Le colloque tenu au Centre national de la traduction, à l'occasion de la sortie de la version arabe du roman.
A la fin des années 1940 et au début des années 1950, la littérature sud-américaine a commencé à se frayer un chemin hors de ses frontières. C’est à ce moment-là que de grands noms de la littérature moderne comme Juan Rulfo, Julio Cortazar, Gabriel Garcia Marquez, Mario Vargas Liosa ou Gabriela Mistral ont commencé à se faire connaître. Aujourd’hui largement commercialisées, les oeuvres de ces auteurs nous ont permis de découvrir ce « nouveau monde » littéraire.
La littérature sud-américaine était l'objet d'un colloque tenu au Centre national de la traduction, la semaine dernière. Comme toute littérature régionale, elle réunit des caractéristiques qui lui sont propres et qui la rendent singulière. Il est tout à fait normal que certains sujets, représentant les préoccupations et les particularités de cet espace du monde, reviennent de façon récurrente. Les sujets les plus abordés dans la littérature sud-américaine sont par exemple la dictature, la civilisation préhispanique et le métissage. Toutes ces thématiques ont au fil du temps composé les ingrédients essentiels d’un menu littéraire varié et harmonieux.
Il va sans dire que les récits et les personnages incarnés dans la littérature de cette partie du monde ont un lien intrinsèque avec les faits historiques et les mouvements politiques qui ont marqué le peuple sud-américain. Ces caractéristiques, on les retrouve dans la production de la génération d’écrivains à laquelle appartiennent Gael Garcia Marquez et Augusto Roa Bastos, le célèbre écrivain paraguayen dont le centenaire sera célébré cette année.
C’est en hommage à cette génération d’écrivains qu’a été publiée la traduction du roman Un Viento Negro (un vent noir) du romancier paraguayen Alcibiades Gonzalez Delvalle, qui avait remporté un grand succès dès sa publication et reçu de nombreux prix. Ce roman, outre sa qualité littéraire, apporte également des informations importantes sur l’histoire du Paraguay, puisqu’il retrace en détail la dictature du président Alfredo Stroessner qui a duré plus de 35 ans (1954-1989).
Entre histoire et biographie
Un Viento Negro fait partie de la littérature du témoignage car le roman présente une grande partie de l’histoire du Paraguay, mais également une partie de la vie du romancier qui a confirmé à plusieurs reprises que tous les événements du roman sont des faits réels. L’histoire d’une vie et celle d’un pays s’amalgament harmonieusement dans ce roman jalonné de témoignages vivants de cette ère « noire » de l’histoire du Paraguay où la torture, les disparitions, les détentions et les assassinats étaient monnaie courante.
Le roman est divisé en cinq chapitres. Chacun raconte la vie d’une victime, en majorité des jeunes, qui ont formé ce qui a été appelé à l’époque les coopératives agricoles chrétiennes, pour aider les paysans et les familles qui cultivaient alors les terres. Une formule de soutien qui avait été refusée par le régime au pouvoir et qui donne lieu dans le roman à une série de narrateurs qui racontent ces événements sur un ton humain, évoquant le passé mais faisant référence au présent, voire à l’avenir.
Outre l’aspect historique dominé par un style journalistique, le roman relate la civilisation du guarani qui était la langue parlée par les habitants du pays avant l’occupation espagnole. Contrairement à de nombreux pays d’Amérique latine, les Paraguayens ont conservé leur langue d’origine pour devenir en quelque sorte l’un des rares pays sud-américains bilingues. Grâce à des passages rédigés en guarani, le lecteur découvre les spécificités culturelles et anthropologiques de cette partie de l’Amérique latine. La traduction vers l'arabe, réalisée par le Centre de la traduction nationale, permet au lecteur arabe d’accéder à un nouveau type de littérature. L’Amérique latine étant jusque-là représentée uniquement par l’Argentine, le Mexique, le Chili, le Pérou et la Colombie. Cette nouvelle génération d’auteurs traduits vers l’arabe constitue une source de connaissance et une ouverture culturelle riche pour le public arabophone .
Professeure de langue et de littérature espagnoles à l'Université du Caire
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