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Delvalle, une nouvelle vision de l’histoire

Abir Abdel-Hafez, Mardi, 14 mars 2017

La traduction arabe du roman d’Alcibiades Gonzalez Delvalle, Un Viento Negro, publiée la semaine dernière, permet au lecteur arabe de découvrir une littérature sud-américaine jusque-là peu connue, celle du Paraguay.

Delvalle, une nouvelle vision de l’histoire
Le colloque tenu au Centre national de la traduction, à l'occasion de la sortie de la version arabe du roman.

A la fin des années 1940 et au début des années 1950, la lit­térature sud-améri­caine a commencé à se frayer un chemin hors de ses fron­tières. C’est à ce moment-là que de grands noms de la litté­rature moderne comme Juan Rulfo, Julio Cortazar, Gabriel Garcia Marquez, Mario Vargas Liosa ou Gabriela Mistral ont commencé à se faire connaître. Aujourd’hui largement com­mercialisées, les oeuvres de ces auteurs nous ont permis de découvrir ce « nouveau monde » littéraire.

La littérature sud-américaine était l'objet d'un colloque tenu au Centre national de la traduction, la semaine dernière. Comme toute littérature régionale, elle réunit des caractéristiques qui lui sont propres et qui la rendent singulière. Il est tout à fait nor­mal que certains sujets, représentant les préoccupations et les particulari­tés de cet espace du monde, revien­nent de façon récurrente. Les sujets les plus abordés dans la littérature sud-américaine sont par exemple la dictature, la civilisation préhispa­nique et le métissage. Toutes ces thématiques ont au fil du temps com­posé les ingrédients essentiels d’un menu littéraire varié et harmonieux.

Delvalle, une nouvelle vision de l’histoire

Il va sans dire que les récits et les personnages incarnés dans la littéra­ture de cette partie du monde ont un lien intrinsèque avec les faits histo­riques et les mouvements politiques qui ont marqué le peuple sud-améri­cain. Ces caractéristiques, on les retrouve dans la production de la génération d’écrivains à laquelle appartiennent Gael Garcia Marquez et Augusto Roa Bastos, le célèbre écrivain paraguayen dont le cente­naire sera célébré cette année.

C’est en hommage à cette géné­ration d’écrivains qu’a été publiée la traduction du roman Un Viento Negro (un vent noir) du romancier paraguayen Alcibiades Gonzalez Delvalle, qui avait remporté un grand succès dès sa publication et reçu de nombreux prix. Ce roman, outre sa qualité littéraire, apporte également des informations importantes sur l’histoire du Paraguay, puisqu’il retrace en détail la dictature du président Alfredo Stroessner qui a duré plus de 35 ans (1954-1989).

Entre histoire et biographie

Delvalle, une nouvelle vision de l’histoire

Un Viento Negro fait partie de la littérature du témoignage car le roman présente une grande partie de l’histoire du Paraguay, mais égale­ment une partie de la vie du roman­cier qui a confirmé à plusieurs reprises que tous les événements du roman sont des faits réels. L’histoire d’une vie et celle d’un pays s’amal­gament harmonieusement dans ce roman jalonné de témoignages vivants de cette ère « noire » de l’histoire du Paraguay où la torture, les disparitions, les détentions et les assassinats étaient monnaie cou­rante.

Le roman est divisé en cinq cha­pitres. Chacun raconte la vie d’une victime, en majorité des jeunes, qui ont formé ce qui a été appelé à l’époque les coopératives agricoles chrétiennes, pour aider les paysans et les familles qui cultivaient alors les terres. Une formule de soutien qui avait été refusée par le régime au pouvoir et qui donne lieu dans le roman à une série de narrateurs qui racontent ces événements sur un ton humain, évoquant le passé mais fai­sant référence au présent, voire à l’avenir.

Outre l’aspect historique dominé par un style journalistique, le roman relate la civilisation du guarani qui était la langue parlée par les habi­tants du pays avant l’occupation espagnole. Contrairement à de nom­breux pays d’Amérique latine, les Paraguayens ont conservé leur lan­gue d’origine pour devenir en quelque sorte l’un des rares pays sud-américains bilingues. Grâce à des passages rédigés en guarani, le lecteur découvre les spécificités culturelles et anthropologiques de cette partie de l’Amérique latine. La traduction vers l'arabe, réalisée par le Centre de la traduction nationale, permet au lecteur arabe d’accéder à un nouveau type de littérature. L’Amérique latine étant jusque-là représentée uniquement par l’Argen­tine, le Mexique, le Chili, le Pérou et la Colombie. Cette nouvelle généra­tion d’auteurs traduits vers l’arabe constitue une source de connais­sance et une ouverture culturelle riche pour le public arabophone .

Professeure de langue et de littérature espagnoles à l'Université du Caire

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