépendants des Frères musulmans) ne sont pas suffisantes : il faut absolument des mesures concrètes.
Même s’ils se sont organisés pour la première fois, ces intellectuels tous azimuts, à la suite de la nomination du ministre de la Culture dit proche des Frères musulmans, même s’ils ont essayé d’élargir le domaine de leur protestation, ne s’arrêtant pas à la personne sine qua non du ministre mais s’opposant à toute tentative de donner à la culture l’empreinte des Frères — une empreinte bornée et extrêmement conservatrice — ce n’est pas suffisant.
L’écrivain Bahaa Taher ne l’a-t-il pas souligné lors de son intervention à la conférence ? « Le problème n’est pas dans le ministre même, mais dans celui qui l’a choisi pour être à la tête de la vraie puissance de l’Egypte, la culture ».
Et les autres ? Les représentants des gens du théâtre, des syndicats des Acteurs, du Cinéma ... eux aussi ont diversifié leurs demandes entre protestations graduelles en face des institutions culturelles jusqu’à un sit-in ouvert envisagé pour fin juin. Ou encore un bras de fer très doux, pour ne pas dire naïf, qui consiste à tenir des manifestations culturelles dans l’enceinte des institutions culturelles, défiant ainsi le nouveau ministre et refusant sa présence ou sa représentation dans « leurs » événements. Mais cela ne suffit pas.
Comme la conférence nationale du théâtre (du 27 au 29 mai) qui devrait avoir lieu dans les locaux du Conseil suprême de la culture mais en l’absence « délibérée » du ministre, de son parrainage ou d’ouverture officielle. « Ce sont nos institutions à nous, les payeurs d’impôts », s’indigne la metteuse en scène Abir Ali.
La seule chose efficace était d’annoncer dans le communiqué des intellectuels, à la clôture de la conférence, un rapprochement avec les initiateurs de la campagne Tamarrod, une campagne qui réunit des millions de signatures pour retirer la confiance du peuple au président de la République et pour tenir des élections présidentielles anticipées. Il faut se rendre compte enfin que le problème n’est pas propre à la culture mais à toute la patrie. « Rebiffez-vous ou crevez ! », a dit joliment le poète Amal Donqol .
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